L’humoriste et animateur connaît le nombre de calories qu’il brûle pendant un spectacle (1100), il a déjà visé les 18 000 pas par jour, et il lui arrive aussi de grignoter dans le garde-manger, à l’abri des regards. Cette relation complexe avec son corps et la nourriture, il l’aborde avec franchise, authenticité et sensibilité dans un nouveau documentaire. La Presse l’a rencontré.

Phil Roy nous donne rendez-vous dans un restaurant de Terrebonne, à deux pas de son nouveau chez lui. « Désolé du retard, je reviens d’une échographie », s’excuse-t-il pour justifier ces cinq petites minutes de retard.

Phil Roy et son amoureuse Virginie ont quitté Montréal il y a un mois pour s’installer dans la couronne nord. C’est là qu’ils élèveront leur fille Billie, 2 ans, et sa petite sœur, dont la naissance est prévue dans trois semaines à peine. « J’ai hâte, très hâte », confie Phil Roy avant de s’attabler.

Grosse période, donc, pour l’humoriste et animateur, qui doit conjuguer ce déménagement, l’arrivée d’un enfant, mais aussi l’aboutissement d’un projet sur lequel il travaille depuis le début de l’année. Dans Le poids de l’apparence, un documentaire de 45 minutes qui sera diffusé le 28 septembre sur Crave, Phil Roy entreprend une quête : celle de se sentir bien avec son corps et avec la nourriture.

« Tout est parti d’un souper entre amis, explique Phil Roy. Une amie – Francesca [Gauthier], qui produit le documentaire – m’a questionné sur un de mes tatous », dit-il, en montrant le tatou en question sur son bras. « Je lui ai dit que c’est un gros gars à genoux qui pleure, parce que je suis toujours ce gros gars qui pleure. »

Extrait de Le poids de l'apparence

Phil Roy souligne que, dans la société, on associe le poids à la santé, à l’apparence physique, au sport, à la qualité de l’alimentation, au contrôle, à la volonté, bref, « à l’entièreté d’une personne ».

Si on ne fait rien, on va continuer à faire cette association dans la société dans laquelle mes enfants et tes enfants vont grandir.

Phil Roy

Cette démarche, est-ce aussi pour ses filles qu’il l’entreprend ? « Assurément. C’est la bûche de courage dans mon feu », dit Phil Roy, le regard perçant.

Le mythe de perdre du poids

Deuxième d’une famille de trois, Phil Roy a grandi à Laval au sein d’une famille… mince. Le documentaire débute d’ailleurs par une rencontre avec sa mère, qui fait preuve elle aussi d’une grande authenticité. Lorsque Phil Roy avait 14 ans, ses parents l’ont amené consulter une diététiste. Sa mère confie qu’elle avait peur qu’il souffre du regard des autres.

Extrait de Le poids de l'apparence

« On avait un petit verre de 8 onces, chez nous. Je pouvais boire ça de lait, se souvient Phil Roy, en écartant son pouce et son index. Mon petit frère étudiait en concentration sport. Et lui, il bouffait, il bouffait… »

Dans le documentaire, la psychologue Stéphanie Léonard, spécialisée dans le traitement des troubles de l’alimentation, explique que les gens qui souffrent d’hyperphagie boulimique ont un point en commun : jeunes, ils se sont fait imposer le mythe qu’ils devaient perdre du poids. « Être le potelé de la gang, je n’ai pas trouvé ça grave jusqu’à ce que des adultes me disent : “toi, tu as assez mangé” », raconte Phil Roy, qui se souvient d’avoir traversé sa crise d’adolescence avec la nourriture, et d’avoir finalement arrêté le sport.

Et ce qui lui fait le plus de peine, confie-t-il dans le documentaire, c’est de réaliser qu’il serait prêt à faire la même chose avec ses filles.

Je ne veux pas que mes filles vivent mon aventure corporelle, mais ce que je ne veux surtout pas, c’est qu’elles aient un père qui capote avec ça.

Phil Roy

Les parents sont aux prises avec deux discours : celui du courant antigrossophobie, qui vise l’acceptation des corps gros, mais aussi celui d’observateurs comme le triathlonien Pierre Lavoie qui mettent en garde contre l’impact de la sédentarité et de l’obésité. « J’étais moins en santé quand je pesais 307 livres, et jamais je ne vais le nier », dit Phil Roy, qui a perdu du poids pour être capable de faire du stand-up. « Je ne veux pas nier l’impact du surpoids ; je veux juste lui donner la place qu’il devrait avoir. »

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Phil Roy

Selon lui, les deux discours peuvent coexister. « Je pense qu’on pourrait dire aux jeunes d’oublier la perte de poids, d’oublier la balance, et de regarder dehors : peut-être qu’il y a quelque chose qui va les intéresser et les raccrocher au sport », dit Phil Roy, selon qui il ne faut surtout pas mettre la faute sur les jeunes en surpoids. Il se souvient de cette main que son frère lui a tendue, un jour, en l’invitant à courir (ou plutôt marcher) avec lui. « J’habitais au 4760, on ne s’est pas rendus au 4810. » Mais c’était ce qu’il lui fallait pour redécouvrir le goût de bouger.

Comment agira-t-il avec ses filles ? Phil Roy n’a pas encore de réponses, uniquement des pistes de réflexion. La psychologue Stéphanie Léonard conseille aux parents de créer un filtre autour de l’enfant pour le protéger des préjugés de la société et de le valoriser. Une chose est claire, Phil Roy veut continuer son suivi en psychologie pour que ses filles soient portées elle aussi à consulter si le besoin se fait un jour sentir, et pour continuer d’avancer. Il le sait : la quête qu’il a entreprise, c’est celle d’une vie.

« Tantôt, en sortant d’ici, je vais faire une heure de boxe et cinq kilomètres de course, parce que ce soir, on reçoit à manger. Mais maintenant, j’en suis conscient, je me l’avoue, et j’essaie de travailler ça. C’est déjà un pas vers l’avant », dit Phil Roy, qui souhaite être capable, un jour, de faire du sport de façon totalement dissociée du poids.

« Si je peux fermer une couple de clapets dans le barrage, et qu’il reste juste trois ou quatre fuites, je vais être super heureux, conclut-il. Peut-être que mes filles vont le développer, mais je ne leur aurai pas transmis. »

Sur Crave le 28 septembre