S’il devait raconter une histoire de pêche, on ne doute pas un instant que Fabien Cloutier en beurrerait épais. Dans la peau du personnage du « chum à Chabot », créé pour sa pièce Scotstown il y a longtemps maintenant, il agrémenterait sans doute son récit de propos salaces, de sacres et d’expressions colorées. Exactement le contraire de ce qu’il fait dans Prendre le bois.

La série documentaire qu’il coréalise avec Émile David en raconte, des histoires de chasse et de pêche. Pas tant pour vanter les exploits des adeptes qui se confient à l’animateur, mais pour connaître leurs motivations profondes. « On avait envie de mettre la lumière sur des gens qu’on voit moins et qui ont un rythme très en phase avec la nature », explique Fabien Cloutier, parlant de son coréalisateur et lui.

« Émile et moi, on chasse et on pêche. On regarde des émissions de chasse et de pêche, poursuit-il, mais quand tu jases avec des chasseurs et des pêcheurs, ils disent tous que la récolte, ce n’est pas le plus important. Ce qui compte, c’est ce que tu vis, les gens que tu rencontres et c’est justement le bout qu’on ne voit presque jamais dans ces émissions-là. »

On s’est dit : là où d’autres éteignent le kodak, nous, on va le laisser allumé.

Fabien Cloutier, coréalisateur de Prendre le bois

Dans Prendre le bois, Fabien Cloutier marche dans les traces de quatre personnes qui vivent du contact de la nature. Comme Ken Taylor, « icône de la chasse et du tir au poignet », installé à Waskaganish, dans le Nord-du-Québec. Ou comme Laurence Burton, avocate devenue spécialiste de l’identification et de la cueillette des plantes comestibles et médicinales. Ces gens-là ne font pas du « plein air », ils vivent de et avec la nature.

La nuance est importante, car elle circonscrit très précisément le projet de Fabien Cloutier : il souhaitait montrer des gens dont les choix de vie sont très différents de ceux de la majorité et dont la vie est rythmée par les changements de saisons, les migrations des animaux et la croissance des plantes. « Pour la majorité d’entre nous, vivre au rythme des saisons, ça veut dire mettre des pneus d’hiver et s’habiller plus, illustre l’animateur. Notre job ne change pas. »

IMAGE TIRÉE DU DOCUMENTAIRE PRENDRE LE BOIS

Fabien Cloutier et Ken Taylor

Au rythme des saisons

Ce qu’il découvre et transmet à travers ces rencontres, ce sont des visions du monde et de la place de l’être humain dans la nature. Des territoires, aussi, puisqu’il est allé dans le Nord-du-Québec, en Gaspésie, dans les Cantons-de-l’Est et à Pakuashipi, communauté innue installée bien au-delà des derniers kilomètres asphaltés de la 138. « Quand tu fais de la nature un choix, ça impose un éloignement », suggère Fabien Cloutier, pensant entre autres au guide de pêche à la mouche rencontré dans la région de Bonaventure.

Il n’y a personne parmi les gens qu’on a rencontrés chez qui on a senti qu’ils auraient besoin de plus de ville. Ça ne leur manque pas.

Fabien Cloutier

Choisir la nature, c’est aussi, dans le cas de Laurence Burton, mettre une croix sur le confort. Durant la belle saison, la jeune femme vit dans son véhicule et se déplace d’une région à l’autre pour maximiser ses récoltes de plantes sauvages. Dans un esprit de partage de savoir, Fabien Cloutier, lui, l’emmène à la chasse au dindon sauvage.

L’animateur est quant à lui initié à la chasse à l’ours – celle que préfère Ken Taylor. En abattra-t-il un ? Il faut regarder l’émission pour le savoir. L’essentiel, aux yeux de Fabien Cloutier, c’est toutefois la rencontre de l’autre. Et c’est vrai que le temps passé en nature ouvre la porte aux échanges plus intimes. Le vieux chasseur d’ours, jadis bâti comme une armoire à glace, se confie d’ailleurs à la caméra avec une simplicité surprenante, évoquant ses bons coups et ses regrets, sa vision de la vie et de la mort…

« La forêt laisse place à l’introspection. Attendre dans une cache ou un mirador, faire je ne sais pas combien de lancers à la mouche dans une journée sans rien prendre, ça laisse de la place pour penser, dit Fabien Cloutier. Une autre forme de contact avec soi se crée. Je pense que le documentaire montre la richesse que ces moments peuvent apporter dans la vie des gens. »

Lui-même admet avoir besoin de ce contact posé avec la nature. Il a été élevé dans la chasse et la pêche. « J’ai rencontré à travers ça des gens qui m’ont appris des choses dans la vie, j’ai eu des discussions intéressantes qui m’ont aidé à savoir qui je suis, assure-t-il. Ça m’aide encore au quotidien. »

Dès mardi sur la plateforme Vrai