À pareille date l’an dernier, Julie Snyder n’en menait pas large. Entre ses obligations de productrice (Occupation double), sa longue bataille judiciaire contre son ex-mari Pierre Karl Péladeau et l’animation d’un talk-show quotidien (La semaine des 4 Julie), la démone était « épuisée, épuisée, épuisée ». Aujourd’hui, en entrevue au chic hôtel William Gray du Vieux-Montréal, l’animatrice déborde d’énergie, alors qu’elle s’apprête à prendre les commandes de Chaque seconde compte à Noovo, son premier jeu télévisé depuis Le banquier. Entrevue.

Qu’est-ce qui vous excite particulièrement dans Chaque seconde compte ?

C’est plus qu’un simple jeu ; c’est un film de suspense, c’est une téléréalité…

C’est bien connu : au Québec, la chicane, on n’aime pas ça. Pourtant, le format de Chaque seconde compte crée des situations propices aux confrontations. En regardant les versions étrangères du format, est-ce que vous avez remarqué une différence avec l’attitude des concurrents québécois ? Est-ce qu’on fuit la confrontation ?

C’est vrai qu’au Québec, on aime moins la chicane. Mais je dirais qu’aussitôt qu’il y a de l’argent en jeu, la chicane peut pogner assez vite. Il y a une émission où j’ai arrêté d’écouter ce qu’on me disait dans l’oreillette. Je suis complètement sortie de mon rôle d’animatrice. Les gens se chicanaient tellement… J’ai fini à genoux à terre ! Je ne suis pas censée intervenir. Je suis censée laisser aux concurrents le temps qu’ils veulent pour délibérer. Mais je voyais les secondes s’écouler, et j’étais comme : « Hé, gang ! Le temps file ! »

Dans chaque épisode de Chaque seconde compte, après la première ronde de questions, les quatre joueurs doivent voter pour éliminer un joueur. Le premier épisode m’a rappelé la première saison de Star Académie et votre profond malaise durant l’élimination initiale, quand les académiciens avaient dû choisir, à main levée, celui qu’ils voulaient voir partir. Vous en souvenez-vous ?

Certainement ! Je vais m’en souvenir toute ma vie ! Ça demeure un cauchemar pour moi. Après le show, j’étais sortie de scène, j’avais enlevé mon micro et j’avais dit : « Plus jamais ! » Star Académie, c’était un format que j’avais acquis en faisant affaire avec Endemol. On devait respecter les règles, mais après avoir vécu en direct l’exclusion d’un chanteur, j’étais comme : « Qu’ils me poursuivent s’ils veulent, mais c’est fini : on change ça ! » Parce que c’était contre mes valeurs.

Est-ce que vous gérez mieux ce genre de situation, 20 ans plus tard ?

C’est moins douloureux parce que Chaque seconde compte, c’est un jeu, tandis que Star Académie, c’est un concours de talent. Mais j’ai quand même insisté pour qu’on remette un cadeau à celui ou celle qui part en premier. C’est juste au Québec qu’on fait ça !

PHOTO BERTRAND EXERTIER, FOURNIE PAR NOOVO

Julie Snyder aux commandes de Chaque seconde compte

Quelle aurait été votre force comme concurrente à Chaque seconde compte ?

Ma culture générale. C’est important pour moi. Je viens d’une famille modeste, mais on était riche en culture. Ma mère m’achetait des livres usagés. À l’école, j’étais la substitut dans l’équipe de Génies en herbe. Et quand j’ai passé le test qu’on soumet aux candidats de Chaque seconde compte, j’ai eu 23 sur 25. J’étais très fière.

On n’est pas obligé d’avoir une bonne culture générale pour s’illustrer à Chaque seconde compte. Les grandes gueules peuvent aussi tirer leur épingle du jeu. Et vous avez une grande gueule…

Oui, j’ai une pas pire grande gueule, mais je voudrais m’imposer avec mes bonnes réponses.

Les médias québécois traversent une crise. En tant que témoin privilégiée de l’industrie télévisuelle depuis les années 1980, la situation actuelle vous préoccupe-t-elle ?

Oui. Dans toute ma carrière, je n’ai jamais vu quelque chose d’aussi gros. C’est très, très, très inquiétant. Il y a une récession publicitaire. Tout le monde la sent.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Julie Snyder

Vous avez décroché votre premier contrat en télévision en 1983. Avez-vous souligné vos 40 ans de carrière l’année dernière ?

Non.

Pourquoi ?

Parce qu’actuellement, dans ma vie privée, j’ai des choses qui m’occupent beaucoup. [Son divorce avec Pierre Karl Péladeau n’est pas encore finalisé.] Des choses qui m’empêchent de célébrer. Ça m’attriste.

La semaine des 4 Julie s’est terminée en avril dernier, après quatre saisons sur Noovo. Est-ce que vous regardez l’émission de Marc Labrèche ?

Oui. Je trouve ça très bon. J’y ai participé, d’ailleurs.

Croyez-vous qu’on reverra un talk-show quotidien à heure de grande écoute ?

Non. Je regardais La tour à TVA. Ça fonctionnait bien, mais après deux ans, Patrick [Huard] a décidé d’arrêter parce que c’était trop prenant. Il faisait 52 heures de télé par année. Moi, avec mes 5 pieds 2 pouces, j’en faisais 104. Je n’étais pas au bord de l’épuisement ; j’étais en épuisement. J’adorais animer La semaine des 4 Julie, mais c’était trop.

Est-ce qu’Occupation double revient l’automne prochain ?

Je n’ai pas la réponse à cette question.

Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour 2024 ?

Que Chaque seconde compte obtienne du succès. Et que j’aie du temps pour avoir une vie. Je n’ai pas toujours été capable d’en profiter au cours des dernières années, parce que j’avais de lourds défis à relever.

Noovo présente Chaque seconde compte dès lundi à 20 h.

Chaque seconde compte : les règles

PHOTO BERTRAND EXERTIER, FOURNIE PAR NOOVO

Chaque seconde compte

Adaptation du format britannique Divided, Chaque seconde compte porte bien son nom. Quatre inconnus forment une équipe pour gagner des milliers de dollars. À chaque question de culture générale, ils bénéficient de 60 secondes pour donner une réponse de groupe. Plus les secondes s’écoulent, plus le prix en argent diminue. Mais attention : pour chaque mauvaise réponse, la somme accumulée baisse de moitié.

Après la première ronde de questions, les concurrents doivent éliminer l’un d’entre eux pour terminer la partie à trois.

Au terme du jeu, ils doivent séparer leurs gains en trois parts inégales de 10 %, 30 % et 60 %. Pour prendre cette décision, ils ont 100 secondes pour s’entendre et, encore une fois, plus la délibération s’étire, plus leurs gains fondent.

Réalisée par Raphaël Malo (Les enfants de la télé) et produite par Trio Orange (La tour, Les poilus) en collaboration avec Bell Média, la première saison comprend 13 épisodes.

Autre détail à signaler : le fils aîné de Julie Snyder, Thomas, 18 ans, est rédacteur de questions pour l’émission. « C’est un champion de Génies en herbe. Il y a des hockey moms, il y a des soccer moms… Moi, je suis une Génies en herbe mom. J’allais tout le temps aux tournois et j’applaudissais fort. Il avait honte de moi », raconte l’animatrice.

Les enregistrements de Chaque seconde compte continuent jusqu’en mars. Les intéressés peuvent s’inscrire sur noovo.ca.