Catherine Chabot s’excuse. Et pourtant, sa réaction est profondément humaine. En relatant l’aventure La candidate, l’actrice sent soudainement des larmes monter et embuer sa vision. Elle s’arrête et pose ses annulaires sous ses yeux, pour empêcher tout débordement. Trop tard. Quelques pleurs mouillent déjà ses joues. « Une chance qu’on a pris les photos avant ! »

Catherine Chabot n’est pas triste. Elle s’émeut en repensant aux auditions qu’elle a passées pour décrocher « le rôle d’une vie », celui d’Alix Mongeau, une candidate poteau qui cause une surprise en remportant ses élections, dans l’offrande d’Isabelle Langlois (Lâcher prise, Rumeurs). Elle s’émeut en relatant comment son agente l’a avisée qu’elle avait obtenu le contrat si convoité.

Et surtout, elle s’émeut en évoquant un entretien de Phœbe Waller-Bridge (Fleabag), dans lequel l’auteure, comédienne et productrice britannique racontait qu’en sortant de l’Académie royale d’art dramatique, elle sentait qu’elle devait étouffer sa propre lumière et « réduire ce qu’elle était vraiment » pour percer dans l’industrie. Résultat : chaque fois qu’elle passait une audition, elle était l’ombre d’elle-même.

« Quand je suis sortie du Conservatoire, j’ai vécu la même chose, révèle Catherine Chabot, la gorge nouée. Je suis quelqu’un d’expressif. Je suis entière. Mais j’avais peur d’être totalement moi-même. Je n’osais pas m’abandonner. Alix Mongeau m’a permis de briser ça. Elle m’a permis d’être radicalement qui j’étais comme comédienne. »

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Catherine Chabot s’est révélée comme comédienne grâce à La candidate.

La candidate, pour moi, c’est beaucoup plus qu’un personnage, c’est beaucoup plus qu’une série ; c’est l’actrice qui vient au monde. J’ai tellement grandi.

Catherine Chabot

Un rôle écrit pour elle

Librement inspirée du parcours de Ruth Ellen Brosseau, cette ex-gérante adjointe de bar, inexpérimentée en politique, que l’irrésistible vague orange a propulsée au Parlement aux élections fédérales de 2011, La candidate brosse le portrait d’une mère de famille monoparentale, technicienne en pose d’ongles, obligée d’apprendre les rudiments du métier de député, pour lequel elle n’a aucun intérêt. Au départ, du moins.

En entrevue, Catherine Chabot qualifie l’héroïne insoupçonnée de « guerrière », de « femme extrêmement forte » avec laquelle – contre toute attente, compte tenu de l’emballage extérieur – elle partage plusieurs points communs. « Je suis une fille qui jase. Je suis une fille qui aime le monde. J’ai travaillé dans un bar pendant cinq ans sur [l’avenue du] Mont-Royal. »

« Ce rôle était écrit pour moi », poursuit-elle avec enthousiasme.

Alix a une façon de parler, un bagou, une répartie, un aplomb, une drive… Comme moi, elle parle trop, des fois. Elle est spontanée, sans filtre… Et comme moi, son sens de l’autodérision est développé. C’est ma façon de passer à travers les épreuves. C’est mon mécanisme de défense.

Catherine Chabot

Pour Sébastien Gagné (Nuit blanche), qui coréalise La candidate avec Charles-Olivier Michaud (Ru), Catherine Chabot livre sa meilleure performance en carrière sous les traits d’Alix Mongeau. Non seulement parce qu’elle comprend la musicalité particulière des textes d’Isabelle Langlois, mais aussi parce qu’elle exprime toutes les nuances et les subtilités d’un personnage qui, entre les mains d’une comédienne moins douée, aurait pu frôler la caricature.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Sébastien Gagné, coréalisateur de la série

« Les yeux de Catherine sont un peu magiques, indique Sébastien Gagné. Quand Alix enregistre sa déposition au poste de police et qu’elle récite toutes les insultes qu’elle a essuyées, on peut lire son âme à travers son regard. »

Autobronzant en aérosol

Si Catherine Chabot n’a éprouvé aucune difficulté, côté personnalité, à établir une connexion avec Alix Mongeau, le travail s’est avéré plus fastidieux côté look. On parle d’une métamorphose quasi complète, à grands coups d’autobronzant en aérosol (spray tan), de faux cils, de brushing, de bijoux, de jeans ben serrés (comme dirait Marie-Chantal Toupin), de chandails bedaine, de décolletés et, surtout, de faux ongles.

PHOTO BERTRAND CALMEAU, FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Catherine Chabot dans La candidate

« Dans la vie de tous les jours, je suis zéro girlie, souligne la comédienne de 35 ans. Je suis le contraire d’Alix. Mais j’étais super à l’aise pareil. Je trouvais ça drôle ! Il y a juste mon chum… Quand j’arrivais chez nous, il était comme : “T’es vraiment orange.” Pis le spray tan, ça tache les draps. Quand je partais travailler à 4 h du matin, je laissais une grande trace brune dans le lit. C’était pas sexy ! »

Priorité : jouer

Mieux connue du grand public comme actrice, avec des rôles dans Léo, Hôtel et Menteur, Catherine Chabot est également dramaturge. Ses créations comprennent notamment Lignes de fuite, une pièce de théâtre présentée en 2019, puis adaptée au cinéma en 2022, avec Léane Labrèche-Dor et Mariana Mazza.

Catherine Chabot confirme avoir d’autres projets d’écriture en gestation, mais aucun qu’elle souhaite annoncer. « Écrire, ça demande beaucoup d’amour, beaucoup de temps et beaucoup d’énergie, souligne la mère d’une petite fille de 2 ans. J’ai des ronds d’allumés, mais aujourd’hui, j’ai envie de jouer. »

Sur cet aspect, Catherine Chabot affirme être bien servie. Un « beau projet » l’attend au printemps, et Noovo présentera cet hiver L’aréna, une comédie à sketchs qu’elle a tournée l’automne dernier, avec Benoit Brière, Phil Roy, Catherine St-Laurent et Sophie Cadieux.

Catherine Chabot y incarne la nouvelle flamme d’une joueuse de hockey campée par Valérie Tellos, qui interprète son attachée politique dans La candidate. L’aréna marque également ses retrouvailles avec Sébastien Gagné, qui réalise la série. « C’était très familial comme tournage, signale l’actrice. J’étais en confiance. Je sentais que j’avais un filet de sécurité. »

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Valérie Tellos et Catherine Chabot durant le tournage de L’aréna, l’automne dernier

Comme la plupart (voire l’ensemble) des gens ayant dévoré La candidate sur ICI Tou.tv Extra au cours des derniers mois, Catherine Chabot voudrait bien qu’une suite devienne réalité, mais malheureusement, rien n’est prévu, affirme Radio-Canada.

« C’est sûr qu’on voudrait une deuxième saison. Parce que c’est spécial, comme série. Il y a tant de choses à dire. Il y a une vraie histoire, de vrais enjeux. »

ICI Télé présente La candidate les mardis à 21 h à partir du 9 janvier. Noovo diffuse L’aréna les mercredis à 19 h 30 à compter du 10 janvier.