Jodie Foster a fait son grand retour au petit écran dimanche. Près d’un demi-siècle après avoir tourné dans son dernier téléfilm, l’icône du cinéma joue dans True Detective : Night Country. « C’était la première fois que je me disais : je dois absolument faire cette série ! »

Jodie Foster sait qu’elle n’a pas figuré au générique d’une production télé depuis des lustres. Du moins, comme comédienne. En rencontre de presse virtuelle, lorsqu’on mentionne l’écart de 49 ans qui sépare The Secret Life of T. K. Dearing, un petit film d’après-midi du réseau ABC diffusé en 1975, et True Detective, cette série d’anthologie de HBO relayée au Québec par Crave, la célèbre actrice esquisse un sourire.

La télévision a longtemps été perçue comme l’enfant pauvre du cinéma, voire son club-école. Passer du petit au grand écran rimait avec promotion. Le contraire, avec rétrogradation. « À l’époque, c’était deux écosystèmes différents », souligne l’ex-enfant star.

« Mais j’ai fait beaucoup de télé comme réalisatrice et productrice », ajoute-t-elle.

Jodie Foster assume également les fonctions de productrice déléguée sur True Detective : Night Country. C’est toutefois son travail devant l’objectif qui retiendra l’attention au cours des prochaines semaines.

Sous la direction d’Issa López (Tigers Are Not Afraid), qui signe aussi les textes, l’étoile de 61 ans incarne Liz Danvers, une détective chargée d’élucider l’étrange disparition d’un groupe de huit scientifiques qui exploitaient une station de recherche à Ennis, petite ville fictive – et enneigée – de l’Alaska. Épaulée par Evangeline Navarro (Kali Reis), policière au caractère bouillant, elle tentera d’établir un lien entre cette affaire et celle, non résolue, d’une Autochtone partie sans laisser de traces quelques années auparavant.

« C’était tout simplement un beau scénario, explique Jodie Foster, à partir d’une chambre d’hôtel de Los Angeles. C’était tellement inspirant. Il était question de deuil, des morts qui vivent parmi nous, de sexisme, d’égalité des droits, de l’humain qui malmène la nature... et cette idée qu’à tout moment, cette même nature peut s’éveiller, s’indigner et contre-attaquer. »

Rebonjour, la police

True Detective : Night Country marque d’autres retrouvailles : celles de Jodie Foster avec les forces de l’ordre, trois décennies après The Silence of the Lambs (Le silence des agneaux), ce thriller-culte de Jonathan Demme dans lequel elle campait Clarice Starling, agente du FBI en début de carrière.

Lorsqu’un journaliste parle de son retour dans l’uniforme de police, l’actrice le corrige avec humour.

PHOTO FOURNIE PAR TWENTIETH CENTURY FOX

Anthony Hopkins et Jodie Foster ont partagé l’écran dans le film The Silence of the Lambs.

Techniquement, Clarice n’a jamais porté l’uniforme ; elle portait uniquement de mauvais tailleurs.

Jodie Foster au sujet de son mythique personnage dans The Silence of the Lambs

Les deux protagonistes sont différentes, poursuit l’actrice doublement oscarisée. L’une était une brillante et jeune stagiaire, motivée et pleine d’espoir en l’avenir ; l’autre, une cheffe de police acerbe, stricte et têtue, qui refuse de s’ouvrir à l’autre.

« Mais elles viennent d’un milieu très masculin : le milieu policier, concède-t-elle. Clarice et Danvers ont dû s’endurcir, se forger une carapace. Elles doivent aussi combattre la misogynie. Mais elles s’y prennent d’une manière très différente. »

Une aura intacte

Jodie Foster a ralenti le rythme au cours des 10 dernières années. Elle a joué dans quelques longs métrages (Nyad, The Mauritanian, Elysium, Carnage), et réalisé une demi-douzaine d’épisodes de séries (Black Mirror, Orange Is the New Black, House of Cards), mais d’ordre général, elle s’est tenue loin des projecteurs.

PHOTO FOURNIE PAR BELL MÉDIA

Jodie Foster revêt l’uniforme de police pour camper la cheffe de police Liz Danvers.

Quand j’étais plus jeune, je passais d’un projet à l’autre sans prendre de pause. En vieillissant, j’ai changé, j’ai réalisé certaines choses. Aujourd’hui, j’ai envie de vivre ma vie, avec mes enfants. Mon approche est différente.

Jodie Foster

Malgré son éloignement du milieu, Jodie Foster conserve son aura particulière, autant auprès des journalistes (avant de poser leur question, plusieurs soulignaient combien ils étaient « honorés » de pouvoir l’interviewer) qu’avec ses pairs.

Pour Issa López, Jodie Foster demeure « la meilleure actrice vivante ». En entrevue à distance, la créatrice et auteure de True Detective : Night Country salue « sa discipline », « sa profondeur », « son intelligence » et « son esprit de collaboration ».

« Elle m’a gâtée pourrie comme réalisatrice... Ça pourrait poser problème, parce que tous les acteurs et actrices qui vont venir après elle, et qui n’auront pas cette même humilité, ce même désir de rendre l’œuvre meilleure... Je n’ai aucune envie de travailler avec eux ! »

PHOTO RYAN PFLUGER, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

La créatrice, auteure et réalisatrice du quatrième volet de True Detective, Issa López

Pour Kali Reis, qui donne la réplique à Jodie Foster dans True Detective, la vétérane était « merveilleuse ».

« J’ai fait ma groupie pendant 30 secondes, mais après, c’était une véritable collaboration. Elle s’intéressait à tout ce qu’on pouvait apporter. Elle n’était pas comme : “J’ai plus d’expérience que vous, donc voici ce qu’on doit faire.” Elle était plutôt comme : “Voici mes idées. Quelles sont les vôtres ?” Elle m’a fait vivre une expérience extraordinaire. Jouer avec Jodie Foster... Quelle belle façon d’amorcer ma carrière ! »

True Detective : Night Country est présentée en version originale anglaise, ainsi qu’en version française sur Crave. Un nouvel épisode est déposé chaque dimanche à 21 h. La série est également diffusée à Super Écran.

La nuit au grand froid

PHOTO FOURNIE PAR BELL MÉDIA

Jodie Foster et Kali Reis dans une scène de True Detective : Night Country

Pour rester au chaud pendant qu’elle tournait les scènes extérieures de True Detective : Night Country, Jodie Foster appliquait la recette suivante en quatre points : un gros manteau, des bottes d’hiver, des gants rembourrés et beaucoup, beaucoup de chauffe-mains et de chauffe-orteils stratégiquement placés. « Il fallait bien s’atteler ! », lance l’actrice.

L’action du thriller policier est campée dans le nord de l’Alaska, dans une portion du cercle arctique où survient chaque année le phénomène des « nuits polaires », ces journées complètes sans soleil, qui peuvent s’étaler sur deux mois. Pour une question de logistique, les tournages ont toutefois eu lieu de nuit, en Islande.

La rudesse du climat n’a pas seulement compliqué l’aventure de Jodie Foster (elle est tombée malade pendant une dizaine de jours), elle a aussi nourri son interprétation. « Sauf s’ils y sont nés, les gens qui habitent ces endroits tentent d’échapper à quelque chose, estime la principale intéressée. Les conditions nous informent sur l’esprit de survivant qu’ils doivent avoir. Parce qu’au grand froid, si ton auto tombe en panne d’essence, c’est fini : tu meurs. »