Saviez-vous qu’il y a des motards en Harley-Davidson qui roulent dans les rues de Bagdad, en Irak, et œuvrent pour la paix ? Et que le heavy métal est immensément populaire en Indonésie, le plus populeux des pays musulmans du monde ? Avec la série Face cachée, la documentariste Karina Marceau déconstruit les idées préconçues qu’on a au sujet d’une dizaine de pays de toutes les régions de la planète. Et c’est fascinant.

Notre vision du monde repose en partie sur des clichés. Réduire le voisin à un nombre limité de caractéristiques est un réflexe répandu… qu’on remarque facilement quand on est soi-même visé. Ne roule-t-on pas des yeux avec exaspération chaque fois qu’un journal français présente les Québécois comme de gentils provinciaux à l’accent étrange chaussés de raquettes et vêtus d’une veste à carreaux ?

« On a tous une perception très homogène des autres pays », estime Karina Marceau. Ces portes de la perception, elle les a traversées depuis longtemps : elle a voyagé et tourné partout sur la planète depuis qu’elle a quitté TVA pour se consacrer au documentaire.

L’idée de déconstruire les a priori lui est venue lors d’un déplacement à l’étranger : un homme croisé dans un avion lui racontait ses vacances en Syrie, alors qu’une guerre civile faisait rage dans ce pays du Levant. « Je me disais : non, on ne va pas en vacances en Syrie ! », se rappelle-t-elle. Le monsieur lui a alors parlé de stations balnéaires de type « tout inclus » situées en territoire contrôlé par le gouvernement de Bachar al-Assad où Russes et Iraniens se prélassaient loin des bombes.

C’est ce genre de surprises que Karina Marceau veut susciter chez les téléspectateurs avec Face cachée, série réalisée par Jean-Pascal Morneau dont elle est idéatrice et coscénariste. Elle en assure aussi l’animation, sans aucune forme de sensationnalisme. Elle aborde chaque pays, chaque communauté, avec une curiosité empreinte de respect et pose sur les gens et les choses un regard à la fois frais, intrigué et informé.

Comme journaliste, au quotidien, on fait des zooms in sur une situation. Ce que je fais [dans cette série], c’est aux antipodes de ça : je fais un zoom out pour avoir une perspective plus large. C’est là que le dessin révèle autre chose.

Karina Marceau, documentariste

IMAGE TIRÉE DE LA SÉRIE DOCUMENTAIRE FACE CACHÉE

L’Inde fait souvent les manchettes pour des crimes commis contre des femmes et des fillettes. Or, une région du nord du pays repose sur une structure matriarcale, raconte Karina Marceau.

Au Mexique, elle ne cache pas que l’idée de croquer dans un taco garni d’un scorpion ne lui met pas particulièrement l’eau à la bouche. À Bagdad, en Irak, elle nuance les propos de ses invités qui disent trouver leur pays « sécuritaire » et qu’on a tout faux lorsqu’on en parle à partir de l’étranger. « Je ne dirai pas que de se promener à Bagdad, c’est comme de marcher en Suisse, précise-t-elle, mais de là à dire que si on se promène dans cette ville, on va se faire kidnapper, il y a une marge. Les nuances étaient très importantes pour moi dans ce projet. »

Une série « d’action »

Karina Marceau a notamment visité le Pakistan, l’Inde, la Corée du Sud, le Pérou, l’Allemagne et la Suisse pour en montrer un visage méconnu. Chacun des 13 épisodes est consacré à une seule destination. Parfois, l’émission tire un seul fil narratif (la place des insectes dans l’alimentation et la gastronomie mexicaines, par exemple). Parfois, elle aborde plusieurs thèmes reliés entre eux de manière moins nette. Critère essentiel : éviter les répétitions d’un pays à l’autre.

On voulait une pluralité de sujets. On voulait aussi qu’ils soient très visuels et ne pas trop tomber dans le politique. On voulait vivre quelque chose, être dans l’action. On n’est pas trop dans la géopolitique, mais on l’aborde en filigrane.

Karina Marceau, documentariste

Face cachée repose sur ses histoires insolites, mais son animatrice constitue un atout considérable : Karina Marceau est une femme de terrain aux réflexes aiguisés. Elle est à la fois pertinente et spontanée, qualités que la réalisation de Jean-Pascal Morneau met bien en valeur. Sa présence constitue un point d’ancrage fort dans les épisodes qu’on a pu visionner. Jamais elle ne se place devant ses sujets que, visiblement, elle maîtrise.

Et puis, il faut le dire : cela prend du cran pour faire ce qu’elle fait.

« J’ai été élevée avec quatre gars, ça résume tout ! lance-t-elle lorsqu’on lui en fait la remarque. Oui, je pense qu’il faut du cran, mais j’ai toujours été comme ça. Je suis une aventurière. J’aime expérimenter. Et puis, je suis quelqu’un de très physique : j’ai fait du sport d’élite, quand j’étais jeune. Cette énergie-là, l’adrénaline de la découverte, je carbure à ça. »

Les vendredis, 21 h, à TV5. L’épisode sur l’Irak, diffusé vendredi dernier, est accessible en ligne.

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