Les émissions de vente et d’achat de maisons génèrent beaucoup de drame devant la caméra. Et parfois même derrière. Voilà pourquoi la série de courtage immobilier Numéros 1 reprendra l’antenne de CASA dotée d’une nouvelle distribution. Ses producteurs disent avoir déployé les moyens nécessaires pour éviter qu’une nouvelle controverse n’éclate.

Au printemps 2023, la direction de CASA, chaîne spécialisée du Groupe TVA, avait suspendu la diffusion de Numéros 1 lorsque La Presse avait révélé qu’une courtière immobilière du docuréalité, Christine Girouard, avait haussé artificiellement les enchères au cours du processus de vente d’au moins deux propriétés. Le tout, au moyen d’offres d’achat bidon.

Une manœuvre illégale de Mme Girouard s’était même taillé une place dans l’émission, réalisée par Paul-Maxime Corbin et Sébastien Goyette.

Les choses ont également tourné au vinaigre pour deux autres courtiers vedettes du rendez-vous télévisuel, David Tardif et Mathieu Arsenault. Le comité de discipline de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) a même suspendu le permis du premier – tout comme celui de Christine Girouard – parce qu’il s’était placé en situation de conflit d’intérêts.

Résultat du tourbillon : ni Christine Girouard, ni David Tardif, ni Mathieu Arsenault n’apparaîtra au générique de Numéros 1 quand l’émission reviendra en ondes, jeudi soir sur CASA. Seuls Georges Bardagi et François Mackay reprennent le collier. Ils seront entourés de quatre nouveaux courtiers : Lisa Lavie, Pierre-Olivier Vear, Samia Ouertani et Amy Assaad.

« Montrer des pratiques honnêtes »

Sphère Média, qui produit Numéros 1 en collaboration avec Québecor Contenu, et Groupe TVA, qui possède la chaîne spécialisée CASA, ont refusé nos demandes d’entrevue. Les deux entreprises nous ont toutefois envoyé des déclarations écrites par courriel.

Groupe TVA indique que Sphère Média a retenu les services d’une avocate en droit de l’immobilier pour vérifier la « conformité des prestations de services présentées en ondes ». L’avocate est chargée de visionner les nouveaux épisodes de Numéros 1. « Car notre priorité reste de montrer des pratiques honnêtes à l’écran », indique Sphère Média.

Sphère Média prétend avoir « toujours effectué les recherches nécessaires auprès de l’OACIQ » avant d’engager les protagonistes de Numéros 1. Les courtiers devaient également signer un contrat de bonne conduite avant d’amorcer les tournages, souligne l’entreprise.

Malheureusement, le risque zéro n’existe pas et nous avons dû retirer certaines personnes de l’émission à la suite de certains évènements mis en lumière dans les derniers mois.

La maison de production Sphère Média, dans un courriel

Pour sa part, Groupe TVA raconte avoir exprimé ses « préoccupations » aux producteurs et souligné « l’importance pour CASA » d’éviter d’être associée à « des personnes au comportement répréhensible ».

Réputation entachée

Selon Maïka Desnoyers, courtière vedette de l’émission Vendre ou rénover au Québec sur Canal Vie et Noovo, ces histoires « n’aident pas » à rétablir la réputation des courtiers immobiliers. « Dans la vie, il y a des gens qui font bien leur travail, et il y a des gens qui font mal leur travail », indique-t-elle en entrevue.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

La courtière immobilière Maïka Desnoyers en tournage pour Vendre ou rénover au Québec, en janvier 2020

Les déboires des courtiers immobiliers vedettes n’influencent d’aucune manière le comportement de Maïka Desnoyers. La femme d’affaires et mère de famille ne sent pas qu’elle doit en faire encore plus pour redorer le blason du milieu.

« Ma mère est courtière immobilière depuis 30, 35 ans. C’est elle qui m’a tout appris : le respect des lois, tout… Ça a toujours été by the book. J’ai été élevée comme ça. J’essaie de travailler du mieux avec mes acquis, mais je ne suis pas à l’abri d’une faute. […] Je suis humaine. C’est possible que j’en fasse, des erreurs. Mais pour l’instant, tout va bien. »

Bien connaître les lois

D’après Maïka Desnoyers, un courtier immobilier qui accepte de faire une émission de télévision doit connaître les lois qui régissent son domaine sur le bout des doigts.

Les gens en télé ne connaissent pas toutes les lois de l’immobilier. Des fois, ils peuvent te demander : ‟Hé, faudrait que tu fasses telle chose. Ça va être cool à l’écran !” Et toi, si tu n’es pas au courant qu’une loi t’empêche de faire ce qu’ils demandent, t’es dans la marde ! C’est à toi d’être à l’affût de ce que tu peux faire et de ce que tu ne peux pas faire.

Maïka Desnoyers, courtière vedette de Vendre ou rénover au Québec

Chez Zone3, la boîte de production derrière Vendre ou rénover au Québec, on précise qu’aucun participant de l’émission n’est obligé d’utiliser les services de Maïka Desnoyers s’il décide de vendre sa propriété. Les producteurs s’assurent également que Maïka Desnoyers « possède une licence de courtage immobilier en règle » avant chaque nouvelle saison.

Ici comme ailleurs

Le Québec n’est pas l’unique territoire aux prises avec des courtiers vedettes empêtrés dans toutes sortes de controverses. En 2022, le couple d’agents d’immeubles au cœur de l’émission de téléréalité Chrisley Knows Best, Todd et Julie Chrisley, a été condamné à 19 années de prison pour fraude.

En 2013, le département d’État de New York a mené une investigation sur Luis D. Ortiz, un courtier immobilier qui, durant un épisode de Million Dollar Listing New York, avait apporté des améliorations numériques aux photos promotionnelles d’une propriété qu’il tentait de vendre.

On peut également mentionner la polémique entourant House Hunters sur HGTV, une émission de location ou d’achat de maison où tout était arrangé en coulisses, d’après Entertainment Weekly.

Dans un message transmis à La Presse, l’OACIQ reconnaît que « l’augmentation de l’exposition de certains courtiers immobiliers influence la médiatisation des causes et peut porter atteinte à la confiance du public envers les courtiers immobiliers ». L’organisme rappelle toutefois que « sur 100 000 transactions annuelles, la majorité se passe bien ».