Le premier spectacle auquel Pierre-Yves Roy-Desmarais a assisté ? C’était celui de Daniel Bélanger, au Théâtre du Vieux-Terrebonne, durant la tournée Rêver mieux. Il avait 8 ou 9 ans. « Et ce qui m’avait marqué », se rappelle le nouvel animateur du Gala de l’ADISQ, « c’était son humour. Mes parents savaient que je voulais devenir humoriste et que je voulais aussi faire de la musique et ils m’avaient dit : “Tu vois, lui, il fait les deux, en quelque sorte.” »

Une vingtaine d’années plus tard, Pierre-Yves Roy-Desmarais fait lui aussi de l’humour et de la musique, en quelque sorte, bien qu’il ne vienne à personne l’idée de placer ses irrésistibles ritournelles rigolotes dans la même catégorie que Sèche tes pleurs et Dis tout sans rien dire. La famille de la musique, l’étoile du dernier Bye bye la rejoindra plus officiellement l’automne prochain, en attrapant le bâton témoin que lui tend Louis-José Houde, le plus célébré des animateurs de galas québécois que ce millénaire ait connu.

Face aux deux options qui se présentaient à eux – élire un successeur dans la lignée de celui qui a égayé leur distribution de prix depuis 18 ans ou oser un 180 degrés – les bonzes de l’ADISQ ont manifestement choisi la première. Parmi les nombreux points communs des deux humoristes : des études collégiales comme instrumentiste (Pierre-Yves a parfait son jeu de guitare imparfait au Cégep de Lanaudière) et une révérence pour ceux et celles qui ont choisi de faire de la musique leur vie.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Pierre-Yves Roy-Desmarais

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que Pierre-Yves succède sur scène à Louis-José (en quelque sorte). L’anecdote le suit depuis ses débuts, mais demeure trop attendrissante pour ne pas à nouveau l’évoquer : alors qu’il n’a que neuf ou dix ans, Pierre-Yves assiste à un spectacle de son héros durant lequel sa mère – « C’est un personnage, ma mère ! » – le pousse à interrompre un moment d’improvisation de l’humoriste et à lui réclamer un autographe.

Louis-José [Houde] m’a demandé ce que je voulais faire dans la vie, j’ai répondu humoriste et il m’a dit : « Tu reviendras à la fin raconter une joke. » Et après son rappel, il ne m’avait pas oublié : je suis allé raconter la joke du gars qui voulait rentrer dans la police.

Pierre-Yves Roy-Desmarais

Dans son cœur

À la différence de Louis-José Houde, qui disait à La Presse en novembre dernier ne jamais avoir rêvé à l’animation de la grande fête de la zique avant qu’on la lui propose, Pierre-Yves Roy-Desmarais a grandi dans un monde où, parce que Louis-José Houde pilotait la cérémonie, un tel mandat faisait partie du registre des possibles pour un comique en devenir. Son intérêt à lui succéder, il le verbalisait déjà sur les bancs de l’École nationale de l’humour, dont il a obtenu son diplôme en 2017.

« Mais bon, c’est facile à 21 ans de se dire “J’aimerais ben ça animer l’ADISQ, je pourrais avoir la gig demain et je serais prêt”, mais ensuite, tu vieillis et tu te demandes : est-ce que je suis vraiment fait pour ça ? Est-ce que c’est trop casse-cou ? », confie celui qui a été pressenti peu après que Monsieur Champagne Showbiz a annoncé qu’il accrochait son costard.

Mais en effet, n’est-ce pas trop casse-cou de passer après Louis-José Houde ? « La réponse à laquelle je suis arrivé, c’est que je ne vais pas essayer de tout calculer pour montrer que je suis différent de lui », dit celui qui a remporté en 2022 un Félix dans la catégorie Spectacle de l’année-Humour. « Je ne veux pas que ça me joue dans la tête. C’est une gig unique et il faut que j’en profite. »

La qualité principale d’un animateur de gala du genre ? « Il faut que la musique, tu la portes réellement dans ton cœur. »

Une effervescence

Dans l’agora ensoleillée de la nouvelle Maison de Radio-Canada, Catherine Pogonat, qui venait d’éteindre le micro de sa quotidienne sur ICI Musique, s’approche de Pierre-Yves. « On ne se connaît pas, mais je tenais à te féliciter. » « Enchanté, Catherine. Je t’écoute pas mal tous les jours », lui répond-il, visiblement flatté.

Quelques moments auparavant, dans l’ascenseur du diffuseur public, Claude Saucier avait lui aussi félicité. Pierre-Yves Roy-Desmarais, 29 ans, auditeur de C’est si bon ? « Mets-en que j’écoute C’est si bon ! Il n’y a rien que j’aime plus que lorsque Claude se fait rire lui-même. »

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Pierre-Yves Roy-Desmarais en entrevue

Le retour de Karkwa, en décembre dernier, au MTELUS ? Il était là et il en parle avec l’intensité de quelqu’un qui témoignerait d’une expérience mystique. « C’est juste moi ou François Lafontaine est comme… meilleur ? » Non, ce n’est pas juste toi, Pierre-Yves.

Lou-Adriane Cassidy, dont il portait ce jour-là un coton ouaté ? « Je l’ai vue à la Sala Rossa et c’était é-cœu-rant ! »

Il était aussi là au Club Soda en novembre dernier pour Le Roy, la Rose et le Lou[p], le spectacle générationnel de Lou-Adriane et de ses amis Ariane Roy et Thierry Larose. « Le début, avec les trois qui chantent un bout de la chanson de l’autre, sur papier, c’est super simple, mais ça représente tout ce que ça a à être. »

S’il se réjouit à ce point d’animer le gala de l’ADISQ, c’est donc qu’il sent qu’il y a actuellement en musique québécoise « une effervescence, quelque chose qui se passe. » Quelque chose qu’incarne la collégialité unissant Thierry, Ariane et Lou-Adriane, mais aussi toute une cohorte de vingtenaires en forte rotation dans ses écouteurs, dont Comment Debord, P’tit Belliveau et Gab Bouchard.

Ce que je n’ai pas vécu dans les années 1990 avec Les Colocs et Jean Leloup, j’ai l’impression de le vivre présentement.

Pierre-Yves Roy-Desmarais

Adolescent, Pierre-Yves Roy-Desmarais jouait des reprises des Trois Accords avec son grand frère au sein de leur groupe fabuleusement baptisé The Nipples. Il y a quelques mois, il assistait pour la énième fois à un de leurs spectacles.

« Charles [Dubreuil, batteur] m’a aperçu dans la foule et à la fin, pendant que les gars prenaient leurs applaudissements, il m’a fait un signe en voulant dire “Viens prendre une bière avec nous dans la loge.” Je n’en revenais pas : je m’en allais prendre une bière avec les Trois Accords ! » Parions que ce ne sera pas la dernière.