Le pari était ambitieux, voire audacieux. Une série originale en anglais, produite et tournée à Montréal, dotée de visées internationales. Les Québécois derrière Transplant voyaient grand. Après 4 saisons et 165 pays conquis, on peut dire opération réussie.

Au Canada, le drame médical s’est terminé le 19 janvier sur CTV. Au Québec, ses 13 derniers épisodes atterriront en français (Transplanté) le 26 mars sur Crave. Jointe au téléphone, Laurence Lebœuf, qui interprète la docteure Magalie Mags Leblanc, parle d’un « gros morceau » à laisser aller.

« J’ai tourné mes dernières scènes au début de novembre, raconte la comédienne. C’était plus émotif qu’on pensait. Tout le monde était à fleur de peau. On travaillait ensemble depuis 2019, presque huit mois par année. C’était une très belle fin, avec des témoignages, des larmes… »

PHOTO FOURNIE PAR BELL MÉDIA

Laurence Lebœuf dans la quatrième saison de Transplant

L’aventure Transplant a démarré en 2017 quand l’auteur canadien Joseph Kay s’est inspiré d’un article de magazine pour créer une série articulée autour d’un réfugié syrien, immigrant au Canada, qui parvient à reprendre sa carrière en médecine au service des urgences d’un hôpital de Toronto.

Pour Sphère Média, la boîte de production québécoise derrière l’offrande, il s’agissait d’une occasion de passer en cinquième vitesse. Quelques années plus tôt, en 2012, l’entreprise avait commencé à produire en anglais, mais toujours en adaptant ses séries originalement francophones, comme 19-2 et Nouvelle adresse (This Life).

On voulait produire des créations originales avec non seulement un potentiel de diffusion au Canada, mais aussi un potentiel d’exploitation à l’étranger.

Bruno Dubé, président de Sphère Média

Après avoir trouvé un diffuseur (CTV, propriété de Bell Média), la maison de production a convaincu un distributeur international, le géant NBCUniversal, de participer activement au financement du projet. Résultat : son budget a doublé, et soudainement, l’exportation devenait possible. « Une belle valeur de production peut non seulement attirer l’auditoire canadien, mais ça peut aussi attirer l’auditoire international », résume Bruno Dubé.

Au total, la série a profité d’un budget d’environ 130 millions de dollars pour 4 saisons de 13 épisodes chacune, précise Sphère Média.

PHOTO YAN TURCOTTE, FOURNIE PAR BELL MÉDIA

Stéphane Demers et Macha Grenon

Un succès d’exportation

La percée de Transplant sur l’échiquier mondial est indéniable. Son tableau de chasse inclut des pays comme l’Australie, le Royaume-Uni, le Brésil et, bien entendu, les États-Unis. Depuis 2020, la série est diffusée à heure de grande écoute sur NBC. Sa troisième saison est actuellement présentée les vendredis soir. Sa quatrième sera offerte plus tard en 2024, nous confirme Josée Vallée, vice-présidente directrice, fiction et longs métrages, marché francophone, chez Sphère Média.

« C’est la raison pour laquelle il faut continuer d’investir, souligne Bruno Dubé. Le contenu de grande qualité va chercher son auditoire et voyage. La preuve, c’est Transplant. »

Transplant a obtenu un succès instantané au Canada, en devenant la série dramatique canadienne numéro un, ainsi qu’en s’inscrivant dans le top 20 des séries les plus regardées au pays, toutes catégories confondues. Une performance qui relève de l’exploit, compte tenu de l’énorme concurrence américaine en fiction, par l’entremise de Netflix, Prime Video, ABC, CBS et compagnie.

Ses trois premières saisons ont remporté 15 trophées aux Canadian Screen Awards, notamment meilleure série dramatique, meilleure réalisation, meilleurs textes, meilleur acteur (Hamza Haq), meilleure actrice (Laurence Lebœuf) et meilleure actrice de soutien (Ayisha Issa).

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Ayisha Issa

« Voir à quel point le show a parlé aux gens, c’est vraiment flatteur, lance Laurence Lebœuf. On y a mis du cœur. »

Nombreux Québécois

Plus de 3000 personnes ont travaillé sur Transplant chaque année. Du nombre, on compte de nombreux Québécois, dont l’entièreté de l’équipe technique, puisque la série a été tournée aux studios Cinépool à Montréal, dans l’arrondissement de LaSalle.

On recensait des représentants d’ici dans chaque service. Du côté des réalisateurs, on signale Stefan Pleszczynski, Chloé Robichaud, Caroline Labrèche, Jeanne Leblanc, Alain DesRochers, Éric Tessier et Érik Canuel. Du côté des acteurs, outre Laurence Lebœuf et Ayisha Issa, on mentionne Marianne Farley, Mylène Mackay, Macha Grenon et Patrick Labbé.

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Marianne Farley

« Pour nous, c’est une fierté d’avoir amené des talents québécois sur Transplant, indique Josée Vallée. C’était aussi une volonté de Bell Média d’en engager, pour faire rayonner. »

« On n’a pas seulement servi de faire-valoir parce que ça coûtait moins cher de tourner à Montréal », ajoute la productrice.

PHOTO YAN TURCOTTE, FOURNIE PAR BELL MÉDIA

Mylène Mackay

Un tournant

Pour Sphère Média, qui soulignera son 40anniversaire en 2024, Transplant a marqué un tournant. L’entreprise continue de produire des émissions en français, comme Cerebrum, Les petits tannants, Un zoo pas comme les autres et Aller simple, mais elle possède dorénavant un bureau à Toronto et produit des fictions anglophones comme The Porter (en français, Le porteur) et Sort of (En quelque sorte).

« Depuis 2018, pour nos revenus hors Québec, on est partis de zéro à presque deux tiers », révèle Bruno Dubé.

La boîte travaille-t-elle à la création d’une autre série de grande envergure comme Transplant ? L’information est ultrasecrète. Mais puisque l’association avec Bell Média s’est bien passée, parions qu’une annonce surviendra sous peu.

« Ça nous permet de rêver et d’avoir de belles ambitions pour l’avenir, note Bruno Dubé. Ça nous a donné confiance. Ça nous a permis de rencontrer des gens importants. C’est un beau rêve devenu réel. »

L’après-Transplant de Laurence Lebœuf

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Laurence Lebœuf

Après avoir pris une pause de deux mois, Laurence Lebœuf a commencé, dimanche dernier, son premier tournage post-Transplant : la reprise de Deux femmes en or. Réalisée par Chloé Robichaud (Les jours heureux) et scénarisée par Catherine Léger (Babysitter), cette adaptation contemporaine du long métrage culte du cinéaste Claude Fournier de 1970 d’après sa pièce de théâtre du même titre sortira en salle en 2025. Laurence Lebœuf et Karine Gonthier-Hyndman y joueront deux banlieusardes qui décident de s’affranchir en célébrant le désir au féminin.

« J’avais déjà entendu parler du film, mais j’ignorais à quel point ça allait créer des réactions, indique l’actrice en entrevue. Je n’étais pas consciente de l’impact. Je l’ai découvert durant la dernière année, en sachant que je l’allais faire le film. »

Quant à Transplant, une série pour laquelle elle avait accepté de signer un contrat d’exclusivité d’une durée de quatre ans, Laurence Lebœuf est fière du parcours de Mags, son personnage.

« Elle a beaucoup évolué. Quand la série a commencé, elle était une première de classe qui voulait tout faire, tout savoir, qui n’arrivait pas à trouver d’équilibre entre sa vie personnelle et l’hôpital, qui était vraiment plongée dans son travail comme si c’était son boyfriend [amoureux]. Au fil des années, avec la rencontre de Bash et les amitiés qu’elle a soudées avec June [Ayisha Issa] et Theo [Jim Watson], on voit qu’elle a appris à mieux se connaître et mieux se centrer. »