Hiver 2022. Jean-Philippe Perras reçoit une proposition d’audition par courriel. Généralement, son agente et lui ont l’habitude de discuter du rôle qu’on lui présente avant qu’il ne plonge dans la lecture des textes. Ironiquement, pas cette fois. C’est seul devant son ordinateur que l’acteur a jaugé le projet qu’on lui soumettait. Une série appelée L’empereur.

D’emblée, le titre l’a emballé. Mais son enthousiasme s’est dégonflé quelques lignes plus loin.

« J’ai fait : “Ah, pour vrai, ça ne me tente pas ! Pas tout de suite.” Avec ce qu’on venait de vivre... On était quand même dans quelque chose, dans ma vie personnelle. Ça ne me tentait plus. J’avais donné ! », relate Jean-Philippe Perras en entrevue.

La tempête médiatique découlant d’agissements passés de sa conjointe, Maripier Morin, commençait tout juste à s’estomper. Mais c’est justement son amoureuse qui lui a dit : « Vas-y. Va voir. » Six minutes de discussion avec l’auteure Michelle Allen et le réalisateur Adam Kosh plus tard, le comédien était rassuré, convaincu, et il acceptait de prêter vie à ce monstre, l’agresseur Christian Savard, dans la fiction de Noovo.

« Je voulais comprendre et être en paix avec le pourquoi de cette série. Je ne voulais pas avoir le visage du gars qui veut juste baiser des filles. On a parlé de nuances et d’humanité. Pour comprendre comment on peut se rendre là, il faut le comprendre, le bonhomme ! »

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Jean-Philippe Perras

Bienveillance

Le narcissisme de son personnage, son besoin de possession, son déni de la réalité, Jean-Philippe Perras n’a pas feuilleté des milliers de pages ou visionné des heures de documentaires pour s’en imprégner. Il n’a pas échangé avec d’ex-agresseurs condamnés, ni ne s’est « inspiré » d’une personnalité déchue en particulier pour construire le caractère aussi charismatique que retors de son Christian.

Il a plutôt travaillé à se libérer de tout jugement pour arriver à éprouver de l’empathie pour l’homme qu’il incarnait... afin que nous, spectateurs, puissions le détester encore davantage.

Ce qui m’intéresse, c’est de comprendre l’humain à travers le personnage. Sinon, ça devient une parodie de mononcle.

Jean-Philippe Perras, à propos de son personnage Christian Savard

« Si j’avais seulement écouté mes premiers sentiments devant Christian, il n’y aurait pas eu de série. Je me serais dit que ce gars-là est un tas de marde, et ça aurait fini là. Mais qu’est-ce qui fait de lui un tas de marde ? C’est parce qu’il a de l’ambition, un ego démesuré, un besoin de contrôle. C’est un gars socialement extrêmement brillant. Toutes des choses que je suis capable de ressentir, qu’on vit tous, à différents niveaux. Il fallait aller les chercher en moi et mettre le rond à broil ! Si l’ambition de Jean-Philippe est à 3,5 sur 10, celle de Christian est à 12 sur 10 ! »

Il fallait beaucoup de bienveillance, explique notre interlocuteur, pour rendre respectueusement ces scènes – presque toutes – chargées émotivement. L’interprète confie avoir spécialement anticipé certains segments d’affrontement révélateurs avec Jean L’Italien, qui joue Lionel, le père de Christian.

« On ne peut pas tourner les scènes mécaniquement. Parce qu’on porte tous des traumatismes, de près ou de loin. Personne n’est arrivé avec ses grandes bottes en prétendant savoir ce qu’est un agresseur sexuel. Il y avait beaucoup d’humilité dans tout ça. »

Quant à la reconstitution de l’agression sur Rosie (Léa Roy), montrée avec beaucoup de doigté dans la noirceur à l’écran, qu’on verra à la télévision ce mercredi, Jean-Philippe Perras en décrit l’enregistrement comme une chorégraphie soigneusement calculée.

« On travaillait avec une coordonnatrice d’intimité et un cascadeur. Ce n’est pas Tom Cruise qui tombe d’un immeuble, mais c’était une cascade. Chaque mouvement était placé à la seconde près. »

Jamais lâcher

Que certains téléspectateurs le haïssent avec passion réjouit Jean-Philippe Perras. « C’est la preuve que ça marche ! »

Jean L’Italien m’a dit : “Mon gars, tu le sais, que c’est le rôle d’une vie, hein ?” Je sais que certains acteurs ont refusé d’auditionner pour le rôle...

Jean-Philippe Perras

« Le propos qu’on raconte est plus important que ma simple carrière. Ça ne me fait pas peur. Je fais confiance au monde. Mais il y aura assurément un avant et un après ce show-là, dans ma vie ! Jusqu’à maintenant, c’est LE show de ma carrière, pour plein de raisons. Un personnage avec autant de chair autour de l’os, c’est rare. »

Pour la conclusion – définitive, l’auteure Michelle Allen l’a confirmé – de L’empereur, Jean-Philippe Perras promet un « feu roulant » jusqu’à la dernière seconde.

« Christian n’abandonnera jamais ! Il peut mettre un genou à terre, peut-être deux, mais jamais il ne va lâcher. Or, la série met en lumière la force, la puissance, la résilience des femmes... Et les victimes non plus ne lâcheront jamais ! »

La série L’empereur est diffusée sur Noovo les mercredis, à 20 h. Le dernier épisode sera présenté le 28 février. La série est intégralement offerte sur Crave, et on peut aussi rattraper les épisodes déjà diffusés des deux saisons à Noovo.ca, jusqu’au 25 février.