Le jeune William incarne le calme, voire le gros bon sens, dans la famille survoltée des Daveluy-Conley du Temps des framboises. C’est peut-être son silence attentif de garçon sourd1 qui lui confère cette aura de sagesse. Une maturité semblable émane de son interprète, Xavier Chalifoux, qui voudrait bien que les gens cessent d’être embarrassés par la surdité.

Xavier Chalifoux a obtenu le rôle de William dans Le temps des framboises – son premier engagement devant la caméra – par l’entremise de l’Association du Québec pour enfants avec problèmes auditifs, que la production de la série de Club illico a contactée pour dénicher une perle rare. « Ça m’a amené dans un milieu que je ne connaissais pas. J’ai appris et acquis de l’expérience sur plein de choses », soutient-il.

Contraints par un virus de demeurer à leur maison à Terrebonne, c’est en visioconférence que Xavier et sa mère, Syvanne Cohen, répondent à nos questions, en présence de Martin Asselin, interprète en langue des signes québécoise. Celui-ci traduit les propos de part et d’autre, empruntant les intonations propres à chacun, comme le rire gêné d’un jeune lorsque le faciès de Xavier le suggère.

Martin Asselin n’a pas non plus quitté Xavier d’une semelle lors des tournages des deux saisons du Temps des framboises, respectivement réalisées par Philippe Falardeau et Guillaume Lonergan, en 2021 et 2023.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Xavier Chalifoux

Un apprentissage

Pour lui permettre de communiquer avec ses collègues comédiens Sandrine Bisson (Elisabeth), Elijah Patrice (Junior) et Micheline Lanctôt (Martha), ainsi qu’avec le reste de l’équipe, une préparation s’est faite en amont du tournage. Les acteurs ont reçu des vidéos où une personne de la communauté sourde exécutait en langue des signes québécoise les répliques des coscénaristes Florence Longpré et Suzie Bouchard, pour pouvoir les mémoriser et les reproduire. Sur le plateau, Martin Asselin était constamment sur le qui-vive afin d’expliquer à Xavier la moindre directive émise par le réalisateur.

« C’est fou combien les acteurs ont amélioré leur langue des signes entre la première et la deuxième saison, glisse Xavier. On pouvait se parler à l’extérieur de nos répliques. »

Une autre artiste sourde, Jade-May Klaver, s’est d’ailleurs ajoutée à la distribution du Temps des framboises pour son deuxième chapitre. Elle personnifie la tutrice de William.

Les Chalifoux croient-ils que tous les rêves sont à portée de main pour Xavier, malgré sa surdité ? Syvanne Cohen, elle-même sourde de naissance, opine vivement à la question.

« À 3 mois, il commençait à faire certains mots en langue des signes, comme s’il babillait. Je lui montrais des images dans un livre. La surdité ne limite pas une personne. Mon fils est excellent en français, c’est un passionné de lecture. On l’a “nourri” très jeune ; maintenant, il sait se débrouiller. S’il est incapable de se faire comprendre, il écrit un texto. »

Quel message Xavier aimerait-il transmettre pour briser les préjugés envers les sourds ?

« Quand on va quelque part et qu’on fait signe qu’on n’entend pas, les gens gèlent. Ils sont mal à l’aise ! Je suis simplement sourd, je ne vous sauterai pas dessus ! [rires] Je ne comprends pas pourquoi les gens réagissent ainsi... Mes amis et moi, on en rit ! »

1. À la demande de la famille, nous utilisons le mot « Sourd », un terme sociologique qui désigne « les individus qui sont médicalement sourds ou malentendants et qui s’identifient avec et qui participent à la culture, à la société et à la langue des personnes Sourdes, qui sont basées sur la langue des signes », selon l’Association des Sourds du Canada.

La deuxième saison du Temps des framboises vient d’arriver sur Club illico

« Il y a beaucoup de potentiel chez les Sourds ! »

Syvanne Cohen, mère de Xavier, est fière que son fiston brise probablement un plafond de verre en exposant la réalité d’un protagoniste sourd dans Le temps des framboises, et qu’on exploite enfin la langue des signes québécoise à la télévision.

« Il y a beaucoup de potentiel chez les Sourds ! On les voit peu, mais il y a tellement de talent. À la télévision, tout s’exprime dans le visage et les expressions. Quand on y montre des personnes sourdes, on prouve que c’est possible de réussir. Beaucoup de Sourds font du théâtre, et ce sont des gens super compétents. On a envie de pousser la machine pour qu’ils montrent de plus en plus de personnes sourdes à l’écran ! C’est vraiment une bonne chose », note la femme qui travaille comme éducatrice spécialisée à l’école secondaire Lucien-Pagé, que fréquente son garçon.