On croyait avoir une petite idée des efforts déployés pour concocter une série d’époque au Québec. On avait tort.

En discutant avec Joanne Forgues, productrice des trois saisons de C’est comme ça que je t’aime, on réalise qu’on avait sous-estimé les défis à surmonter pour reproduire fidèlement la décennie 1970, dans laquelle évoluent les bandits banlieusards au cœur des aventures imaginées par l’auteur, comédien et réalisateur François Létourneau.

Juste pour dénicher les maisons des couples Gaétan-Huguette et Serge-Micheline, l’équipe a trimé. Il fallait repérer des bungalows des années 1960 dont l’extérieur n’avait connu aucune transformation majeure. Le tout, aux alentours de Montréal, puisqu’en raison des budgets limités, on évite toujours de déplacer des distributions complètes, qu’on doit ensuite loger, etc.

Pour une série contemporaine, si j’envoie ma directrice des extérieurs trouver une maison d’une famille à revenu moyen de Montréal, elle peut revenir avec 50 suggestions. Pour une série d’époque, la recherche est beaucoup plus longue. Et quand on finit par trouver, les gens peuvent refuser de louer leur maison, parce qu’ils doivent être relocalisés le temps du tournage.

Joanne Forgues

Côté obstacles, c’est loin d’être terminé. Puisque les demeures du siècle dernier ont rarement conservé leur décoration d’origine, les Productions Casablanca ont dû métamorphoser les cuisines. « On a posé de vieilles portes d’armoire, on a changé les électroménagers, on a couvert les murs de papier peint, on a mis des tapis au sol pour recouvrir la céramique moderne… Et après chaque saison, on devait remettre la maison telle qu’elle était au départ », résume Joanne Forgues.

  • La maison de Serge (Patrice Robitaille) et Micheline (Karine Gonthier-Hyndman) dans C’est comme ça que je t’aime, avant et après

    PHOTOS FOURNIES PAR PRODUCTIONS CASABLANCA

    La maison de Serge (Patrice Robitaille) et Micheline (Karine Gonthier-Hyndman) dans C’est comme ça que je t’aime, avant et après

  • La maison de Gaétan (François Létourneau) et Huguette (Marilyn Castonguay) dans C’est comme ça que je t’aime, avant et après

    PHOTOS FOURNIES PAR PRODUCTIONS CASABLANCA

    La maison de Gaétan (François Létourneau) et Huguette (Marilyn Castonguay) dans C’est comme ça que je t’aime, avant et après

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Pour garnir chaque domicile de meubles et d’accessoires semblant tout droit tirés des années 1970, l’équipe des productrices Joanne Forgues et Sylvie Gaudreault a épluché des marchés en ligne, comme Marketplace et Kijiji.

« Des fois, on était en train de tourner, et tout à coup, on se disait : “Oh mon Dieu ! Il faut aller enlever cette pancarte qui annonce l’arrivée d’un Costco !” C’est beaucoup, beaucoup, beaucoup de détails », affirme Joanne Forgues.

Trouvez l’erreur !
  • Question quiz : dans cette image brute tirée du tournage de C’est comme ça que je t’aime, qu’a-t-on a effacé en postproduction pour respecter la réalité du quartier Sainte-Foy de Québec en 1976 ?

    PHOTO FOURNIE PAR PRODUCTIONS CASABLANCA

    Question quiz : dans cette image brute tirée du tournage de C’est comme ça que je t’aime, qu’a-t-on a effacé en postproduction pour respecter la réalité du quartier Sainte-Foy de Québec en 1976 ?

  • Réponse : le panneau d’arrêt en arrière-plan. Avant 1982, la norme était aux panneaux bilingues « Arrêt / Stop ».

    PHOTO FOURNIE PAR PRODUCTIONS CASABLANCA

    Réponse : le panneau d’arrêt en arrière-plan. Avant 1982, la norme était aux panneaux bilingues « Arrêt / Stop ».

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Un RadioShack des années 1980

Alexis Durand-Brault a vécu la même chose en 2022 pour Désobéir : Le choix de Chantale Daigle, qui raconte le combat d’une Québécoise pour revendiquer son droit d’avorter en 1989. En entrevue, le réalisateur se rappelle notamment une scène du début de la série, durant laquelle Chantale (Éléonore Loiselle) rencontre Jean-Guy Tremblay (Antoine Pilon), qui travaille chez RadioShack, une chaîne de magasins d’électronique autrefois très répandue au Québec.

« Trouver les bébelles, les emballages d’articles qui n’existent plus… Ce décor a coûté 30 000 $ pour 35-40 secondes à l’écran. Mais les auteurs [Daniel Thibault et Isabelle Pelletier] y tenaient. C’était important pour eux que l’action se passe au RadioShack. »

PHOTO FOURNIE PAR BELL MÉDIA

La série Désobéir : Le choix de Chantale Daigle montre la rencontre entre Chantale (Éléonore Loiselle) et Jean-Guy (Antoine Pilon) dans un magasin RadioShack.

Les scènes impliquant des voitures d’époque coûtent également cher lorsqu’on tourne une série se déroulant dans le passé, poursuit Alexis Durand-Brault. Parce qu’en plus de louer les voitures, il faut les faire venir par camion (leurs propriétaires veulent qu’elles roulent le moins possible), les assurer, etc. « Chaque auto qu’on voit à l’écran, c’est 5000 $, souligne le codirigeant d’ALSO Productions. C’est extrêmement cher, alors qu’en temps normal, je peux m’arranger et travailler avec ce que j’ai sous la main. »

« Réfléchir en amont »

Autre spécificité des séries d’époque : elles requièrent un temps de préparation beaucoup plus grand, signalent la productrice Josée Vallée (Sphère Média) et l’auteur Gilles Desjardins. Pour IXE-13 et la course à l’uranium, la paire a « réfléchi en amont » aux moyens d’économiser des sous et de respecter le budget exceptionnel « d’un peu moins de 1 million de dollars par épisode » que Québecor pouvait leur accorder.

« Ça part de l’écriture, insiste Gilles Desjardins. Le nombre de décors, le nombre de personnages, le nombre de scènes extérieures… C’est un combat. C’est vrai. Il faut batailler, batailler… »

Avant même de placer ta structure dramatique et d’écrire une ligne, tu dois penser au tournage, aux coûts qui s’empilent. En contemporain, ces considérations arrivent plus tard.

Josée Vallée, vice-présidente exécutive, fiction et longs métrages, marché francophone, de Sphère Média

Pour parvenir à concocter une série d’espionnage crédible et d’envergure internationale ancrée en 1945, l’équipe d’IXE-13 a fait appel à de nombreuses ruses. Plusieurs scènes extérieures ont été tournées de nuit pour éviter d’avoir à « maquiller » des rues entières. La collaboration de tous était primordiale, souligne Gilles Desjardins. « Parce que c’est rare qu’on fasse des séries du genre, tout le monde voulait y arriver. Tous les départements y mettaient du leur. »

PHOTO EVE B. LAVOIE, FOURNIE PAR CLUB ILLICO

Plusieurs scènes d’IXE-13 ont été tournées à l’intérieur pour économiser de l’argent.

Quand on demande à Josée Vallée et à Gilles Desjardins d’exposer les coulisses d’une scène d’IXE-13 particulièrement riche en défis, le tandem nomme une scène du huitième et dernier épisode durant laquelle (sans rien divulgâcher) le personnage de Jean-Thibault, défendu par Marc-André Grondin, se promène dans Montréal… « On a ramé fort, soutient Josée Vallée. On a tourné dans un stationnement avec des écrans verts qui tenaient malgré le vent. Ç’a été un tour de force. »

IXE-13 et la course à l’uranium est offert sur Club illico. La troisième et dernière saison de C’est comme ça que je t’aime débarquera sur ICI Tou.tv Extra le 1er mars. La minisérie Désobéir : le choix de Chantale Daigle est offerte sur Crave.

Une cure de jeunesse grâce aux effets visuels

Identifiez les différences
  • L’image de Montréal, telle qu’elle a été tournée l’an dernier

    PHOTO FOURNIE PAR PRODUCTIONS CASABLANCA

    L’image de Montréal, telle qu’elle a été tournée l’an dernier

  • L’image de Montréal, après avoir été trafiquée en postproduction pour correspondre au Montréal de 1976

    PHOTO FOURNIE PAR PRODUCTIONS CASABLANCA

    L’image de Montréal, après avoir été trafiquée en postproduction pour correspondre au Montréal de 1976

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Dans les dernières secondes de l’accroche des nouveaux épisodes de C’est comme ça que je t’aime, on voit Huguette (Marilyn Castonguay), Gaétan (François Létourneau), Serge (Patrice Robitaille), Micheline (Karine Gonthier-Hyndman), Marie-Josée (Sophie Desmarais), Raymond le caïd (René Richard Cyr) et Mario le curé (Patrick Drolet), armés jusqu’aux dents, qui regardent Montréal avec défiance, à partir de l’île Sainte-Hélène.

Tournée en 2023, cette seule image a nécessité des heures de travail en postproduction pour qu’elle respecte la silhouette du Montréal de 1976, raconte Catherine Faucher, des Productions Casablanca, qui coproduit la série avec Joanne Forgues. Munies de photos d’archives, les productrices ont repéré les immeubles (plusieurs tours de condos) qui allaient devoir être effacés par Charles Marchand, spécialiste en effets visuels. Sans compter les berges du Vieux-Port, qui nécessitaient des ajustements.

Le tout a ensuite été confirmé par l’urbaniste Michel Dufresne.