Dans le salon de son petit appartement de Pointe Saint-Charles, Liam Dougherty exhibe en riant jaune sa collection de costumes de «glace». Enfin libéré des froufrous, de la musique quétaine et des longues heures d'entraînement depuis qu'il a accroché ses patins, Liam Dougherty en a long à confier sur la vie de patineur artistique. C'est pourquoi il a écrit le spectacle solo Figure Skating Is for Little Girls.

C'est dans l'obscurité d'une salle de cinéma que l'ex-patineur canadien-anglais de 25 ans a compris qu'il avait consacré sa jeunesse et une petite fortune à une vocation qui ne lui ressemblait guère. Ses copains patineurs et lui avaient revêtu leurs habits de compétition les plus ringards pour assister à la première de Blades of Glory, cette comédie dans laquelle Will Ferrell et Jon Heder parodient le singulier univers du patinage de fantaisie.

 

«Je trouvais le film plutôt drôle, j'avais l'impression d'être de connivence avec les acteurs, parce que ce film reflète plutôt bien la réalité. Jusqu'au moment où le personnage joué par Will Ferrell apparaît avec exactement le même costume que celui que je portais, cette journée-là. Ça a été un moment horrible, où j'ai compris que j'étais l'objet de la blague!»

Jeune doué

Natif de Whitehorse au Yukon, Liam Dougherty a 8 ans quand il commence à faire du patinage artistique. À 13 ans, il entre dans le circuit de la compétition. Puisqu'il est doué et que les mecs se font plus rares dans cette discipline, il gagne des médailles et est vite repéré par les entraîneurs de haut niveau. À l'adolescence, il s'installe à Montréal où il vit avec une famille et s'astreint à un entraînement rigoureux, même s'il est malheureux comme les pierres. On estime qu'il a le talent pour faire de la danse en couple.

Il remporte quelques médailles, mais connaît aussi des frustrations, des déceptions et une grande désillusion. Il s'entraîne comme un fou, parce qu'on lui dit qu'il bon, parce que c'est ce qu'il a connu toute sa vie. Mais il finit par comprendre que la patinoire est sa prison. «J'ai arrêté de patiner l'année dernière, alors que j'étais devenu très en colère après tout le monde. J'avais besoin de quitter ce sport, parce que mon identité n'était plus autre chose que celle d'un patineur artistique.»

Confessions d'un ex-patineur

À compter de la semaine prochaine, Liam Dougherty livrera, dans un one man show, le récit de toutes ces années passées dans le carcan du patinage artistique. Il le fera en patins à roulettes, sur le plancher de l'aréna McConnell de l'Université McGill, privée de sa glace pendant la saison estivale.

«C'est un monologue, mais il y aura aussi une présentation PowerPoint avec des photos, des coupures de presse et des exemples des pires costumes que j'ai portés», décrit Dougherty qui, depuis un an, a résilié son abonnement au salon de bronzage et cessé de s'épiler et de se coiffer avec du gel.

Mais il n'y a pas que les froufrous qui l'ont dégoûté de son sport. À la fin de sa carrière, Liam Dougherty était non seulement frustré de n'avoir aucun droit de regard sur les costumes qu'il portait et la musique sur laquelle il patinait, mais il en avait aussi marre qu'on lui dise sans cesse de se taire, de peur que les juges lui en veuillent et lui fauchent ses chances de médailles. «Un journaliste m'avait demandé de réagir au scandale concernant les juges, aux Jeux olympiques de Salt Lake City. Même si mes commentaires étaient très modérés, je me suis fait engueuler par Skate Canada, qui m'a averti de ne plus rien dire aux médias.»

Il va sans dire que ses amis dans le circuit du patinage sont en désaccord avec son spectacle qui dénonce la superficialité, le kitsch et la corruption de ce sport. Mais pour Liam Dougherty, qui a consacré la dernière année à terminer son bac en création littéraire, Figure Skating Is for Little Girls est une sorte de catharsis.

Avec ses cheveux longs et sa barbe, Dougherty est aujourd'hui aux antipodes du parfait patineur qu'il a longtemps été. Il dort beaucoup plus, est 100 fois plus relax et consacre plus de temps à sa famille. «C'est quelque chose que je fais pour moi, pas pour attaquer ce sport.»

***

Figure Skating Is for Little Girls, les 12, 13, 19 et 20 juin à l'aréna McConnell de l'Université McGill, dans le cadre du festival Fringe. Pour plus d'infos: www.montrealfringe.ca