De With or Without You de U2 au Concerto pour violon no 3 en sol majeur de Mozart en passant par La Javanaise de Serge Gainsbourg: le quatuor à cordes en vedette dans PaGAGnini a bien des cordes justement à ses instruments! Rencontre sans fausses notes.

«Le monde de la musique classique n'a pas changé ses traditions et ses manières depuis 50 ans. Il est en train de se faire hara-kiri.» Celui qui parle ainsi se nomme Ara Malikian. Il est violoniste et fait partie dudit monde de la musique classique. Sauf que lui, le secoue gentiment depuis deux ans avec ses copains du spectacle PaGAGnini, de la compagnie espagnole Yllana, invité à Montréal par le Festival Juste pour rire.

 

Le concept de la production: «Des musiciens qui en ont un peu marre du monde de la musique classique où tout est pris au sérieux, mais qui aiment la musique qu'ils sont appelés à jouer décident de l'interpréter telle qu'ils la comprennent - c'est-à-dire de manière différente.» Et moins sérieuse.

Outre le violoniste d'origine arménienne qui se glisse dans la peau du «Chef» très arrogant, le quatuor se compose de deux autres violonistes, Eduardo Ortega qui affiche ici son côté rockeur et Fernando Clemente qui nous la joue en maladresse et innocence; et un violoncelliste, Gartxot Ortiz, dont le personnage se prend extrêmement au sérieux «même quand il fait le con», pouffe Ara Malikian, rencontré juste avant qu'il ne monte sur scène dans un théâtre de Valence.

Passent ainsi à la moulinette et sous leurs cordes, des pièces-surprises telles With or Without You de U2 et La Javanaise de Serge Gainsbourg mais aussi de «vraies» pièces classiques signées Mozart, Pachelbel et, bien sûr, Paganini - dont le nom a été un peu bousculé pour refléter le contenu du spectacle tout en musique et quelques mots (préenregistrés et, à l'occasion du passage à Montréal, livrés en français).

«Paganini, c'est notre idole à tous les quatre. Et PaGAGnini, c'est un hommage que nous lui rendons... en introduisant des gags dans sa musique», fait Ara Malikian, convaincu que le grand compositeur et violoniste aurait apprécié le geste: «Il est le premier musicien à avoir fait des tournées et en spectacle, il se donnait des airs mystérieux. Il payait même des femmes pour qu'elles s'évanouissent dans la salle.»

Ara Malikian ne va pas jusque-là. Ses complices non plus. «Mais il y a une interaction avec le public pendant les représentations.» En effet. Et le public en redemande: à preuve, partout où il passe depuis deux ans, PaGAGnini fait salle comble. Parce que ces «clowns» sont d'abord d'excellents musiciens et que s'ils se moquent de leurs pairs - et de leur public habituel - c'est sans méchanceté.

«Nous avons eu des commentaires très positifs de mélomanes extrêmement conservateurs aussi bien que de lycéens», poursuit le violoniste. Car une version plus courte de PaGAGnini existe pour le public scolaire. «Nous essayons de convaincre les jeunes que la musique classique est aussi pour eux, qu'il y a moyen de «comprendre» cette musique, de l'apprécier, sans avoir une formation particulière.» Autant de choses que leur refusent, d'une certaine manière, les concerts traditionnels, «où personne n'a le droit de bouger, où l'on se fait fusiller du regard si on applaudit au «mauvais» moment, où le côté génial de la musique est écrasé sous le «protocole»».

Celui-là même auquel Ara Malikian et ses copains donnent de joyeux coups de pied. «On fait les clowns, on joue de la musique, on s'amuse... et on gagne de l'argent. Que demander de plus?»

PaGAGnini, du 7 au 12 juillet à la Maison Théâtre.

Les frais de voyage de ce reportage ont en partie été payés par Juste pour rire.