Depuis cinq ans, Laurent Paquin reprend son thème «C'est quoi le problème?» comme angle à ses galas. Une formule gagnante, parce qu'il y a toujours des problèmes et qu'on a toujours envie de chialer. Et, depuis cinq ans, Laurent Paquin a habitué son public à la qualité, autant dans son rôle d'animateur, au poil, que dans sa liste d'invités. Hier soir, il n'a pas dérogé à sa règle... sauf vers la fin.

Superbe mise en scène pour l'ouverture, qui permettait de présenter quelques stand-up du spectacle avec en prime quelques invités-surprises, le temps d'une apparition. Une grande maison, pleine de fenêtres, avec au centre un animateur de tribune téléphonique (Paquin), et tout ce beau monde avait sa petite idée sur «c'est quoi le problème». Une sorte d'hommage à ces animateurs de nuit qui disparaissent. Les gens qui n'écoutent pas, a beuglé Jean-François Mercier; on mange n'importe quoi a déploré Boucar Diouf; le téléphone est épuisant s'est plaint Dominique Lévesque, l'hypersexualisation des jeunes a lancé François Léveillé; Les femmes de 40 ans qui ne pensent qu'au sexe a déploré Peter MacLoed; les hommes qui ne veulent pas s'engager a ajouté Jean-Michel Anctil déguisé en fille; les statistiques accablantes que Serge Grenier s'est amusé à énumérer; enfin, il n'y avait aucun problème pour Jean Charest, incarné par Pierre Verville...

Le ton était donné, et l'ambiance bien installée pour le monologue de Laurent Paquin sur la lassitude du citoyen responsable, et plus particulièrement responsable du réchauffement de la planète dans ses moindres faits et gestes, de l'achat d'ampoules fluo-compactes, en passant par les sacs d'épicerie, jusqu'au hamburger fait de viande de vaches qui pètent. D'ailleurs, après les vaches folles et les cochons qui ont la grippe, il pense que les chèvres nous préparent quelque chose... Un très bon texte, dans lequel tout le monde se reconnaissait.

Comme c'est l'habitude dans les galas, le premier invité est souvent peu connu et connaît son baptême de feu. Martin Perrizolo s'est tiré d'affaire avec un petit monologue où l'on a retenu que les écureuils sont des profiteurs et que la fin du monde n'aura pas lieu en 2012, comme l'ont prédit les Mayas, tout bonnement parce qu'ils ont été exterminés avant de terminer leur calendrier.

Guy Nantel, qui ne cesse de prendre du galon depuis quelques années, délaisse son ton éditorialiste pour devenir plus baveux. Et ça marche. Ses solutions aux problèmes de notre système de santé étaient drôlement méchantes; en gros, il faut réserver les hôpitaux aux vrais malades et les désengorger des hypocondriaques, des dépressifs, des mourants qui prennent trop de temps avant de trépasser et des femmes enceintes (qui ne sont pas malades). Un punch par phrase.

Cathy Gauthier, qui ne supporte pas d'être jugée par des vendeuses anorexiques lors de l'achat d'un costume de bain, a livré tout un monologue sur ce qu'est qu'une «madame» (et qu'elle refuse d'être), avec la formidable énergie qu'on lui connaît. On n'a pas eu le temps de noter tous les critères tellement ça allait vite, et tellement on riait.

Pendant ce temps, Stéphane Fallu n'a pas cessé d'interrompre le show et de vouloir s'immiscer dans le gala de Laurent Paquin, à rythme régulier. Fallu est toujours au top lorsqu'il s'agit de faire des choses ridicules et immatures. Aidé du nouveau groupe Les Grands burlesques dont il fait partie, il revenait à la charge chaque fois de «plus en plus fort».

Avant de s'installer au Québec il y a près de 20 ans, on avait promis à Boucar Diouf qu'il allait passer tous ses étés dans les bras d'une jolie québécoise. Il s'est plutôt retrouvé à passer l'hiver avec une grosse canadienne sur le dos. Alors il ne s'est pas gêné pour se faire photographier avec ses 50 étudiantes, afin d'envoyer la photo à son grand-père polygame en Afrique.

Jean-François Mercier, qui, décidément, ne chôme pas pendant Juste pour rire, a présenté un numéro en compagnie du comédien Dave Richer, atteint de paralysie cérébrale, en lui piquant sa chaise roulante. Mais en lui laissant les meilleures lignes, sans toutefois l'épargner, comme le commande son personnage de «gros cave». Pourquoi un numéro avec un handicapé? «Parce qu'ils avaient besoin de subventions et qu'ils devaient engager un débile» a répliqué Dave Richer. Une chimie inusitée, mais tout à fait fonctionnelle.

Enfin, après un sketch très «old style» mettant en vedettes Jean-Michel Anctil et Laurent Paquin, dans les rôles de deux frères complètement saouls au 8e mariage de leur père avec une petite jeune, c'est Peter MacLoed qui fermait le spectacle avant la chanson finale, avec un monologue, deux ans en retard, sur les accommodements raisonnables. Un texte sans intelligence, d'une facilité confinant à la paresse, des blagues surannées sur la circoncision chez les Juifs, le voile et la lapidation chez les Arabes, bref, des détails mille fois ressassés, et depuis longtemps. Tout cela sous prétexte que les Québécois sont mous ou tannés de se faire traiter de racistes. Avec comme punch et réponse que, s'ils ne sont pas contents, ces weirdos venus d'ailleurs, on peut leur dire: «décalisse tabarnak!» et «mettre nos culottes de société». Voyez le genre.

Ce sont des sujets délicats, certes, et qui doivent être abordés, sans craindre la censure, et qui ont surtout un énorme potentiel comique... si on a l'intelligence pour en parler. Car on était dans ce texte pas très loin des opinions déguisées en préjugés (et travesties hier en humour), très répandues dans les tribunes téléphoniques à trois heures du matin, telles que présentées au début du gala. Sauf qu'au début, on riait de cette imbécillité. Peter MacLoed, lui, l'incarnait. Il a eu une ovation debout, ce qui ne change rien à notre perception.

À l'exception de ce monologue embarrassant, Laurent Paquin a, comme d'habitude, livré la marchandise.