«Il y a une race que je ne supporte pas. Celle des clowns. Ils ne parlent pas comme nous. Ils ne s'habillent pas comme nous. Ils ne veulent vraiment pas s'intégrer, les clowns. Gi-digi, gi-dou-gi ... Voyons, on ne parle pas comme ça. On dit: bonjour monsieur! Ah... Imaginez si mon fils devait s'asseoir dans la même classe qu'un de leurs fils.»

Dans une pièce de son chic hôtel du centre-ville, Patrick Timsit crache ces paroles d'un ton ennuyé et sentencieux. «Tu vois, c'est un bon exemple du genre de gag que je fais pour parler de racisme, lance-t-il en reprenant son habituel ton affable. Je trouve cela plus efficace.»

Efficace et caustique aussi. Des épithètes qui reviennent souvent pour décrire son humour. Certains -une infime minorité- ne rient pas. Patrick Timsit a déjà eu ses censeurs vertueux. Dans un numéro des années 90, il se réjouissait que les chirurgiens ne travaillent pas comme les garagistes. Dans la peau d'un médecin réduisant le corps humain à une machine utilitaire, il lançait: «Les trisomiques, c'est comme les crevettes roses. Tout est bon à part la tête.»

Un père de trisomique n'a pas apprécié. L'affaire s'était finalement réglée à l'amiable. L'anecdote est vieille, mais Timsit accepte gentiment de nous la raconter, car il est de passage au Québec pour la première fois.

Au milieu des années 90, il a en effet interrompu sa carrière de stand-up pour se consacrer au cinéma. D'un film à l'autre, ce qui ne devait être qu'une simple pause s'est étiré. Il a tourné autant dans des succès critiques (La crise) que dans des échecs à grande échelle (L'emmerdeur), en plus de notamment signer la mise en scène de la comédie musicale Les aventures de Rabbi Jacob et de réaliser quelques films (L'Américain et Quasimodo...). L'année dernière, il se classait parmi les 10 acteurs français les mieux payés, selon Le Figaro.

Pourquoi revenir maintenant au stand-up? «C'était maintenant ou jamais, répond-il. À l'époque, j'avais refusé une offre de l'Olympia pour monter sur scène. Elle est revenue et je ne pouvais pas la refuser.»

Pour le plaisir de se mettre en danger, il reprend la plume. À ses côtés, ses vieux complices Bruno Gaccio et Jean-François Halin des Guignols des infos.

Dans son one-man show, Timsit parle d'un voyage en Nouvelle-Calédonie, de scientifiques fous, de l'anxiété d'attendre un enfant et de plusieurs autres sujets. C'est un succès populaire et critique en France. Les supplémentaires s'y poursuivront jusqu'en 2010.

Détour d'un pied-noir

Ce sont les détours de Patrick Timsit qui le rendent intéressant. Ce pied-noir juif naît à Alger en 1959. Deux ans plus tard, alors que la guerre fait encore rage, ses parents et lui déménagent à Paris.

Ils y installent leur maroquinerie. Très jeune, Timsit apprend à vendre sacs et chaussures. «Je suis devenu un bon vendeur, estime-t-il. Mais attention, bon vendeur ne signifie pas bon menteur. Je mens mal. Ce que je fais bien, c'est jouer. Cela rejoint un peu ma façon de concevoir la vie. En la prenant comme un jeu, on la dédramatise et on chasse l'ennui.»

«Solitude et confusion»

Tel un Dick Rivers, il se mettra à rêver à l'Amérique. Il a alors «15 ou 16 ans» et veut s'y lancer en affaires. Son plan: commercialiser la ratatouille en Californie. Première et dernière étape: l'ambassade américaine à Paris. «Mon rêve est mort un mercredi à 16 h à la place de la Concorde, rigole-t-il. On m'a demandé si j'avais de la famille ou une femme là-bas. La réponse était non. Alors je n'ai pas obtenu les autorisations.»

Timsit en ressort avec un sentiment «de solitude et de confusion». Il se lancera plus tard dans l'immobilier. À 22 ans, les affaires roulent bien. Mais un malaise s'installe. «Il y a un côté de ma personnalité que je n'assumais pas là-dedans. (...) On a tous des zones d'ombre. Il ne faut pas les laisser pousser et devenir dangereuses.»

C'est finalement en entrant dans un atelier de théâtre qu'il découvre sa vocation. Une vocation qui le conduit ce soir au TNM.

«Le titre de mon spectacle est Homme seul et debout. Ça n'a rien à voir avec la chevalerie ou même la bravoure. C'est la simple dignité de rester droit, de ne pas se laisser tordre par la vie et le cynisme.»

L'homme seul debout, de Patrick Timsit au TNM ce soir et demain à 20h.