Accompagné de Scott Price et ses musiciens, Guy Nantel a fait de lui un David Letterman hier, en recevant une partie de ses invités comme dans un talk-show. Avec en ouverture un monologue sur l'actualité, lui qui adore l'analyser, alors qu'on distribuait des sacs de papiers bruns à se mettre sur la tête annonçant les dates de son prochain spectacle (prévu pour février 2010).

Oui, la bêtise ambiante, c'est son domaine, qui est loin d'être en récession. «Je ne vais plus voter, j'ai trop honte. Une chance qu'on a maintenant le droit d'y aller la face voilée.» Loin de vouloir nous faire oublier nos problèmes en voulant nous faire rire, Nantel gratte le bobo et tente de réveiller les consciences dans cet air du temps où la corruption et l'incompétence sont loin d'être «juste pour rire». Sur les pertes de la Caisse de dépôt, il dit: «Ce n'est pas d'avoir perdu 40 milliards qui me choque, mais d'avoir su qu'on en avait 160 milliards, et qu'on a vécu comme des pauvres pendant tout ce temps-là!».

Présenté un seul soir, le gala de Guy Nantel, au programme fort alléchant, a été une suite de bons flashs dont certains n'ont pas allumé. Inévitable dans un très long gala de trois heures sans entracte. N'empêche, l'intention était là.

Les Denis Drolet ont ouvert le talk-show en «scrappant» la première entrevue de la soirée, à leur inimitable et indescriptible façon, avant de laisser la place à Jean-François Mercier et Louis Morissette, qui sont revenus, encore une fois, sur la polémique du Bye Bye. Mercier ayant versé du côté politiquement correct de l'humour à un point tel que Morissette lui a lancé: «on est à Juste pour rire, pas dans le train de Josélito. Tu manques de punch!» «Mais c'est ça que je veux faire, des jokes où je me fais moins puncher!». Il est vrai que René Angélil l'a traité publiquement de stupide et d'irresponsable. «Il avait raison: c'était vraiment stupide et irresponsable de ma part d'acheter des billets pour Céline Dion à 250 $». Puis il a ressorti la longue tirade du Bye Bye qu'il avait servi aux anglos consanguins qui ont voté pour Harper, cette fois adaptée à ceux qui ont voté pour Jean Charest. Pas de problème: «Les Québécois sont habitués à faire rire d'eux, ça ne fera pas le front page du Globe and Mail

Si ces deux-là ont accusé les médias d'avoir exagérément surfé sur la polémique, on pourrait leur répliquer qu'ils en profitent eux-mêmes beaucoup à Juste pour rire cette année. Mais c'est de bonne guerre, surtout quand c'est drôle. D'autant plus que Véronique Cloutier est apparue quelques secondes pour accompagner son chum dans une conférence de presse pleine d'excuses.

Cela peut sembler inusité comme duo, mais il y a vraiment une chimie entre Mike Ward et Guy Nantel, qui ont fait les bars ensemble. Et qui ont expliqué au public les différents types de spectateurs saouls que doivent affronter les humoristes. Parlant d'alcool, Ward en a sorti une bonne sur Éric Lapointe et sa nouvelle sobriété. «Ça fait chier. Il avait l'air de Rocky 3 et là, il chante du Joe Dassin. Il est à ça de partir dans le Sud avec des gagnants de Brault & Martineau. »

Autre moment fort, les Loco Locass qui sont venus chanter en anglais des classiques de la chanson québécoise, coiffés de fleurs de lys rouges, parce que «la culture québécoise en français, ça exclut trop de monde», en référence à la récente polémique de l'Autre Saint-Jean. François Massicotte, lui, a parlé de la crise: «Mon grand-père a perdu presque toutes ses économies, je capote. C'est mon héritage!».

Mais voilà, ce ton politisé, engagé et anti-p.c, a peut-être nui aux autres invités qui ne chantent pas cette chanson-là et qui semblaient parachutés d'un autre univers. Il y a bien Serge Grenier qui a fait la nécrologie de ces gens qu'on aimerait voir morts - avec l'humour morbide qu'on lui connaît - mais son numéro était tellement long qu'il a failli casser le rythme du gala. Ce qui est dommage, parce qu'on l'aime tellement... La suite semblait précipitée; John Audet, l'humoriste-motard, n'a pas été utilisé à sa juste valeur, les Pogo Dudes, deux performeurs sur des «springs», ont rapidement sautillé, avant que Laurent Paquin ne rattrape le show dans un monologue ayant pour thème «hostie qu'on conduit mal au Québec», plein de vérités, et tout à fait dans l'esprit du gala. Une découverte dans ces trois heures: P.-A. Méthot, qui aimerait donner une neuvième médaille à Michael Phelps pour en avoir remporté huit en natation tout en étant accusé d'avoir fumé du pot. D'une étonnante aisance sur scène pour sa première participation à un gala.

Le tout s'est terminé en compagnie d'une grande chorale, dans un hommage à ces «gens ordinaires » qui réussissent à devenir des vedettes, en présence du vrai Bernard Lachance, des faux Paul Potts et Susan Boyle (incarnés par les Denis Drolet!), et du vrai-de-vrai Normand L'amour. Tous des gens qui ont réussi sans Star Académie, et qui reprenaient la chanson-thème de l'émission. Fallait y penser. En attendant de voir Guy Nantel dans son prochain one-man-show, dont on a bien besoin.