Nous avons réuni 10 des comédiens qui seront les plus présents sur nos scènes cet automne pour leur poser ces trois questions: 1. Pourquoi jouez-vous? 2. Quel rôle vous a le plus marqué? 3. Avec qui rêveZ-vous de jouer? Voici, dans l'ordre - et sans fard - toutes leurs réponses.

Alexandrine Agostini

1. «Pourquoi je joue? C'est comme si on me demandait pourquoi je suis bipède! C'est le métier qui m'a choisie, pas le contraire. Jouer est le meilleur passeport pour tout: cela permet d'avancer le temps, d'arrêter le temps, de retourner en arrière. C'est pour moi la meilleure façon de comprendre l'humanité, de me comprendre et... de ne pas avoir de casier judiciaire! J'ai toujours été intense, et le jeu m'a permis de canaliser une violence. Le jeu me fait rencontrer d'autres cultures, des personnages qui ont différentes perceptions des choses. Je me rends compte qu'il y a beaucoup de choses dans la vie qui m'intéressent, mais je m'en lasse. Incarner quelqu'un me permet de me concentrer sur quelque chose pendant un certain temps et ensuite passer à autre chose. Je n'ai pas besoin d'apprendre à être infirmière pour le reste de mes jours! Il y a aussi quelque chose de guérisseur dans ce métier. Jouer m'a permis de traverser plusieurs épreuves, c'est à la fois un tremplin et un garde-fou.

2. Quand j'ai lu L'obéissance de Suzanne Jacob à Suzanne Jacob, dans la salle de l'Espace Libre. J'interprétais tous les personnages de ce livre qui est fondateur et fondamental pour moi.

3. Il y en a tellement! Paul Savoie, Isabelle Vincent, Chantal Collin, Sylvie Drapeau...

Du 20 octobre au 14 novembre, Alexandrine Agostini joue dans Rouge Gueule à Espace GO, une production du théâtre PÀP d'un texte d'Étienne Lepage (mise en scène de Claude Poissant), dans laquelle 10 personnages font tomber les tabous en disant tout ce qu'ils pensent.

Muriel Dutil

1. «Il y a 42 ans, j'ai choisi ce métier parce que je sentais qu'il me ressourcerait. La vie est trop courte; j'ai eu envie d'en avoir plusieurs! Que je joue un médecin, une prostituée, une directrice d'école, une reine au foyer ou une barmaid, je me sens plus vivante. Avec leur bagage de qualités et de défauts, tous mes personnages m'ont permis de me retrouver, comme si en passant par eux, en approfondissant leurs émotions, je prenais un recul et apprenais à mieux me connaître. Grâce aux personnages que j'ai joués, j'ai vécu des situations que je n'aurais jamais pu vivre autrement. Et plus j'avance en âge, plus je m'amuse! Dans le jeu, naissent des mondes troublants, intenses, fragiles. C'est ma façon de me mettre en danger, sans faire du sport extrême. J'aime ce milieu effervescent, qui me permet d'être toujours entourée de créateurs. Il y a des moments, au théâtre, où le temps est suspendu, où les spectateurs sont dans une même respiration. C'est quelque chose qui me bouleverse, cette vérité, cette façon d'être totalement dans le moment présent.»

2. Rosana dans Le temps d'une vie, de Roland Lepage, qui racontait l'histoire d'une femme de sa naissance à sa mort.

3. J'ai eu le bonheur de jouer avec beaucoup d'acteurs extraordinaires, et je trouve qu'il est toujours agréable de s'ajuster à chaque personnalité. La chose la plus importante reste l'esprit d'équipe, la confiance.

Du 20 octobre au 21 novembre, Muriel Dutil prend la peau d'un médecin dans Sacré Coeur à Espace Libre, projet né d'une collaboration entre Alexis Martin et l'urgentologue Alain Vadeboncoeur, qui nous fait vivre une nuit dans des urgences montréalaises. Elle joue aussi dans Hippocampe au Quat'Sous.

Sylvie Drapeau

1. «Le jeu, pour moi, permet d'accéder à un espace qui me connecte à l'infini. Entre 20h et 22h au théâtre, le temps n'existe plus, on entre dans un lieu sacré, qui nous connecte à une pureté. Mais ça, ce n'est que la pointe de l'iceberg: il y a aussi tout le travail préparatoire, la rencontre avec les autres acteurs et les auteurs. Quand on se retrouve face à une grande oeuvre qui est traversée par un souffle, on cherche à accéder à cet infini que l'auteur a touché. Et il y a aussi le public qui, à son tour, veut aussi toucher au sacré, à ce qui est plus grand et plus vaste que nous. C'est le but de l'art, n'est-ce pas, de se sentir connecté à la meilleure part de nous-mêmes. On cherche cette pureté, même dans la tragédie, particulièrement dans la tragédie. Et comme je travaille en ce moment la Blanche Dubois de Un tramway nommé Désir, j'ai les deux pieds dedans!

2. Je ne peux pas choisir, il y en a eu trop, de Winnie dans Oh les beaux jours à Béatrice de L'effet des rayons gamma sur les vieux garçons...

3. J'aimerais jouer avec Anne-Marie Cadieux. Il y en a plusieurs aussi avec qui j'aimerais rejouer, comme Robert Lalonde.

Du 29 septembre au 31 octobre, Sylvie Drapeau se glisse dans la peau de la mythique Blanche Dubois d'Un tramway nommé Désir de Tennesse Williams, au Rideau Vert. Elle fait aussi partie de l'aventure Chambre (s) au Quat'Sous.

Catherine Dajczman

1. Le théâtre est pour moi l'art total. C'est quelque chose d'organique et de vivant, qui permet la rencontre d'humains à humains. C'est pour retrouver cette rencontre que je joue. Ce qui m'attire dans cette rencontre, c'est le lien avec le spectateur, la source de transformation, le changement social, la prise de conscience, la réflexion. Quand le lien se passe, quelque chose de magique surgit. Je sens aussi la nécessité de prendre la parole, le besoin de partager mes réflexions et ma vision de l'humanité. Le théâtre est une forme d'art qui combine le corps et la voix. Il y a également la notion de plaisir, le besoin de porter un regard sur le monde ou de partager la vision d'un auteur ou d'un scénariste. J'aime la notion anthropologique qui vient avec la construction d'un personnage. Jouer, c'est essayer de mieux connaître l'humain et tout ce qui le traverse.

2. Celui que je prépare en ce moment pour Passages, mon show solo à l'Espace GO.

3. Marc Béland

Du 23 octobre au 7 novembre, Catherine Dajczman sera seule sur la scène de la salle intime d'Espace GO, pour rendre Passages, un texte qu'elle a signé et relate sa propre quête de sens, en tant que petite-fille d'un Polonais qui a vécu l'univers des camps nazis.

Patrice Coquereau

1. Je trouve dans le jeu une fonction à la fois thérapeutique et ludique. Moi qui aime m'amuser avec les mots, je dis souvent que le jeu me permet de sortir de l'enjeu. Jouer m'a appris le détachement, tout en me permettant une rencontre avec moi-même et les autres. Pour moi, jouer est une philosophie de vie, une façon de prendre du recul. Comme acteurs, nous sommes très confrontés à nos propres insécurités ainsi qu'au regard des autres. Mais dans la construction d'un personnage, il y a un travail de «décapage» pour arriver à l'essence des choses. Ensuite, on retrouve une qualité de présence, qui est ce qu'on cultive dans le jeu. Par la société, la vie, notre éducation, on est souvent dans le principe du «ailleurs meilleur». Mais au théâtre, c'est tout le contraire: il n'y a que l'instant qui compte.

2. Impossible à dire, il y en a eu trop. J'aime beaucoup Marc, le personnage que je joue dans Pi...?!, qui est un espèce d'autiste hors-norme.

3. Marie-Thérèse Fortin, Élise Guilbault, Muriel Dutil. Pour moi, c'est le contexte, la rencontre humaine qui comptent.

Du 15 septembre au 24 octobre, Patrice Coquereau joue dans Pi...?! , une création des Éternels pigistes qui transpose sur la scène de La Licorne un repas entre amis marqué par de surprenants revirements.

Dominique Quesnel

1. Je joue, parce que c'est ce que j'ai trouvé de plus épanouissant pour gagner ma vie. Le jeu me procure une satisfaction intellectuelle, physique, émotionnelle. J'ai su très jeune que je n'étais pas faite pour avoir un emploi de 9 à 5. Ce que je trouve extraordinaire au théâtre, c'est la rencontre de gens d'horizons et de générations différents. La rencontre avec le public est aussi très importante. Le théâtre, en plus d'être un lieu de questionnement, apporte un plaisir physique. Je suis une personne physique, j'aime bouger, être dans mon corps, et le théâtre permet ça. Et il a aussi le côté artisanal, les questions que l'on prend le temps de se poser dans la salle de répétition, les discussions, les échanges.

2. La vieille dame dans Cabaret Neiges Noires. Ce spectacle est devenu un show culte et on me parle encore de ce personnage.

3. Monique Miller. J'ai déjà fait une lecture avec elle et c'est quelqu'un qui me fascine et m'inspire.

Du 6 au 10 octobre, Dominique Quesnel joue dans Hippocampe , pièce de Pascal Brullemans et Éric Jean créée au Quat'Sous il y a sept ans, qui évoque l'histoire d'un lieu et de sa mémoire.

Olivier Morin

1. Je joue parce que j'aime ça, c'est bête de même! Pour moi, c'est un plaisir coupable. J'adore le côté «plaisanterie» de la chose, comme si on travaillait à préparer une bonne joke! C'est exaltant de faire ce qu'on n'a pas le droit de faire dans la vie. Un de mes grands plaisirs, c'est de décourager ma mère, en faisant des affaires interdites, qui font que les gens lèvent les yeux au ciel. Jouer, c'est souvent se compromettre, s'humilier, envoyer chier quelqu'un, déroger à la bienséance, sauter sur le lit. J'aime tout autant l'avant, le pendant et l'après. Me retrouver en répétition et éprouver du plaisir à trouver quelque chose de juste. Et après, il n'y a rien de tel que de prendre une bière après un show, à vivre ça ensemble. Je joue aussi parce que je suis chanceux, parce que j'ai le privilège d'être engagé.

2. Klaus, le rôle que je jouais dans la Grand Cahier d'Agota Kristof.

3. Il n'y a pas de nom en particulier qui me vient en tête. On a les plus belles surprises, quand on découvre des facettes insoupçonnées des gens.

Du 9 septembre au 17 octobre, Olivier Morin sera dirigé par Serge Denoncourt dans Fragments de mensonges inutiles au Théâtre Jean-Duceppe, un nouveau texte signé Michel Tremblay qui traite de la difficulté de vivre l'homosexualité à l'adolescence.

Anne-Sylvie Gosselin

1. Je joue pour me sentir vivante et aussi pour faire vibrer le public qui reçoit ce que j'ai à lui transmettre. C'est très enivrant de se retrouver sur scène, de vivre toutes ces émotions et de voir dans les yeux du spectateur que quelqu'un chose s'est passé et l'a transformé. Avec lui, on vit une rencontre unique. Je joue aussi pour me transformer, et pour transformer aussi un peu les autres. Quand on réussit notre coup, on a accès à une poésie. J'aime entrer dans cette poésie qui est étrangère à notre vie de tous les jours. J'aime le théâtre sensuel, l'univers physique de la scène, les costumes, les tissus, la lumière, la musique... Tout ce qui est sacré et entoure la scène. J'aime l'adrénaline qui vient avec l'entrée en scène. Je pense que je joue aussi pour «m'élever au-delà de ma condition», pour paraphraser Gabrielle Roy. J'ai grandi dans un petit rang, une petite ville. J'ai eu besoin de m'élever, d'aller voir ailleurs. Jouer me permet d'outrepasser la vie quotidienne, de changer de vie, de destin, le temps d'un rôle.

2. Le rôle titre dans Camélias, d'Éric Jean. C'est un de mes premiers grands rôles qui m'a suivie longtemps.

3. Sylvie Drapeau. Pour son intensité. Ce doit être extraordinaire de se retrouver dans ses yeux, sur scène.

Du 6 au 10 octobre, Anne-Sylvie Gosselin est de la distribution d'Hippocampe au Quat'Sous.

Francis Ducharme

1. Je joue, parce que je ne sais pas qui je suis. Parce que je veux comprendre. Je veux comprendre l'être humain. Je trouve qu'on se révèle plus avec un masque. Je joue parce que c'est tout ce que je sais faire.

2. Simon dans Le Traitement de Martin Crimp (dans la mise en scène de Claude Poissant.) C'était un personnage assez complexe, avec une violence, qui pouvait se virer sur un dix sous.

3. Anne-Marie Cadieux, Marc Béland... et Isabelle Huppert aussi, parce que c'est quelqu'un de fascinant.

Du 17 novembre au 5 décembre, Francis Ducharme se retrouvera sur la scène du Théâtre du Nouveau Monde, dans la nouvelle pièce d'Evelyne de la Chenelière, L'imposture, qui dépeint les rapports houleux entre une mère romancière et son fils.

Sophie Cadieux

1. Pour moi jouer, c'est prendre position, c'est mon engagement, ma façon de partager ma vision du monde. Même si je suis interprète, je suis aussi créatrice de personnages et d'univers. Jouer pour moi, c'est donner vie à des voix et des fantaisies. C'est ma façon de m'ancrer, de prendre position au sein de la société. Je joue aussi parce que ça rend la vie beaucoup plus belle. Et parce que la notion de jeu est vitale et fait en sorte qu'on ne vieillit pas.

2. Braidie dans Cette fille-là.

3. Sébastien Ricard.

Le 15 novembre, Sophie Cadieux cosigne avec Sylvain Bélanger Les mutants, un spectacle sur le thème du vieillissement, qui verra le jour à la Dizaine des auteurs à La Licorne. Elle sera aussi de la distribution de L'imposture, au Théâtre du Nouveau Monde.

 

Photo: Ivanoh Demers, La Presse

Catherine Dajczman, Olivier Morin et Muriel Dutil.