L’humain peut-il vraiment changer quand les façades tombent, au propre comme au figuré ? Pas vraiment, si on se fie à la pièce L’art de vivre présentée à l’Espace Go.

Écrite par Liliane Gougeon Moisan alors qu’elle terminait ses études en écriture dramatique à l’École nationale de théâtre, L’art de vivre met en scène quatre jeunes adultes — June, Bianca, Ingrid et Jordan — qui vivent dans des condos immaculés sortis tout droit d’un catalogue IKEA. Interprétés par Tatiana Zinga Botao, Raphaëlle Lalande, Larissa Corriveau (délicieusement déjantée) et Simon Beaulé-Bulman, ces quatre âmes esseulées se connaissent à peine malgré la proximité de leurs domiciles.

La pièce produite par le Théâtre PàP s’ouvre avec un segment filmé d’une savoureuse ironie. Les trois femmes solitaires se mettent en scène devant la caméra de ce qu’on imagine être leur téléphone intelligent. Elles se passionnent pour le design intérieur, la cuisine (préférablement végé), l’exercice physique…

Elles lancent des phrases creuses avec une conviction risible et sont en représentation constante dans leur vie étriquée qui ne les satisfait en rien.

Mais une brèche finit par s’ouvrir : quand l’une d’elles décide qu’elle en a assez, les murs tombent. Littéralement.

Résultat : la projection vidéo cède la place au théâtre et la pièce verse dans une ambiance absurde teintée de fantastique. Avec Jordan, leur voisin workaholic, June, Bianca et Ingrid décident de bâtir une nouvelle communauté sur les ruines du bâtiment qui abritait leurs condos si savamment décorés. Ensemble, ils veulent réinventer un monde meilleur, voire se déprogrammer de cette société où le regard de l’autre pèse souvent trop lourd.

Manque de substance

Cette prémisse alléchante ne remplit toutefois pas ses promesses. Les quatre personnages ne gagnent pas suffisamment en épaisseur au fil de la pièce pour qu’on arrive à les aimer ou à se passionner par ce qui leur arrive.

Leur monde bascule, mais la secousse ne semble pas suffisante pour qu’un réel changement ne survienne en eux. Du coup, le propos s’étiole et l’humour qui caractérisait le texte au départ se fait de plus en plus discret.

Solène Paré, à la mise en scène, et Ellen Ewing, à la scénographie, ont certes eu quelques éclairs de génie — notamment cette volonté assumée de jouer avec les conventions théâtrales —, mais reste qu’on ressort de ce spectacle avec un goût doux-amer, malgré les performances convaincantes des quatre interprètes.

Ce texte, qui a valu à son autrice le prix Gratien-Gélinas de la Fondation du Centre des auteurs dramatiques en 2019, laisse entrevoir de belles choses pour la suite, notamment en ce qui concerne la justesse des dialogues. Mais il y manquait encore un peu de substance pour le rendre férocement intéressant.

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L’art de vivre

L’art de vivre

Texte de Liliane Gougeon Moisan, dans une mise en scène de Solène Paré. Avec Tatiana Zinga Botao, Raphaëlle Lalande, Larissa Corriveau et Simon Beaulé-Bulman

À l’Espace Go , Jusqu’au 18 septembre

6/10