Et si on ne s’était pas croisés, ce soir-là ? Si je n’avais pas fait ce voyage, pris ce détour, osé ce risque ? Vous êtes-vous déjà posé la question ? Un nouveau spectacle, Duo en morceaux, présenté Aux Écuries ces jours-ci, explore l’infini aléatoire de nos destinées amoureuses. Dans le texte, mais aussi dans la forme. Explications.

Vous n’y comprenez rien ? Normal. L’exercice de style, limite vertigineux, n’est pas simple. Il est tout sauf linéaire. Essentiellement éclaté. Bref, archi-risqué. Comme la vie, quelque part. Et que dire de l’amour…

Pour les 20 ans du théâtre I. N. K (cofondateur des Écuries), Marilyn Perreault (cofondatrice) a eu envie de pousser les limites de la création en explorant ici le thème du couple, sa longévité et, surtout, sa vulnérabilité, à travers un texte écrit et mis en scène (et en mouvement) à plusieurs mains (huit créatrices d’ici, de France et de Belgique signent textes et mises en scène), le tout joué dans un semi-désordre semi-contrôlé, par-dessus le marché.

Le résultat, ou plutôt les résultats, est présenté jusqu’au 12 novembre dans le petit théâtre de la rue Chabot. Au cas où vous en doutiez, oui, chaque représentation risque d’être unique.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Marilyn Perreault et Annie Ranger, codirectrices du théâtre I. N. K, présentent ces jours-ci un exercice de style autour du couple dans le temps (et ses mutiples directions).

Vous ne comprenez pas plus ? En gros, le récit, qui raconte l’histoire d’un couple (Clémentine et Philippe, joués par six comédiens différents) à travers différents âges (des premiers émois aux derniers souffles, en passant par l’infidélité, le départ des enfants et autres difficultés surmontées), n’est pas joué dans un ordre prédéterminé, mais soumis à l’imprévu, à mi-chemin entre la pièce dont vous êtes le héros, la demande spéciale au DJ et le retour vers le futur. Parce que oui, les spectateurs ont leur mot à dire dans le déroulement du spectacle, bref, des vies ici en jeu (même si c’est un jeu, faut-il le rappeler).

« Je suis partie du principe que, dans une vie, on est plusieurs personnes, plusieurs personnalités. Et que nos personnalités se modulent. Et quand on est en amour, la relation se module également », explique Marilyn Perreault, l’idéatrice du projet, en entrevue. « Tout ce qui arrive dans une vie va faire en sorte que nos relations seront différentes. » La maladie, des enfants, un conflit. Ou pas. Dans cet ordre. Ou pas. Au choix.

Je souhaitais poser un regard sur ce qu’on est, ce qu’on a été, ce qu’on voulait être. Parce que c’est confrontant !

Marilyn Perreault, codirectrice artistique du Théâtre I. N. K.

« Parce que la vie amoureuse est faite de bilans, de flashbacks », poursuit celle dont les parents viennent justement de fêter leurs 50 ans de mariage, un anniversaire assurément à l’origine de sa réflexion. Et de la prémisse du spectacle : le couple hétérosexuel de longue date, postulat certes un peu décalé de la réalité actuelle, qui permet néanmoins de porter un regard sur le temps qui passe, l’évolution du couple, et de sa (ses) direction(s).

« Ça a été confrontant pour plusieurs d’entre nous de bâtir une histoire hétérosexuelle, à une époque où tout cela est remis en question », ajoute Annie Ranger (codirectrice artistique du théâtre I. N. K) et autrice de la première scène (mais l’est-elle réellement ?) du récit. Tout cela a amené les créatrices à réfléchir à la notion du couple, nos idéaux, et « ce qu’on nous vend », socialement parlant, glisse-t-elle.

Les gens se racontent

À noter que le récit est ici inspiré d’une centaine d’entrevues, réalisées pendant la pandémie par l’équipe du théâtre I. N. K., dans le cadre d’un projet de médiation. Des jeunes comme beaucoup de personnes âgées se sont racontés très « généreusement ». « Les gens avaient envie de se raconter. Et nous, ça nous fait du bien de raconter quelque chose de lumineux ! Ce sont de grandes histoires d’amour ! »

C’est sans doute pourquoi la première fois est si sentie. Et les derniers souffles, aussi. « Il y a des choses que je ne peux pas inventer, reprend Marilyn Perreault. Les histoires des gens sont plus fabuleuses que ce que je pourrais écrire ! »

Sans doute aussi pourquoi le résultat final, aussi éclaté soit-il, promet aussi de faire du bien. Qu’on se le dise, cette pièce n’est pas pour les cyniques. « Pour les romantiques ? Ou peut-être les gens qui veulent y croire ? […] Parce que c’est beau, la vie qui évolue, et la vie de couple qui évolue ! » Une évolution dans le temps, on l’aura compris, quel qu’il soit aussi !

Duo en morceaux est présenté au théâtre Aux Écuries jusqu’au 12 novembre.

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