Le projet du metteur en scène Florent Siaud était ambitieux : revisiter le mythe de Faust en compagnie d’une douzaine de dramaturges de la francophonie. Le texte harmonieux et souvent poétique qui est ainsi né ne suffit toutefois pas à faire de la pièce Si vous voulez de la lumière une totale réussite.

Florend Siaud a rassemblé autour de ce projet porteur des auteurs et des autrices venus du Québec (dont Rébecca Déraspe), mais aussi de la France, de la Belgique, d’Haïti, de Madagascar ou du Liban. Ensemble, ils ont imaginé une épopée dans laquelle l’amour, mais surtout la mort, rôde.

Ici, Faust est un oncologue parisien cynique (ou dépressif, les avis divergent) qui tombe follement amoureux d’une de ses patientes, la lumineuse botaniste Marguerite Weiner. Incapable de la sauver de l’inéluctable, il part en errance en compagnie d’un camarade mystérieux et inquiétant du nom de Méphisto. Leurs pas vont les mener d’abord dans la Silicon Valley, puis dans une île isolée menacée par la montée des eaux.

Découpée en trois parties, la pièce relate la lente descente aux enfers de Faust, qui s’accroche au souvenir de Margot comme à une bouée. Il ira jusqu’à accepter un succédané de sa bien-aimée, recréée par intelligence artificielle à partir de ses enregistrements vocaux qu’il a conservés. Un mirage qui tient de la torture ou de la cure ? À chacun de décider.

La première partie, plus intimiste, s’avère la plus touchante, avec en toile de fond une question essentielle : jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour que survivent ceux que nous aimons ? Le second segment, aux résonances post-humanistes, soulève aussi plusieurs questions philosophiques intéressantes sur notre capacité à concevoir la finitude des êtres aimés.

La troisième partie, alors que Faust tente de sauver contre leur gré des insulaires menacés par la marée, s’étire toutefois indûment. Le spectacle de trois heures quinze (cela comprend deux entractes) aurait sans conteste pu être resserré.

Il faut tout de même saluer cette multiplicité des voix s’arrimant à l’unisson pour que naisse une saga cohérente, où la poésie vient souvent poindre.

Dans le rôle de Marguerite, Sophie Cadieux offre la performance la plus poignante. Lorsque la mort vient la cueillir, elle apparaît comme embrasée et totalement abandonnée. La mort semble la gonfler d’une sève qui prouve que le trépas n’est pas que disparition. Il est surtout une transformation et, pour certains, une délivrance.

De son côté, Yacine Sif El Islam endosse avec beaucoup d’assurance le rôle du suave et envoûtant Méphisto. À plusieurs reprises, l’acteur français fait voler en éclats le quatrième mur pour partager des regards complices avec le public, qui tombe lui aussi sous le charme. Quant à Dominique Quesnel, elle est fidèle à elle-même : d’une truculence parfaitement dosée, dans ses plus petites apparitions comme dans les plus grandes.

Francis Ducharme est moins convaincant dans le rôle de Faust, comme si son intensité d’acteur peinait à se contenir dans les habits étroits de cet oncologue assez rigide. Il ne convainc qu’à moitié, avec ses gestes qu’on dirait téléguidés. Ce n’est que lorsque la folie (ou la mort) l’effleure qu’il semble totalement à sa place. Son monologue final, dansé plus qu’il n’est joué, est d’ailleurs d’une grande beauté.

Tout n’est pas noir dans cette relecture du classique de Goethe. Au contraire. La scénographie est magnifique. Les thèmes abordés restent très pertinents et les fissures dans les carapaces sont assez nombreuses pour faire jaillir par moments la lumière qui habite les personnages. Toutefois, le cœur du spectateur ne bat pas assez fort ni assez souvent…

Si vous voulez de la lumière

Si vous voulez de la lumière

Mise en scène et direction artistique de Florent Siaud. Avec Francis Ducharme, Sophie Cadieux, Yacine Sif El Islam et trois autres interprètes.

Au Théâtre Prospero, Jusqu’au 12 mars

6,5/10

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