Il existe des écritures délicates et sensibles qui peuvent nous transporter longtemps. Parfois même pendant plus de 30 ans. C’est ce qui se passe avec Pierre Bernard, qui retrouve après une pause de 31 ans la plume de l’Américaine Cindy Lou Johnson et sa pièce Traces d’étoiles.

Pendant des années, Pierre Bernard s’est tenu loin de la mise en scène, préférant la direction artistique, qui colle mieux à la timidité de sa personnalité. Mais voilà. L’ancien directeur artistique du Quat’Sous (qui a aussi mis en scène une quinzaine de pièces et de spectacles) a décidé de renouer avec la salle de répétition pour monter Traces d’étoiles, pièce qu’il a déjà présentée au début des années 1990.

De son propre aveu, il n’y avait que ce texte précis pour le faire sortir de sa retraite bien assumée de la mise en scène. Or, quand Denise Filiatrault, directrice artistique du Rideau Vert, lui a offert le projet sur un plateau d’argent, il n’a pas pu refuser.

Cette écriture, cet humour, cet égard pour l’autre dont fait preuve Cindy Lou Johnson… J’ai retrouvé d’un seul coup tout ce que j’aimais de ce texte ! La dramaturge a trouvé les mots concrets pour parler d’un état immatériel, qui est celui de l’errance intérieure. Elle entre dans ses personnages avec tellement de justesse…

Pierre Bernard

« Cette fable » qu’est Traces d’étoiles raconte la rencontre improbable entre deux personnages à la dérive. Rosannah Deluce est totalement coupée des autres, mais aussi d’elle-même ; elle flotte entre deux eaux. Henry Harry, de son côté, a choisi de vivre en ermite au fin fond de l’Alaska, là où le froid peut vous saisir et vous tuer. Le destin va les réunir dans des circonstances étonnantes que nous ne nommerons pas ici.

« Cette pièce parle comme aucune autre du besoin de connexion humaine et d’une possible réparation par la présence de l’autre », lance Mylène Mackay qui interprète le personnage féminin de cet irradiant duo. Maxim Gaudette sera son vis-à-vis. Ce dernier a d’ailleurs remplacé au pied levé – trois semaines seulement avant la première – le comédien Émile Schneider, qui a dû se retirer du projet pour des raisons de santé.

Pour Pierre Bernard, Traces d’étoiles reste la preuve faite d’encre et de papier que l’humain peut renaître de ses cendres. « La renaissance vient par le regard que pose l’autre sur soi. Le personnage de Rosannah le dit très bien : j’ai besoin d’une seule personne, une sur 8 milliards, pour me reconnecter à cette terre… »

Une complicité vieille de 15 ans

Mylène Mackay et Pierre Bernard partagent une complicité qui date de bien avant le début des répétitions de cette production. La comédienne raconte : « Pierre a été mon premier professeur à l’École nationale de théâtre. Et pour notre premier exercice, il nous a fait découvrir Traces d’étoiles. Ç’a été un choc ! Cette pièce, je l’ai vraiment vécue de l’intérieur. »

Elle poursuit : « Depuis, Pierre et moi sommes restés très liés. Je lui parle presque chaque mois. On a tous besoin d’une personne qui nous voit vraiment et qui croit en nous. Pour moi, cette personne, c’est Pierre. S’il me dit que je suis capable de faire quelque chose, je le crois, parce qu’il a toujours raison ! »

Son ancien professeur prend la balle au bond : « Il y a longtemps, j’ai dit à Mylène qu’elle pourrait un jour jouer Traces d’étoiles. Elle est porteuse d’un tel foyer émotif… Elle peut jouer ce texte dans toute sa vérité, malgré les ruptures de ton qui se succèdent toutes les trois secondes ! »

Pierre Bernard avait prévu tenir des auditions pour trouver sa Rosannah, mais la pandémie l’en a empêché. Il a donc offert ce rôle à Mylène Mackay. La réaction de cette dernière ? « J’étais contente, mais en même temps, je mesurais toute l’ampleur du défi. Ce personnage demande tellement de souffle ! Le texte est un ping-pong incessant entre les deux protagonistes. »

Certes, le temps a passé depuis que Pierre Bernard a monté Traces d’étoiles pour la première fois, avec Sylvie Drapeau et Luc Picard comme interprètes, en 1992. « La vie m’a traversé, mais je reste toujours aussi fiévreux et intuitif. »

Inutile, ajoute-t-il, de chercher à comparer le spectacle de jadis à celui d’aujourd’hui. Les humains qui le portent sont différents. Point final. « J’ai devant moi deux interprètes majuscules qui réagissent à leur façon. Tout ce que je souhaite, c’est que les spectateurs puissent aller à la rencontre de ces personnages, qu’ils puissent s’abandonner avec eux. J’ai envie de les émouvoir, de toucher leur âme. Après, ma carrière de metteur en scène sera bel et bien finie… »

Traces d’étoiles est présentée au Rideau Vert du 9 mai au 19 juin.

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