Après un processus de recrutement qui aura duré plus de quatre mois, le Théâtre Espace GO a annoncé lundi la nomination de l’auteure et metteure en scène de Québec Édith Patenaude au poste de directrice artistique et codirectrice générale. Un premier mandat de cinq ans – renouvelable une fois – qui débutera dès la saison 2024-2025.

Édith Patenaude a dit avoir ressenti un « choc de joie » en apprenant la nouvelle de sa nomination.

« Il y a eu une forme de soulagement, parce que je l’espérais ardemment, a-t-elle confié à La Presse. Mais je le sentais bien, je me sentais disposée, prête, dans la bonne énergie, avec le bon niveau d’expérience, avec de belles affinités avec GO et sa mission, donc je suis enchantée. »

Édith Patenaude a obtenu son diplôme en jeu du Conservatoire d’art dramatique de Québec en 2006. Après avoir joué dans des pièces produites par sa compagnie, Les Écornifleuses, elle se fait remarquer avec ses mises en scène de iShow et 1984 de George Orwell, entre autres. C’est elle qui a monté Gaz Bar Blues, adaptation du film de Louis Bélanger, Un ennemi du peuple d’Henrik Ibsen, Pétrole de François Archambault ou encore Corps célestes de Dany Boudreault.

Le processus d’embauche, qui s’est étalé sur une période de quatre mois, a été particulièrement exigeant. Onze candidatures ont été soumises, dont six ont été appelées à préparer un dossier sur leur vision de l’avenir du théâtre.

On s’engage dans des réflexions vraiment profondes, fondamentales par rapport à ce qu’on croit qui serait heureux pour la suite du théâtre, des réflexions presque identitaires, où on essaie de se rendre au cœur de la vision qu’on souhaite pour le théâtre.

Édith Patenaude

Ginette Noiseux, qui a dirigé les destinées d’Espace GO seule pendant plus de 35 ans, n’a pas participé au processus de sélection, confiant le recrutement à un comité de sélection formé de quatre membres du C.A. et de huit artistes du milieu des arts de la scène.

Ginette Noiseux « très, très contente »

« La présence de la direction sortante peut être un frein à la nomination d’un candidat qui veut prendre une distance par rapport à cette direction, nous dit-elle, donc j’ai préféré rester à l’écart. Je voulais aussi que ce soit un processus ouvert et transparent, et je ne voulais pas influencer qui que ce soit. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

La metteure en scène de Québec Édith Patenaude (à droite) succédera à Ginette Noiseux à la direction artistique du Théâtre Espace GO.

Mais quand elle a su qu’Édith Patenaude était la candidate retenue, Ginette Noiseux avoue être « partie à pleurer ».

« J’étais vraiment très, très contente quand j’ai su que c’était Édith. D’abord, parce que c’est une créatrice exigeante, avec une pensée très articulée. Et son esprit s’inscrit dans l’ADN d’Espace GO. Dans son projet, j’ai compris qu’Édith soignerait la souveraineté et la liberté des artistes. Elle n’est pas arrivée avec un concept où les artistes devaient rentrer dans une boîte, mais un projet qui se développerait dans le dialogue et en curiosité avec ce qui bouge, ce qui émerge et cherche à s’exprimer. »

La mission d’Espace GO demeure « l’exploration des imaginaires de femmes artistes », rappelle Ginette Noiseux.

« C’est les racines mêmes de GO. C’est le seul théâtre qui affirme carrément son besoin de nourrir l’imaginaire des publics, l’imaginaire collectif de récits qui ont souvent été invisibilisés, d’œuvres qui sont inconnues. Dans les écoles, ça demeure un problème. Il y a encore dans les biais inconscients une forte conviction que la prise de parole en public repose sur des figures masculines. »

Cette mission, Édith Patenaude la fait sienne.

Ce qui m’intéresse, c’est d’être à la recherche de paroles, de voix, de formes, issues de femmes, mais aussi de visions du monde occultées.

Édith Patenaude

Elle poursuit : « J’envisage le théâtre comme étant l’espace où on peut laisser émerger, voir, percevoir, entrer en contact avec ce qui a été vécu, mais est oublié, ce qui existe, mais qu’on refuse de voir, ou de notre réflexion par rapport au futur, dans un désir de prémonition. Je veux collaborer avec des artistes qui sont dans une quête identitaire singulière et qui tentent de se protéger des modes, des consensus et des désirs de séduire. »

Toujours metteure en scène

La saison 2023-2024, qui sera annoncée au mois d’août, sera donc la dernière de Ginette Noiseux, ce qui permettra à Édith Patenaude de planifier le contenu de la prochaine saison calmement.

Édith Patenaude, qui signera tout de même deux mises en scène durant cette année de transition – une à Espace GO justement, qui sera annoncée d’ici deux mois, et l’autre au Théâtre du Nouveau Monde (TNM), Le père de Florian Zeller –, a l’intention de continuer à faire des mises en scène une fois en poste, que ce soit à Espace GO ou ailleurs.

Quant à Ginette Noiseux, à la suite de sa dernière année à la direction de GO, elle souhaite reprendre du service comme conceptrice des costumes, mais aussi peut-être offrir des classes de maître dans l’atelier de costumes du théâtre, question de transmettre l’expertise acquise au cours des 40 dernières années. Enfin, la codirection générale sera assurée par Édith Patenaude et Mayi-Eder Inchauspé.

Qui est Édith Patenaude ?

  • Diplômée en jeu du Conservatoire d’art dramatique de Québec en 2006, elle fonde sa compagnie de création Les Écornifleuses aussitôt après. Elle joue notamment dans Cinq filles avec la même robe (2009), Les reines (2013) et le déambulatoire Le désordre (2015).
  • Elle passe à la mise en scène dans les années 2010. Elle crée notamment le spectacle collectif iShow, qui reçoit le prix du meilleur spectacle de l’Association québécoise des critiques de théâtre.
  • Elle est directrice artistique du festival du Jamais Lu – Québec de 2012 à 2015.
  • Les mises en scène se multiplient à Québec comme à Montréal : 1984, de George Orwell ; Rose et la machine, de Maude Laurendeau ; Pétrole, de François Archambault ; Corps célestes, de Dany Boudreault ; Les étés souterrains, de Steve Gagnon ; Les sorcières de Salem, d’Arthur Miller ; Gaz Bar Blues, adapté du film de Louis Bélanger.