Pour lancer sa saison, Espace Go propose un huis clos dramatique de l’auteure anglaise debbie tucker green, au centre duquel se trouve une femme noire victime d’une agression. Un texte farci de non-dits et de sous-entendus qui, nous semble-t-il, rate sa cible.

On ne sait pas exactement où on est, mais le lieu est épuré. Quatre chaises. Un distributeur d’eau avec de petits gobelets en plastique. Basta.

Sur scène, trois personnages donnent vie à corde. raide : une femme noire (Stephie Mazunya) – on ne sait pas ce que son personnage fait là au début – et deux employés maladroits, probablement des fonctionnaires (Patrice Dubois et Eve Landry), qui tentent, tant bien que mal, de la mettre à l’aise.

Petit à petit, on comprend que cette femme a été victime d’une agression. Une agression qu’elle semble lier à la couleur de sa peau. En conséquence, malgré les tentatives de réconfort des deux employés, elle rejette la main qu’ils lui tendent. « Vous ne pouvez pas me comprendre. Vous ne pouvez même pas commencer à comprendre… »

Ce qui est agaçant, c’est qu’on ne sait rien de l’évènement – et on n’en saura rien non plus. Le spectateur doit accepter aveuglément cette version anémique de l’histoire.

On comprend que le personnage a perdu confiance dans le système, mais n’est-ce pas périlleux de rejeter cette bienveillance, aussi malhabile soit-elle ? D’associer la prise en charge de son agression à une forme de racisme systémique ?

La directrice artistique, Ginette Noiseux, écrit même dans son programme : « L’autrice sonde les dérives des systèmes de suprématie blanche et balaie les écrans de fumée sur le racisme que les Blancs ne voient pas. » Désolé, mais si on veut en faire une affaire de racisme, il faut en donner plus au spectateur. Dans le cas présent, il faut avoir l’imagination fertile pour deviner toutes ces intentions.

Question de dialogues

Le jeu de Stephie Mazunya manque de nuances. Son personnage est en colère, d’accord, mais à aucun moment on ne la sent vulnérable. Même quand elle parle de l’impact de « l’évènement » sur sa famille, on ne ressent pas grand-chose… Remarquez, peut-être que si l’auteure nous avait donné quelques détails sur l’affaire, on aurait pu être touché.

On comprend enfin qu’elle est là pour choisir le châtiment qu’elle va infliger à son agresseur : injection, chambre à gaz, décapitation, pendaison…

Le nœud de cette fiction dystopique semble se trouver là. Aura-t-elle la force de le condamner ? N’est-ce pas un retour à la loi du talion ?

Cette question aurait mérité quelques dialogues additionnels et semblait tout à fait prometteuse… Pourtant, ça ne semble pas être un enjeu pour le personnage. Sauf peut-être pour cette lettre écrite par le bourreau anonyme… Seul élément qui crée un certain suspense dans la pièce.

Quant aux deux employés-accompagnateurs, Patrice Dubois et Eve Landry défendent plutôt bien ces deux personnages gaffeurs qui veulent bien faire, mais s’empêtrent. Est-ce qu’ils participent inconsciemment à un système raciste ? À une hiérarchisation ou à une inégalité culturelle ? Peut-être que oui, mais l’auteure n’en fait absolument pas la preuve.

Comiques de service de corde. raide, les deux gardiens ponctuent leurs dialogues en jouant de la claquette quand ils se déplacent (ce qui amplifie leur maladresse), un bon flash de la metteure en scène Alexia Bürger, qui réussit à créer des espaces de dialogue intéressants. Dommage, par contre, que ces dialogues n’enrichissent absolument pas la discussion sur les agressions, le racisme systémique ou encore la justice.

corde. raide

corde. raide

De debbie tucker green

Avec Patrice Dubois, Eve Landry et Stephie Mazunya Mise en scène : Alexia Bürger, Jusqu’au 15 octobre à Espace Go

5/10