Deux fois par mois, La Presse présente les actualités dans le monde du théâtre, du cirque et de la danse, à Montréal et à Québec.

Elle a fait parler d’elle pendant la pandémie pour ses lip-syncs hilarants tirés notamment de scènes du petit écran. Pour son nouveau projet, l’un des plus vertigineux de sa carrière, Ariel Charest laisse tomber perruque et maquillage pour embrasser avec la plus grande vulnérabilité la pièce solo S’aimer ben paquetée.

Impossible en effet de se cacher derrière des sparages scéniques ou des effets techniques en interprétant les mots sans fard de l’autrice Cristina Moscini. Dans ce texte autobiographique, la Québécoise aborde dans une langue directe, mais néanmoins poétique, le rapport malsain qu’elle a entretenu pendant des années avec l’alcool. Elle aborde avec beaucoup de sincérité ses années de beuveries, ses baises sous l’influence de l’alcool, ses lendemains de veille difficiles.

De la boisson mise dans son biberon pour calmer ses rages de dents d’enfant jusqu’aux traumatismes que la vie a mis sur sa route, l’autrice sonde la source de son alcoolisme sans jugement ni misérabilisme. « Elle explique ses frasques sans les romantiser, dit l’interprète Ariel Charest. Sa langue est humble, pleine d’humour, très décomplexée. »

Or, cette partition étourdissante de véracité n’a pas été facile à mater pour Ariel Charest.

D’abord enregistré sous forme de balado pendant la pandémie, S’aimer ben paquetée a fait l’objet d’une adaptation théâtrale fin 2022 dans le cadre des soirées 5 à 7 du Théâtre La Bordée de Québec. Porté par un vent très favorable, le spectacle débarque sur la scène intime de La Petite Licorne à compter du 30 octobre.

Pour ce passage à la scène, Ariel Charest a souhaité être dirigée par quelqu’un qui la connaît bien. Elle s’est donc tournée vers son amie de longue date Pascale Renaud-Hébert, avec qui elle a étudié au Conservatoire de Québec au début des années 2010.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Pascale Renaud-Hébert et Ariel Charest ont fait partie de la même cohorte au Conservatoire d’art dramatique de Québec.

C’était important pour moi de travailler avec quelqu’un que je connaissais bien, car ce spectacle est vertigineux. C’est le premier solo de cette envergure dans ma carrière. De plus, le texte de Cristina me met dans un état de grande vulnérabilité. Ce sont des mots crus, pleins d’une poésie du quotidien.

La comédienne Ariel Charest

Pascale Renaud-Hébert est du même avis : « Il a fallu enlever toutes les couches de jeu pour aborder le texte dans toute sa simplicité. Les réflexes d’acteur, les scories, les mimiques derrière lesquelles on peut se cacher… Tout ça n’a pas sa place ici. Le texte de Cristina est poétique, mais il n’est jamais faiseux. Il est dans la véracité, toujours. »

« Pour moi, ce chemin n’a pas été facile à trouver, admet Ariel Charest. J’ai souvent l’habitude d’arriver avec un personnage déjà construit dans ma tête. Pas cette fois. Je suis hyper connectée avec le public. On pourrait croire que c’est mon histoire. »

Les deux amies ont travaillé le texte « au soupir près » pour mettre le doigt sur cette véracité. « J’aime le côté chirurgical de ce texte, sa musicalité. Il faut une précision qui n’est pas étrangère à ce que je fais dans mes lip-syncs », indique Ariel Charest.

Le rapport à l’alcool

Au-delà du travail d’orfèvre qu’elles ont dû faire pour capter l’essence de chaque mot, les deux femmes avouent que la lecture de ce texte les a secouées. Et les a fait regarder autrement leur propre rapport avec l’alcool. « Tout le monde peut connaître la dérape de la consommation, illustre Pascale Renaud-Hébert. L’alcool fait partie de nos vies sociales et parfois intimes. On fait le party avec de l’alcool, on baise avec un verre dans le nez. On ne sait plus ce qu’est le plaisir sans alcool. C’est important d’avoir cette réflexion sur la place de l’alcool dans notre société, où la consommation est très normalisée. »

Ce qui est intéressant ici, c’est que le miroir de l’alcoolisme est tendu par une jeune femme de 33 ans. Pas par un vieil homme incapable de marcher parce qu’il est trop soûl.

Pascale Renaud-Hébert

Ce n’est pas un hasard si le public réagit fortement au propos et que les conversations s’étirent souvent après le spectacle. « Les gens viennent me voir et me serrent le bras pour me parler de leur père, de leur frère », explique Ariel Charest.

L’actrice, très présente sur les scènes de la capitale, présentera trois spectacles à Montréal cette saison. Outre S’aimer ben paquetée, elle sera de la distribution de L’éveil du printemps présentée en janvier au Théâtre Denise-Pelletier et participera fin avril à la reprise de la pièce interdisciplinaire Pisser debout sans lever sa jupe au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui.

« Je n’ai pas eu le choix de me prendre une chambre à Montréal, lance l’actrice. C’est fini, le temps où je dormais sur les divans de mes amis ! »

S’aimer ben paquetée est présentée du 30 octobre au 23 novembre à La Petite Licorne. La pièce sera de retour à La Bordée du 4 au 15 mars.

Consultez la page du spectacle

À ne pas manquer

Là où je me terre

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

L’autrice Caroline Dawson

Le Théâtre La Bordée met à l’affiche la production Là où je me terre dès le 31 octobre. Une adaptation du roman autobiographique de Caroline Dawson, par Michel Nadeau, dans une mise en scène de Guillaume Pépin. Le récit aborde les défis affrontés par l’autrice en arrivant au Québec : le désir de devenir une immigrante parfaite, de se fondre au groupe, son sentiment de trahison envers sa culture d’origine, son indignation par rapport au traitement réservé à ses parents, entre autres. « Je crois que le parcours de Caroline Dawson rejoint toutes les personnes qui ont dû se déraciner de leur pays pour s’enraciner dans un autre, avec tous les deuils et les renaissances que cela suppose », explique le directeur artistique de La Bordée, Michel Nadeau.

Du 31 octobre au 25 novembre, à La Bordée

Consultez la page du spectacle

Les remugles…

PHOTO MATHIEU LEGER, FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Les remugles ou la danse nuptiale est une langue morte. Une production du théâtre l’Escaouette, mise en scène par Marcia Babineau, créée en mars 2022.

Le Théâtre Denise-Pelletier présente Les remugles ou la danse nuptiale est une langue morte, une pièce de Caroline Bélisle, dans une production du théâtre l’Escaouette de Moncton, au Nouveau-Brunswick. Le spectacle aborde des thèmes comme la solitude et le renfermement. « Cette œuvre empreinte d’humour et de poésie met en scène la génération des milléniaux, ses rêves et ses déboires », résume le communiqué de la production. Le texte a reçu le prix Gratien-Gélinas en 2020. Marcia Babineau signe la mise en scène de la production à l’affiche de la salle Fred-Barry.

Du 31 octobre au 11 novembre, au Théâtre Denise-Pelletier

Consultez la page du spectacle

Prince Panthère

PHOTO FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Prince Panthère s’adresse à un public âgé de 10 à 14 ans.

La Maison Théâtre accueille le Petit Théâtre de Sherbrooke et son « cabaret onirico-philosophique », Prince Panthère, pour le public des 10 à 14 ans. Mis en scène par Érika Tremblay-Roy et Gilles Abel, Prince Panthère est librement inspiré du roman graphique Panthère de Brecht Evens. Fondé en 1973, Le Petit Théâtre de Sherbrooke a pour mission de développer la pratique et la fréquentation du théâtre en direction des jeunes publics. En 50 ans de pratique artistique, Le Petit Théâtre a créé plus de 90 spectacles, en français et en anglais, présentés au Québec, au Canada, aux États-Unis, en France, en Écosse, en Belgique, en Suisse et en Amérique du Sud.

Du 1ᵉʳ au 11 novembre, à la Maison Théâtre

Consultez la page du spectacle

Une conjuration

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Alexis Martin et Daniel Brière, codirecteurs artistiques du Nouveau Théâtre Expérimental

Le Nouveau Théâtre Expérimental occupera la scène du Théâtre Espace Libre dès mardi soir, avec la création d’Une conjuration, d’Alexis Martin, mise en scène par Daniel Brière. Une pièce inspirée des œuvres du peintre André Masson et de l’écrivain-philosophe Georges Bataille. Deux artistes et penseurs singuliers réunis pour écrire et dessiner le manifeste de la revue Acéphale, en pleine montée du fascisme en Europe. « Le spectacle met en scène la conception de ce pamphlet, comme un cri du cœur de deux individus (Alexis Martin et Maxim Gaudette) terrifiés à l’idée de voir s’étioler la liberté. Et propose une sorte d’engagement fiévreux, où deux artistes convoquent poésie, rire et arts visuels dans un défi lancé aux dieux du “monde civilisé” », résume le communiqué de presse.

Du 24 octobre au 10 novembre, à Espace Libre

Consultez la page du spectacle

NYX

PHOTO STÉPHANE BOURGEOIS, FOURNIE PAR LA TOHU

Le spectacle NYX est présenté à compter du 25 octobre à la Tohu

Le Collectif Chimère, issu de la collaboration interdisciplinaire de Johanne Madore et de Pierre Przysiezniak, présente à La Tohu le spectacle NYX. Fable circassienne « sensuelle et organique » uniquement portée par des femmes, NYX est inspiré à la fois de la déesse grecque de la nuit qui porte ce nom, mais aussi de la grand-mère de la metteure en scène Johanne Modore. Cette femme, couturière et grande conteuse, a vécu jusqu’à 106 ans. Ce spectacle présenté comme une quête initiatique entre ombre et lumière par les concepteurs s’adresse aux 12 ans et plus.

Du 25 au 29 octobre, à la Tohu

Consultez la page du spectacle