Officiellement, le gouvernement Harper souhaite envoyer nos bagnoles de plus de 14 ans à la casse. D'accord, mais le programme national qu'il est en train de concocter ne vise-t-il pas à satisfaire le petit creux que les constructeurs craignent de ressentir au cours de la prochaine année?

Pour être franc, je n'avais jamais entendu parler de l'organisme Autos-o-ciel (https://www.carheaven.ca/french/) avant mercredi dernier, jour de l'annonce par le ministre de l'Environnement, John Baird, de la mise sur pied d'un programme national de mise à la casse. Un programme qui incitera les propriétaires de véhicules antérieurs à l'année 1996 à les envoyer à la casse moyennant une série de mesures incitatives, comme des rabais à l'achat de véhicules neufs, des laissez-passer gratuits de transport en commun, des bicyclettes, des cartes d'adhésion à des programmes de covoiturage et 300$ comptant.

L'idée du ministre a du bon. En effet, le gouvernement fédéral estime que près du tiers des 18 millions de véhicules en circulation au pays ont été fabriqués avant 1996 et ne respectent plus les normes plus sévères d'émissions polluantes en vigueur aujourd'hui. Et ces véhicules sont responsables des deux tiers de la pollution à l'origine du smog au pays, affirme le ministre dans un communiqué.

Ailleurs dans le monde, ce type de politique existe à plusieurs endroits et, souvent, celle-ci a été décrétée non pas par un ministre de l'Environnement, mais bien par celui des Finances... En effet, ce programme de mise à la casse a souvent été un instrument politique utilisé par des gouvernements pour soutenir un marché automobile en difficulté jusqu'à sa relance naturelle.

Mais les ventes de véhicules neufs vont bien au Canada, dites-vous! Vrai, mieux qu'aux États-Unis, mais pour encore combien de temps? Est-ce pour cela que ce programme national n'entrera en vigueur qu'en 2009? D'ici là, il y a toujours le programme Eco-Auto (déficitaire, a-t-on appris récemment) pour faire le pont avant l'entrée de ce nouveau programme dont on ne connaît pas encore les modalités. Les consommateurs pourraient être tentés de retarder leur achat d'ici à ce que celles-ci soient connues? Qui sait, elles sont peut-être plus avantageuses?

Un médicament de confort

À qui profite la prime? À l'environnement bien sûr, mais surtout aux constructeurs qui bénéficient de la prime pour enrayer les risques de perturbations du cycle naturel du marché et arrondir leurs fins de mois. Autre effet pervers: l'accoutumance. La prime commence à devenir le médicament de confort de l'automobiliste. Il n'est plus question pour lui d'entrer dans une concession sans un rabais. Alors, il attend... retardant d'autant la reprise du marché.

Le gouvernement Harper ne devrait pas être dupe de l'efficacité toute relative de son programme. Celui-ci aura certainement une incidence sur les ventes de véhicules neufs, au détriment des réparateurs... C'est une logique de répercussion en chaîne. En effet, si les primes à la casse font l'oeil doux aux consommateurs, les réparateurs d'auto et les marchands de véhicules d'occasion les regardent carrément de travers. Le parc automobile étant rajeuni, on note de moins en moins de pannes. Pourtant, le secteur représente plusieurs milliers d'emplois. Les réparateurs craignent d'avoir de moins en moins de travail, en raison de ce programme qui poussera les consommateurs à effectuer leurs réparations chez les concessionnaires de véhicules neufs.

Si elle existe, la solution serait, de l'avis de plusieurs acteurs du marché, que ce programme national soit amendé et s'étende aussi aux véhicules d'occasion. C'est ici que le «peut-être» qui figure dans le communiqué du gouvernement fédéral me fait tiquer. Et si le véhicule est en bon état et a été correctement entretenu? Alors, pourquoi ne pas mettre de l'avant une politique nationale obligatoire visant à inspecter le bon fonctionnement du système antipollution de nos autos?

Vous désirez garder votre vieille auto, très bien, mais celle-ci doit correspondre aux normes antipollution de son époque, sans quoi il faudra la faire réparer ou vous voir imposer une surprime, selon le principe du pollueur-payeur. Et si quelqu'un a un véhicule de plus de 14 ans d'âge (le mien aura 25 ans l'an prochain), ce n'est pas toujours par nostalgie, d'où l'importance d'étendre ce programme aux véhicules d'occasion, de manière à ne pas privilégier uniquement une catégorie de personnes qui a les moyens de s'offrir du neuf.