Fin avril, à Kigali, la gouverneure générale Michaëlle Jean a présenté ses regrets aux Rwandais pour l'inaction du Canada pendant le génocide de 1994.

Après sa déclaration, la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, a répondu aux questions de quelques journalistes canadiens, devant le palais présidentiel. Oui, elle était contente du discours de la gouverneure. Mais elle a vite laissé l'Histoire et ses morts pour s'attaquer aux problèmes du présent. Dont le plus urgent: la politique canadienne des visas temporaires.

 

S'il y a un message que Mme Mushikiwabo voulait transmettre à Ottawa, c'est celui-ci: les Rwandais qui souhaitent se rendre au Canada pour des raisons professionnelles, et pour un temps limité, se heurtent contre un mur. Même des fonctionnaires de son propre ministère s'étaient vu refuser le visa.

L'hostilité canadienne est un phénomène rare, a jugé la ministre. Quand on lui a demandé de coter le Canada au palmarès de l'inhospitalité, elle a répondu: «C'est un des pires pays au monde.»

Peut-être exagérait-elle. Mais pas tant que ça, quand on regarde ce qui est arrivé à une soixantaine d'Africains, originaires d'une dizaine de pays, qui se sont fait refuser l'entrée au Canada où ils devaient participer au Colloque international du millénaire, organisé par la Magnétothèque et l'Union francophone des aveugles.

Parmi eux, il y avait des dirigeants d'organisations venant en aide aux non-voyants. Ils venaient du Mali, du Togo ou du Cameroun. Leur faute: n'avoir pas réussi à convaincre les responsables canadiens qu'ils avaient l'intention de rentrer chez eux après leur séjour à Laval.

Pour montrer «patte blanche», ils avaient pourtant présenté la copie de leur billet électronique, une lettre de l'organisation qui allait s'occuper d'eux, une preuve de leurs possessions, leurs états bancaires, une lettre d'appui de leur gouvernement.

Les organisateurs de l'événement, qui ont dû assumer le coût des billets d'avion, ont d'ailleurs payé des milliers de dollars pour rien, s'indigne sa directrice de la Magnétothèque, Marjorie Théodore. Celle-ci a passé trois mois à naviguer dans un dédale bureaucratique, à tenter de convaincre les autorités que ses invités ne se transformeraient pas en demandeurs d'asile sur le coup de minuit.

Ceux-ci n'avaient-ils pas suffisamment d'argent en banque? Étaient-ils originaires du «mauvais» continent? Toujours est-il que la vaste majorité des demandes africaines ont été rejetées. Pourtant, une rencontre semblable avait eu lieu en France, il y a quatre ans. Tout le monde a pu y assister, assure Mme Théodore.

Cette politique de la frontière fermée n'est pas nouvelle. Elle est humiliante pour les visiteurs qui étalent leur vie devant un fonctionnaire canadien, avant de se faire claquer la porte au nez. Elle contribue à la mauvaise image du Canada sur la scène internationale. Surtout, elle contredit tous nos beaux discours sur la coopération Nord-Sud.

Comme quoi, les aveugles ne sont pas toujours là où l'on pense.

Pour joindre notre chroniqueuse: agruda@lapresse.ca