Le monde est plein de pessimistes et de cyniques convaincus que les nouvelles discussions entre Israéliens et Palestiniens ne vont nulle part, a déploré Barack Obama dans son discours devant l'ONU. Avant d'inviter tout un chacun à faire comme lui et à croire que la paix est possible.

Mais le président Obama devra ramer fort pour convaincre un de ces pessimistes, le journaliste israélien Gideon Levy, que j'ai rencontré cette semaine à Montréal.

Réputé pour ses chroniques incisives publiées dans le grand journal israélien Haaretz, Gideon Levy est passé en coup de vent dans la métropole, dans le cadre d'une tournée de promotion pour son livre intitulé La punition de Gaza - un titre qui, à lui seul, en dit long sur sa position sur l'échiquier politique israélien. Le hasard a voulu que son voyage coïncide avec deux échéances importantes. D'abord, le discours d'Obama à l'ONU. Ensuite, l'expiration imminente du moratoire sur les constructions juives en Cisjordanie.

Nous avons donc assez peu parlé de son livre, pour discuter plutôt de ce qui attend le Proche-Orient dans les mois qui viennent.

Rien de bon, si je me fie à son analyse. Pourtant, Gideon Levy est convaincu qu'Israéliens et Palestiniens parviendront à un compromis sur le gel des constructions, qui expire dimanche. Mais ça ne changera rien puisque ces négociations ne sont, à ses yeux, qu'une «mascarade.»

Quand bien même Israël accepterait de remiser truelles et bulldozers pendant quelques semaines, ou quelques mois, cela ne changera rien au fond du problème, prétend le journaliste.

Une des raisons qui alimentent son scepticisme, c'est l'absence absolue d'intérêt pour le processus de paix dans l'opinion publique israélienne. Celle-ci a oublié les attentats suicide de la deuxième Intifada et n'en a que pour le boom économique que connaît le pays.

«La vie est géniale en Israël, Tel-Aviv est une des villes les plus incroyables de la planète, les gens ne parlent plus de politique, mais de leurs prochaines vacances ou de leur prochaine jeep», constate le journaliste.

Bref, la pression pour inciter l'État hébreu à faire des compromis ne viendra pas de la population, qui a la tête ailleurs. Mais elle ne viendra pas non plus des politiciens, estime Gideon Levy.

Selon lui, quoi qu'il en dise, le premier ministre Benyamin Nétanyahou ne croit ni à la paix ni à la solution des deux États. «Il ne croit qu'aux États-Unis», résume le journaliste. Et les seuls compromis auxquels il pourrait consentir viseraient à obtenir l'appui de Washington dans une éventuelle - et pas du tout rassurante - confrontation avec l'Iran.

Selon Gideon Levy, le vrai changement ne peut donc venir que de l'extérieur. Plus précisément: de Washington. «Israël n'a jamais été aussi isolé et aussi dépendant des États-Unis», souligne-t-il. S'il le voulait, Barack Obama aurait donc plein de poignées pour forcer le gouvernement israélien à cesser de construire, puis à évacuer la majorité des territoires palestiniens.

Mais il ne le fait pas, regrette Gideon Levy. «Quand Obama a été élu, j'en ai eu les larmes aux yeux. Mais il s'est avéré un président comme les autres.»

On le devine, avec ce genre d'analyse, Gideon Levy n'est pas le plus populaire des journalistes en Israël. Il confie que, chaque jour, il est noyé de courriels haineux, du genre à lui souhaiter tous les cancers imaginables. On lui reproche d'être un «juif antisémite» qui flirte avec le Hamas. En même temps, il jouit d'une liberté d'expression absolue. Ni son journal ni son gouvernement n'ont jamais tenté de le censurer.

Il a donc les coudées franches pour continuer à appeler les «vrais amis» d'Israël à faire comme lui: critiquer son gouvernement et le pousser à mettre fin à une politique d'occupation qui ne peut, à long terme, que se retourner contre lui.