Six mois après le tsunami qui a dévasté l'Indonésie en décembre 2004, l'organisation humanitaire Architectes de l'urgence avait déjà construit des dizaines de maisons. Au premier anniversaire, près de 200 maisons et une poignée d'écoles étaient prêtes.

Un an après le tremblement de terre en Haïti, cette ONG n'a rien bâti du tout. Elle n'est pas inactive pour autant et s'occupe de restaurer des écoles et des habitations dans quelques quartiers de Port-au-Prince. Mais des maisons neuves? Aucune.

Pourquoi? Parce que l'argent n'est pas au rendez-vous, se désole le président de l'organisme, Patrick Coulombel.

Son organisation ne représente qu'une petite goutte dans l'océan d'ONG qui a déferlé sur Haïti depuis le 12 janvier 2010. Mais son exemple n'en est pas moins révélateur. Les Architectes de l'urgence s'attendaient à recevoir une dizaine de millions de dollars pour contribuer à la reconstruction d'Haïti. Ils n'ont reçu qu'un tiers de cette somme, entièrement destiné à la restauration et à la construction d'abris temporaires. «Pour bâtir des logements neufs, nous n'avons rien. Zéro.»

La comparaison entre le tsunami et le séisme haïtien a des limites, reconnaît Patrick Coulombel. Le premier a dévasté des régions rurales, peu habitées, alors que le second a frappé des villes surpeuplées dépourvues de registres fonciers. Construire à neuf sur du chaos, ce n'est pas évident.

Un exemple: le Centre d'étude et de coopération internationale espère bâtir des maisons à partir de gravats recyclés à Léogâne, la ville la plus dévastée par le séisme. Les titres fonciers y sont un fouillis inextricable. «C'est comme un tunnel sombre et sans fin», dit Carine Guidicelli, porte-parole du CECI. Bref, le projet est en suspens.

Mais aux yeux de Patrick Coulombel, la raison fondamentale du retard que l'on met à reconstruire Haïti est ailleurs: dans le choix politique de la communauté internationale, qui a insisté pour que les Haïtiens aillent voter et qui attend qu'un nouveau gouvernement se mette en place avant de se lancer vraiment dans la reconstruction. Entre-temps, des millions de dollars attendent d'être dépensés...

Patrick Coulombel est furieux: «Attendre les élections pour commencer la reconstruction, c'est scandaleux! Pendant ce temps, les gens croupissent dans des tentes.»

Il y a aussi les atermoiements des autorités haïtiennes, qui n'ont toujours pas publié le nouveau Code du bâtiment. Récemment, le ministère des Travaux publics a annoncé que les normes de restauration des anciens bâtiments seraient publiées... après les élections. Pour les constructions neuves, on n'en sait rien.

Les architectes pourraient toujours s'inspirer des normes qui existent dans les pays exposés à des cataclysmes semblables à ceux qui s'acharnent sur Haïti. «L'ennui, c'est que, tant que la construction n'est pas encadrée, les bailleurs de fonds internationaux refusent de nous financer», dit l'architecte en colère...

Pourtant, la Commission intérimaire pour la reconstruction d'Haïti, coprésidée par Bill Clinton, a été mise sur pied pour canaliser tous les efforts de reconstruction et les soustraire aux aléas de la petite politique. Lieu de toutes les lenteurs, cette commission a annoncé ses tout premiers projets seulement en décembre. Ne pouvait-elle donc pas aider les Haïtiens à produire en priorité un nouveau Code du bâtiment?

Bilan: un an après le tremblement de terre, les Haïtiens sont toujours en mode survie. Ce retard s'explique, en partie. Mais il est aussi, en grande partie, inexcusable.