Mouammar Kadhafi ressemble de plus en plus à Hitler dans son bunker, durant les tout derniers moments de la Deuxième Guerre mondiale. Son territoire fond d'heure en heure. Ses alliés l'abandonnent et ses opposants gagnent du terrain.

Mais le «guide» libyen se braque dans une attitude de déni. Tout indique qu'il se prépare pour une ultime confrontation, et que dans son délire suicidaire, il n'hésitera pas à faire assassiner des milliers de ses compatriotes.

Même si les journalistes peinent à atteindre Tripoli et que les témoignages qui en émanent restent parcellaires, les informations qui nous parviennent font craindre le pire. Le témoignage d'un médecin français qui a vécu la «bataille de Benghazi» au début du soulèvement donne une idée de la violence avec laquelle le régime réprime la révolte.

Gérard Buffet travaillait comme anesthésiste à l'Hôpital de Benghazi. Ce qu'il a raconté au magazine Le Point tient du récit d'horreur. Les forces de répression, composées de policiers, de militaires et de mercenaires étrangers ont attaqué la ville rebelle le 17 février. Le premier jour, les ambulanciers de l'hôpital ont compté 75 morts. Le lendemain, 200. Et le troisième jour, 500. «On a vu des tirs de mortier et de roquettes antiaériennes, directement dans la foule, c'était un carnage, des gens brûlés, déchiquetés.»

Hier, la boucherie semblait s'étendre à Tripoli où la police et les forces spéciales de Kadhafi attendaient les gens à la sortie des mosquées pour les arroser de balles. «Il y a au moins 40 morts à Soug al Jama», relate un habitant de la capitale sur Twitter. «Nous n'avons pas d'armes et ils tirent sur tout le monde», écrit-il un peu plus tard. Puis, ce poignant cri du coeur: «Je suis un homme sans armes, assis chez moi avec ma femme terrifiée, et mon fils innocent, et j'entends des tirs partout dans mon quartier.»

Mouammar Kadhafi a perdu tout sens de la mesure. Il est allé jusqu'à menacer d'armer des gens pour combattre les protestataires, et de traiter les journalistes étrangers comme des militants d'Al-Qaïda. Il a interdit aux médecins de soigner les blessés. Une équipe de Médecins sans frontières a bien réussi à atteindre Benghazi, mais la capitale, elle, est privée de tout secours.

À chaque jour qui passe, des centaines de Libyens risquent d'être tués par des assassins sans scrupules qui ne respectent aucune règle. Ce n'est plus possible de suivre ce scénario d'horreur les bras croisés. Il faut réagir. Et vite.

Depuis la publication d'une condamnation tiède et sans conséquences par le Conseil de sécurité, mardi, la communauté internationale a haussé le ton hier. La France réclame le départ de Kadhafi. La Suisse et la Grande-Bretagne ont gelé ses avoirs. L'Europe a décrété des sanctions, tout comme les États-Unis qui ont aussi fermé leur ambassade à Tripoli. À la traîne, selon son habitude, le Canada a fini par embarquer dans le train des sanctions.

Mais c'est aujourd'hui que l'on pourra vraiment mesurer la détermination de la communauté internationale à arrêter le massacre. Le Conseil de sécurité doit se réunir ce matin pour adopter une résolution qui pourrait geler les avoirs de Kadhafi, le menacer de poursuites pour crimes contre l'humanité, imposer un embargo sur les armes. D'autres mesures sont envisageables. Par exemple, placer le ciel libyen sous le coup d'une exclusion aérienne, pour empêcher Kadhafi de faire bombarder son peuple.

Le monde ne peut pas tout faire pour sauver les Libyens de la cruauté de leur «guide». Mais il peut faire quelque chose. Ne serait-ce que pour envoyer un message clair à ceux, parmi ses collaborateurs, qui hésitent encore à le laisser tomber. S'ils comprennent qu'ils ont tout intérêt à abandonner ce navire à la dérive, peut-être accélérera-t-on de quelques jours la chute de Kadhafi. Mais si le Conseil de sécurité reste mou ou indécis, déchiré par des dissensions, Kadhafi et ses proches tireront leurs conclusions en conséquence.

À suivre aujourd'hui, donc. Il n'y a pas de temps à perdre.