Chaque fois qu'elle sort de chez elle, Fawzia Koofi se demande si elle n'est pas visée par un tireur embusqué. Ou si son auto n'a pas été bourrée d'explosifs.

Ses craintes ne sont pas le fruit de son imagination. En septembre, la police a arrêté deux hommes soupçonnés de planifier son assassinat. Des membres d'un parti politique proche des talibans. «Il y a des gens qui veulent me tuer simplement parce que je suis moi. Mais quels sont mes choix? Me terrer à la maison pour m'occuper de ma famille? Ou essayer de faire quelque chose pour mon pays?»

Fawzia Koofi a choisi la deuxième option. Élue députée en 2005, elle a été la première femme vice-présidente du Parlement, avant d'être réélue députée en septembre. Elle n'est pas au bout de ses rêves. Prochain objectif: la présidence.

Plus de 2700 civils ont été tués en Afghanistan l'an dernier. Parmi les victimes, de plus en plus de personnalités publiques. Fawzia Koofi avoue vivre dans la peur. Mais une peur assumée, au point où elle a déjà écrit ses lettres d'adieu à ses deux filles, âgées de 11 et 12 ans.

Ces lettres sont le point de départ du récit dans lequel l'auteure raconte sa vie, depuis sa naissance, il y a 35 ans, dans une famille polygame du nord du pays. Une vie marquée par la violence. Son père, politicien connu, a été assassiné pendant la guerre civile qui a suivi le départ des troupes soviétiques. Un de ses frères a été tué par les talibans. Prisonnier des talibans, son mari a fini par succomber à la tuberculose. Ces tragédies sont entrecoupées d'une série de fuites. Et aussi, de trop brefs instants de bonheur.

Quand Fawzia Koofi est née, sa mère se sentait incapable de s'occuper du nouveau bébé. Elle l'a laissée au soleil, en espérant qu'elle meure. Mais la fillette a survécu. Et l'amour maternel a pris le dessus. Au point que Fawzia Koofi est la seule fille de sa famille à avoir fréquenté l'école. Elle aurait voulu devenir médecin. Mais cette ambition a été anéantie par les talibans. Elle enseigne donc l'anglais, s'engage dans des organisations humanitaires. Avant de se lancer en politique.

Fawzia Koofie parle vite, dans un anglais impeccable. Quand je l'ai jointe au téléphone, cette semaine, elle venait d'apprendre la mort d'un policier tué à Kunduz, dans le nord du pays. Elle était dévastée: «Les talibans gagnent de plus en plus de terrain, mais ils en ont aussi perdu dans le Nord. Cet attentat, c'est justement leur réponse aux succès de la police.»

Les talibans pourraient-ils un jour reprendre le pouvoir? «C'est ce que nous craignons tous, surtout les femmes.»

Le président Hamid Karzaï a-t-il raison de vouloir négocier avec les talibans? «Si les talibans veulent participer au processus politique, je ne crois pas que l'on doive s'y opposer. Ma crainte, c'est que Karzaï veuille les associer au pouvoir sans passer par le processus politique. Et que pour arriver, il consente à des compromis, particulièrement en ce qui concerne les droits fondamentaux des femmes.»

Comment envisage-t-elle le départ des troupes étrangères, prévu pour 2014? Il faudra faire ça progressivement, en respectant la réalité sur le terrain, avertit-elle. «Si la mission n'est pas terminée correctement, il y aura un très grand prix à payer.»

L'élection d'une femme à la présidence de l'Afghanistan est-elle seulement envisageable? «Les Afghans veulent vivre librement, comme n'importe quel autre peuple de la planète, plaide la jeune députée. Au moins, les femmes n'ont pas participé à la destruction du pays. Et les gens veulent voir de nouveaux visages.»

Fawzia Koofi croit avoir une chance de devenir présidente. Venant d'une femme qui a survécu à tant d'adversité, on a envie d'y croire...

Le livre de Fawzia Koofi, Lettres à mes filles, publié chez Michel Lafon, est en librairie depuis le 9 mars.