C'est fait: le président palestinien Mahmoud Abbas a fait hier sa grande demande et a réclamé que la Palestine devienne le 194e État membre de l'ONU.

L'événement est à la fois historique et symbolique. À court terme, il renforce les dirigeants palestiniens, qui ont résisté aux pressions internationales et sont allés jusqu'au bout de leur démarche. Chez les Palestiniens, Mahmoud Abbas a l'image d'un politicien mollasson. Et plusieurs étaient convaincus qu'il allait se défiler à la dernière minute, ou encore trouver un subterfuge pour «diluer» sa demande à l'ONU.

Ça n'a pas été le cas. En optant pour une adhésion pleine et entière, qui exige l'assentiment du Conseil de sécurité, le président palestinien a choisi d'embarrasser Washington, qui opposera vraisemblablement son veto à sa demande. Bref, ce leader plutôt accommodant s'est placé sur la voie de la confrontation diplomatique. Ce qui explique sans doute les scènes d'appui que l'on a pu voir hier, alors que des manifestants brandissaient la photo de leur président dans les rues de Ramallah. Ces images tranchaient avec l'atmosphère qui y régnait la semaine dernière, quand Mahmoud Abbas s'est adressé aux Palestiniens dans un discours télédiffusé, suscitant la plus parfaite indifférence. Dans les cafés aux trois quarts vides de Ramallah, la télé, allumée pour quelques journalistes occidentaux, jouait dans le vide. Sur la place des Lions, lieu traditionnel des rassemblements populaires, il n'y avait qu'une dizaine de policiers. Et pas l'ombre d'un manifestant. «Ah, si c'était Yasser Arafat», soupiraient des gens autour de moi...

Le sursaut d'enthousiasme d'hier pourrait n'être qu'un feu de paille. Car, dans l'immédiat, rien ne changera dans la vie des Palestiniens, ni avant le vote au Conseil de sécurité, ni après - si Washington met sa menace à exécution et rejette la demande palestinienne. Rien, sauf les représailles économiques qui risquent de leur tomber dessus.

Bref, d'ici quelque temps, les Palestiniens risquent de se dire: tout ça pour ça? Le mandat électoral de Mahmoud Abbas est expiré depuis deux ans. Sa démarche devant l'ONU était à la fois un geste de désespoir, un aveu d'impuissance et une ultime tentative d'assurer sa survie politique. S'il n'a pas d'autre tour de passe-passe dans ses poches, le leader palestinien le plus modéré (mais sûrement pas le plus inspirant) de l'histoire risque de se faire montrer la porte...

À moins que... Les Palestiniens savent très bien que, même s'ils devaient vraiment obtenir ce fameux siège à l'ONU qu'ils promènent symboliquement depuis quelques semaines, il n'y aurait rien de réglé: leur pays n'aurait pas de frontières claires, ni de capitale reconnue. D'une manière ou d'une autre, la solution du conflit passe par la négociation. Leur démarche était une sorte de forcing, une tentative de reprendre le dialogue avec Israël, mais sur de nouvelles bases, où ils se trouveraient en position de force.

Hier, le premier ministre Benyamin Nétanyahou a tendu la main à Mahmoud Abbas, lui offrant de façon ostentatoire de le rencontrer à New York. Malheureusement, c'était davantage une provocation qu'une véritable invitation à reprendre le dialogue. Car tout le reste de son discours devant l'Assemblée générale de l'ONU disait précisément le contraire... Il a prononcé son allocution sur un ton belliqueux, vilipendant le président Abbas, le Hamas et l'ONU - tous dans le même panier des grands ennemis d'Israël.

Prenant la parole avant lui, Mahmoud Abbas avait réitéré sa condition à une reprise des pourparlers: Israël doit cesser ses constructions en Cisjordanie. «Mais de quels colons parle-t-il au juste? Ceux qui habitent Tel-Aviv?», lui a rétorqué Nétanyahou. S'il avait présenté ce numéro à un concours de mauvaise foi, il aurait sûrement gagné le premier prix.

«J'espère que la lumière de la vérité va briller», a encore dit le leader israélien. La lumière de la vérité, elle est venue de l'ancien président américain Bill Clinton, qui en sait long sur les négociations de paix au Proche-Orient.

Bill Clinton s'est exprimé dans le cadre d'une conférence à New York. Ses propos ont été repris par le magazine Foreign Policy. Ce qu'il dit, en gros, c'est que la responsabilité du blocage actuel du processus de paix revient à Israël. Que les leaders palestiniens actuels seraient prêts à accepter ce que Yasser Arafat avait rejeté en 2000. Que Benyamin Nétanyahou n'a pas la moindre intention de cesser de coloniser la Cisjordanie. Et que maintenant qu'Israël a enfin ce qu'il a toujours voulu, soit un véritable partenaire pour la paix, eh bien, il ne veut pas vraiment lui parler.

Pendant ce temps, des sondages montrent que l'opinion publique israélienne est bien plus ouverte que son premier ministre. Si l'ONU reconnaît la Palestine, Israël devrait accepter cette décision et négocier avec eux, disent 69% d'Israéliens. Du côté palestinien, une vaste majorité rejette la violence et veut lutter contre la colonisation par des moyens pacifiques.

Ça va dans le sens de ce que dit Bill Clinton. En ce moment précis, le principal obstacle à la paix, c'est Benyamin Nétanyahou.