Un des grands rêves du gouvernement Charest, est de faire du Québec «une puissance nord-américaine des énergies propres». C'est déjà largement le cas, puisque le Québec est le quatrième producteur d'hydroélectricité au monde, et qu'il a de l'énergie à revendre pour ses voisins nord-américains.

Mais le rêve était au pluriel. Parce qu'on voulait inclure une autre forme d'énergie où le Québec voulait être une puissance: l'éolien. C'est un cas d'enflure verbale dont le Québec a le secret. Ça n'arrivera pas: l'Ontario et la Colombie-Britannique nous déclassent déjà. Et de toute façon, il ne fallait pas que ça arrive. Il n'y a pas de logique à ce que le Québec investisse suffisamment dans l'éolien pour en devenir une puissance.

 

Dans sa chronique d'hier, Pierre Foglia parlait des promoteurs qui rôdent pas loin de chez lui pour planter dans le paysage des éoliennes dont les gens ne veulent pas. C'est ce qui m'a donné l'idée d'écrire celle-ci. À qui la faute? D'où vient la fièvre éolienne? C'est une espèce d'élan collectif, amorcé par un rêve écologiste, repris par un gouvernement qui voulait se verdir, sous les applaudissements d'une population séduite par une énergie propre et sans douleur. Quelques années plus tard, le rêve a frappé deux murs.

Le premier, c'est celui du réel. Un parc d'éoliennes, c'est gros, c'est bruyant, ça magane le paysage. L'idée, si charmante vue du Plateau, l'est beaucoup moins quand ça arrive près de chez vous. Les mouvements d'opposition aux éoliennes ne sont pas des batailles téléguidées par des militants environnementaux. Mais un réflexe des gens pour préserver leur qualité de vie.

L'autre mur est économique. L'éolien est propre, n'émet pas de GES, mais c'est irrégulier: pas de vent, pas de mégawatts. Il faut donc d'autres formes d'énergies pour compenser, ce qui limite sa place dans un réseau. Et surtout, c'est assez cher. En 2005, Hydro a payé 10,5 cents le kilowattheure (kWh). Mais l'explosion de la demande porte maintenant le prix à 13-14 cents, quand nos grands projets hydrauliques en construction coûteront 10 cents.

Il y a quand même une logique à investir dans l'éolien, parce que ça affecte beaucoup moins l'environnement que les grandes centrales, que cela joue un rôle d'appoint utile dans un réseau hydroélectrique, à condition que le prix soit correct et qu'on trouve des endroits acceptables pour les installer. À cela s'ajoutent des raisons politiques. Le virage éolien a permis de faire accepter les barrages, il a amélioré l'image du gouvernement et il a permis de créer des jobs subventionnés en région.

Si ce n'est pas une panacée, pourquoi d'autres le font-ils? Parce qu'ils n'ont pas le choix. L'Ontario, par exemple, vient d'injecter 15 milliards dans l'éolien parce qu'elle produit 20% de son électricité avec du charbon. Pour réduire ses GES, faute d'hydroélectricité, elle est prête à payer le vent à prix fort, 13,5 cents le kWh. Cette logique ne tient pas ici.

Mais ce qui est plus fou, c'est le mythe voulant que nous puissions exporter cette énergie. Pourquoi les Américains en achèteraient-ils, quand ils peuvent en produire et qu'ils voudront des retombées économiques chez eux? Et pourquoi le Québec voudrait-il leur en vendre? Avec un prix d'exportation est de 9-10 cents le kWh les bonnes années, et de 5 cents l'an dernier, c'est surtout une façon de perdre de l'argent.

L'éolien est une bonne chose, au bon prix et au bon endroit. Mais il y a d'autres façons d'être verts. D'abord en investissant dans l'énergie la plus propre de toutes, les économies. Et ensuite, en cessant d'avoir honte de notre hydroélectricité. Il faudrait arrêter de se cacher derrière des hélices.