Depuis des mois, on assiste à un bras de fer entre McGill et la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, parce que l'université veut transformer son programme de MBA en programme privé, qui fonctionnerait sans la subvention de quelque 10 000$ du Ministère et qui serait plutôt financé par des droits de scolarité de 29 500$.

Le ton monte. Il y a quelques mois, la ministre a envoyé une lettre musclée à la rectrice Heather Munroe-Blum. Et maintenant, elle a choisi de jouer du muscle. Son ministère imposera une sorte d'amende de 28 000$ pour chaque étudiant, espérant ainsi ramener l'université rebelle dans le rang. Cette mesure punitive est franchement déraisonnable. D'autant plus qu'une autre initiative du genre, un MBA pour cadres donné par les HEC et McGill, exige des droits de 60 000$ sans se faire harceler par la ministre.

 

Mais ce qui m'a fait tomber en bas de ma chaise, c'est l'argumentaire de la ministre. «Notre responsabilité, c'est de s'assurer que la qualité de l'enseignement soit comparable dans l'ensemble du Québec. Pour moi, c'est une valeur et c'est quelque chose que l'on va continuer à défendre.»

Cette déclaration est proprement stupéfiante. Cette valeur que veut défendre la ministre, c'est l'égalitarisme dans toute sa splendeur. Une logique du tout le monde pareil. Ce qui, on le sait très bien, est aussi celle du plus petit dénominateur commun. Quand on égalise, c'est invariablement par en bas.

En partant, la prémisse de Mme Courchesne est fausse. Les universités ne sont pas comparables et leur enseignement ne l'est pas. Tout le monde sait que, dans chaque domaine, il y a des facultés et des départements qui sont meilleurs que d'autres. On peut souhaiter que l'enseignement soit le meilleur possible partout, mais ça aussi, ça passera par l'émulation, le dépassement et donc la différence, et non pas par l'uniformisation. Les universités ne sont pas nées égales. Elles n'ont pas la même mission et la même vocation. Les universités régionales n'ont pas le rôle des grandes universités de recherche.

On subodore dans tout ça un refus de l'excellence. Comparable partout, cela veut dire qu'on ne souhaite pas pousser et encourager des universités qui seraient meilleures, qui seraient capables de rayonner et de s'imposer sur la scène internationale. Cela touche davantage les grandes villes, Montréal et Québec, dont les universités sont un important levier de développement économique.

Le Québec ne pourra pas être un pôle de classe mondiale s'il n'encourage pas des institutions de classe mondiale. Il n'y arrivera pas avec la logique du tout le monde pareil. Bref, si Jean Charest veut convaincre les Québécois de s'imposer, de créer de la richesse, il devra commencer sa croisade au sein de son propre cabinet!

Le fameux programme de McGill joue justement ce rôle. Sur ses 63 étudiants, cette année, 50% proviennent de l'étranger, 30% du reste du Canada et 20% du Québec. Et l'argument de l'université, c'est qu'un programme de niveau international coûte cher. Ce qui nous ramène au problème du sous-financement chronique de nos universités. Un calibre international exige des ressources de niveau international, soit par des droits de scolarité, soit par un financement public. Ce que fait Mme Courchesne, c'est d'interdire le premier et de refuser le second.

Il y a un paradoxe dans cette chicane. Si la ministre est ulcérée par l'initiative de McGill, c'est sans doute parce que l'université ne respecte pas la règle du plafonnement des droits de scolarité. Mais le gouvernement Charest, c'est écrit dans le budget, abandonnera sa politique de gel en 2012, et entend s'ajuster progressivement aux niveaux canadiens. On veut donc punir McGill pour avoir entrouvert une porte que le gouvernement s'apprête à ouvrir tout grand.