Qu'est-ce qu'on n'a pas entendu et lu depuis une semaine? La Grèce, aux prises avec une terrible crise financière, allait imploser. La contagion emporterait aussi l'Espagne et le Portugal dans un mouvement de dominos. C'en était peut-être fait de cette nouvelle Europe et surtout de sa monnaie, l'euro. On s'est même étonné du fait que le premier ministre Harper poursuive ses efforts pour en arriver à un traité de libre-échange avec l'Union européenne.

Qu'est-ce qu'on n'a pas entendu et lu depuis une semaine? La Grèce, aux prises avec une terrible crise financière, allait imploser. La contagion emporterait aussi l'Espagne et le Portugal dans un mouvement de dominos. C'en était peut-être fait de cette nouvelle Europe et surtout de sa monnaie, l'euro. On s'est même étonné du fait que le premier ministre Harper poursuive ses efforts pour en arriver à un traité de libre-échange avec l'Union européenne.

On n'apprend manifestement pas de nos erreurs. Loin de moi l'idée de vouloir minimiser la gravité de ce qui se passe en Grèce. Mais une grande partie du climat de panique qui entoure ces événements tient à l'extrême nervosité des marchés financiers. La crise de l'an dernier aurait dû nous apprendre que ces réactions épidermiques ne constituent pas une grille de lecture utile, et que l'instabilité boursière reflète souvent des mouvements spéculatifs qu'il faut accueillir avec la plus grande méfiance. Les «marchés» qui annoncent aujourd'hui la fin du monde sont les mêmes qui n'avaient pas vu venir le tsunami à la fin 1998.

Il s'agit d'une crise sérieuse, terrible pour la Grèce, lourde à supporter pour l'Europe. Il est normal que les gouvernements, les banques centrales, et les institutions financières expriment leur inquiétude. Mais c'est le genre de crise que les autorités financières et politiques sont capables de gérer. Dans une semaine, on parlera probablement d'autre chose.

Pas en Grèce, bien sûr, où il faudra des années pour surmonter cette terrible épreuve. Le défi financier est colossal : réduire, par des mesures d'austérité brutales, un endettement sévère empiré par la récession, restaurer la confiance des prêteurs pour qui le pays est en faillite technique. Mais le défi politique sera encore plus grand. La grève générale et les manifestations qui ont mal tourné montrent à quel point le peuple grec est en situation de déni et à quel point il sera difficile de casser la culture de laxisme, d'évasion fiscale et de largesses étatiques.

La crise est également sérieuse pour l'Union européenne, manifestement vulnérable face à ses maillons faibles, dont la monnaie unique n'est pas soutenue par des mécanismes d'encadrement politique et financier suffisamment robustes. Son unité politique est fragile, comme l'a montré la réticence de l'Allemagne à venir en aide à la Grèce. Cela met en relief tout le travail qui reste à faire avant que les institutions européennes atteignent leur maturité.

Mais je me méfierais des voix qui annoncent la fin de l'Union européenne et de sa monnaie, en général des Britanniques et des Américains qui expriment surtout l'euro-hostilité anglo-saxonne. Je me méfierais aussi des thèses sur l'effet domino. Il y a là un amalgame simpliste. On ne peut comparer l'Espagne et le Portugal, malmenés par la récession mondiale, et un pays comme la Grèce qui a falsifié ses livres pendant des années.

Je me méfie surtout de ce que les anglophones appellent des «self-fulfilling prophecies». Les fameux marchés qui disent s'inquiéter contribuent, par leurs comportements, à amplifier la crise. Il y a toute une industrie qui profite des événements, des spéculateurs qui jouent contre l'euro, qui font de l'argent quand la devise européenne s'affaiblit, et qui provoquent ainsi une sorte de spirale descendante.

Je me méfie enfin de notre culture de l'immédiat, de notre tendance à gonfler les événements. Souvenons-nous de GM, dont on prédisait la mort il y a à peine un an. Le constructeur américain s'est restructuré et a déjà remboursé, cinq ans à l'avance, les huit milliards que les gouvernements américain et canadien lui avaient prêté. On oublie que, bien souvent, quand l'effort est là, le temps arrange les choses.