Lors du colloque que tenait le Parti québécois ce week-end, qui portait sur les services publics, on a entendu des idées et des mots qu'on n'associe pas d'habitude à ce parti politique. «Les Québécois veulent en avoir pour leur argent et si nous devons débureaucratiser le système et faire preuve d'audace, allons-y», a dit la chef Pauline Marois.

Mme Marois a annoncé «un virage vers l'essentiel», a parlé d'efficacité, de performance en santé. On s'est posé des questions sur la pertinence des commissions scolaires, des agences régionales de santé, et même sur le panier de services que devrait offrir un régime public de santé.

 

Est-ce que le PQ est en train de se métamorphoser en ADQ? Est-ce que le PQ est en train de virer à droite, comme le craignent ses membres les plus militants? C'est une mauvaise façon de poser le problème. On ne voit pas en quoi le souci de bien dépenser les fonds publics et d'améliorer les services trahirait les objectifs de la social-démocratie. C'est le PQ, ne l'oublions pas, qui a implanté au Québec la doctrine du déficit zéro.

Mais il est clair que la démarche de ce forum de réflexion s'inscrit dans le repositionnement qu'a réussi à imposer Mme Marois. Il s'agit d'un virage important qui amène les péquistes, comme en rêvait François Legault, à commencer à s'attaquer aux vaches sacrées. Cela reflète un changement du PQ, mais aussi un changement du contexte économique et politique.

Il est assez évident que la crise financière que vit le Québec, la nécessité d'éliminer le déficit et ensuite de réduire la dette domineront les priorités de ceux qui nous gouvernent pour des années et des années. Il aurait été inconcevable que la formation de Mme Marois soit indifférente à ces enjeux.

Mais ce qui est quand même étonnant, c'est qu'on le fasse avec une vigueur et une précision qui ne sont pas habituelles pour un parti de l'opposition si loin d'une campagne électorale, et qui a une solide tradition de pelletage de nuages. Ce que cela suggère, c'est que le Parti québécois se sent plus proche du pouvoir, et que ses réflexions ressemblent à l'ébauche d'un programme de gouvernement.

Ce recentrage amène les péquistes carrément sur le terrain des libéraux, celui du contrôle des dépenses, de la remise en cause des façons de faire de l'État. En fait, le PQ comble un vide. Les libéraux sont impopulaires, surtout en raison de la multiplication des allégations de favoritisme. Mais la méfiance des citoyens déborde largement ces questions et bien des gens ne font plus confiance au gouvernement Charest même pour limiter les dépenses et faire le ménage. Le message qu'a envoyé Mme Marois ce week-end, c'est qu'un gouvernement péquiste ferait mieux qu'un gouvernement libéral pour bien gérer les finances publiques et améliorer les services.

Ce n'est cependant pas sans risques pour le Parti québécois, parce que ces appels à la rigueur et à la performance affecteraient bien davantage des groupes qui forment sa clientèle traditionnelle, à commencer par les employés de l'État et le monde syndical. Historiquement, la façon péquiste d'acheter des votes et de bien traiter ses amis passait par le gonflement de l'appareil d'État.

Ce virage péquiste devrait changer la nature du débat politique, puisque les principaux partis sont sur la même longueur d'onde pour assurer la rigueur et l'efficacité des services publics. En principe, au lieu de ces débats stériles où l'opposition tente d'empêcher le gouvernement de gouverner, on pourrait entrer dans une espèce de cercle vertueux, une surenchère entre partis pour savoir quelle est la meilleure façon d'atteindre des objectifs sur lesquels on s'entend. Je sais, c'est naïf.