La visite de la reine Élisabeth II est peut-être la dernière visite royale que nous connaîtrons. Parce que la reine, âgée, voyagera probablement de moins en moins. Et parce qu'il y a de bonnes chances pour que son successeur ne règne jamais sur le Canada.

La visite de la reine Élisabeth II est peut-être la dernière visite royale que nous connaîtrons. Parce que la reine, âgée, voyagera probablement de moins en moins. Et parce qu'il y a de bonnes chances pour que son successeur ne règne jamais sur le Canada.

On a pu voir, à l'occasion de ce voyage royal, le cheminement des Canadiens à l'égard de la monarchie. Élisabeth II a été accueillie avec affection, mais sur un fond d'indifférence polie, qui reflète le fait que le Canada anglais, évidemment plus attaché à la couronne britannique que le Québec francophone, voit aussi de plus en plus cette institution comme une survivance du passé. Dans bien des esprits, le moment le mieux choisi pour passer à autre chose sera quand la reine passera le flambeau à son successeur.

Le débat ne consiste donc plus vraiment à savoir s'il faut, oui ou non, abandonner la monarchie. Le vrai débat porte plutôt sur le comment. Par quoi remplacer la monarchie ? Et surtout, comment y arriver de la façon la plus simple possible.

Parce que, sur le fond, la cause est déjà entendue. Une monarchie, même constitutionnelle, avec sa transmission héréditaire de la charge, s'accorde assez mal avec les principes démocratiques qui sous-tendent nos pays. On peut s'en accommoder, par amour de la tradition, par sentiment identitaire, par inertie, comme le font les Belges, les Hollandais, les Danois, les Suédois, les Norvégiens, les Britanniques, les Espagnols. Malgré l'anachronisme, ça fonctionne assez bien.

La chose est moins évidente quand le monarque est celui d'un pays étranger, comme dans le cas du Canada. C'est un symbole d'une ère coloniale révolue. Et le reflet d'une époque où les liens entre le Canada et le Royaume-Uni étaient beaucoup plus forts. Ce n'est plus vrai depuis que celui-ci s'est tourné vers l'Europe, et depuis l'affaiblissement du Commonwealth.

Comment y mettre fin? Ça peut avoir l'air simple. Il suffirait d'éliminer le rôle de la reine et celui de son représentant, le gouverneur général. Eh bien non. Cela laisserait un trou. La reine et son représentant jouent un rôle constitutionnel et politique, un mécanisme de dernier recours, certes théorique, face à un gouvernement et à un premier ministre tout-puissants. Si on veut mettre fin à l'institution monarchique, il faut la remplacer par quelque chose.

Deux grandes options s'offrent à nous. La première, c'est d'en profiter pour vraiment changer le système, et devenir une véritable république, avec un vrai président, comme en France et aux États-Unis. L'idée est peut-être attrayante, mais cela représenterait un bouleversement considérable de nos institutions politiques et de notre parlementarisme de type britannique.

L'autre option, c'est de maintenir le principe d'un chef d'État dont la fonction est essentiellement symbolique et protocolaire, mais de confier la tâche à un président, plutôt qu'à un monarque. C'est le cas en Italie, en Irlande, en Israël ou en Allemagne. Reste alors à trouver la meilleure façon de choisir ce président.

Ça ne peut pas être une nomination du premier ministre, qui se retrouverait à choisir celui ou celle qui doit être son chien de garde. Idéalement, le processus doit être le moins politique et le moins partisan possible, pour que ce président soit vraiment au dessus de la mêlée, ce qui exclut un processus électif classique.

Mais même en circonscrivant ainsi les enjeux, il n'en reste pas moins que cela exigerait des débats peut-être émotifs, et des changements constitutionnels auxquels les Canadiens sont allergiques. Est-ce que le jeu en vaut la chandelle? Oui, parce qu'il faut que les symboles qui définissent un pays reposent sur autre chose que l'immobilisme et l'inertie.

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Sur ce, bon été à tous. Cette chronique reprendra à la mi-août.