La question qui nous hante, lorsqu'il s'agit de santé, c'est de savoir s'il sera possible, avec l'explosion des coûts, de maintenir la qualité des soins et de financer le système dans les années à venir.

La question qui nous hante, lorsqu'il s'agit de santé, c'est de savoir s'il sera possible, avec l'explosion des coûts, de maintenir la qualité des soins et de financer le système dans les années à venir.

On ne le sait pas vraiment. On ne comprend pas avec assez de précision les mécanismes qui contribuent à l'augmentation des coûts et, à plus forte raison, comment ces facteurs joueront à l'avenir. Est-ce que l'entrée des baby-boomers dans le monde du troisième âge, notamment, provoquera un «tsunami gris» qui déferlera sur le système? On n'a pas la réponse.

Dans cette réflexion importante, le grand sondage rendu public lundi par l'Association médicale canadienne, qui révèle que 80% des Canadiens sont inquiets des pressions exercées sur le système par les baby-boomers, ne nous est pas d'un grand secours.

Techniquement irréprochable, ce sondage, qui a permis de parler de «tsunami gris», est le cas-type d'un sondage complaisant, commandé par un organisme pour faire valoir son point de vue, avec des questions où l'on met la réponse dans la bouche des répondants. Si on demande aux gens à quel point ils sont préoccupés par la possibilité suivante: «que le système de santé ne soit plus en mesure d'offrir le même niveau de couverture lorsque les membres de la génération du baby-boom atteindront l'âge de la retraite», il est assez évident qu'ils vont répondre que cela les préoccupe.

Cette démarche parfaitement circulaire ne fournit pas beaucoup d'informations, sinon de mesurer le degré de sensibilité des citoyens à l'importance de l'enjeu ou leur réceptivité à des réformes. Ce n'est sans doute pas inutile pour un organisme comme l'AMC qui a beaucoup fait pour faire prendre conscience de l'importance des défis qui nous attendent.

Mais ce qu'il est important de savoir, ce n'est pas que les gens soient inquiets, mais s'ils ont raison de l'être. Si l'AMC peut jouer un rôle utile, ce n'est pas en se faisant le porte-voix de l'opinion publique, et de sa relative ignorance, mais en utilisant ses connaissances dans le domaine pour éclairer les citoyens et les accompagner dans leur réflexion.

Qu'en est-il? Bien des analystes n'ont pas cette inquiétude, notamment parce que les baby-boomers arrivent à la retraite en bonne santé, qu'ils ont plus de moyens que leurs aînés. De toute façon, à mon avis, c'est un faux débat, en ce sens que l'explosion a déjà commencé avant même que la pression du baby-boom ne s'exerce. Nous sommes déjà dans une période où la croissance des coûts est difficile à soutenir, à cause des nouvelles technologies, des médicaments, du prolongement de la vie, des attentes des citoyens. Le vieillissement des baby-boomers, même si son impact est modéré, ne pourra faire autrement qu'empirer une situation déjà difficile.

Mais quelle sera la gravité de ces pressions? C'est ce qu'on a du mal à savoir, encore plus au Canada, en raison du caractère sacré de notre système de santé, ce qui en fait un terrain miné par l'idéologie, avec des prophètes de malheur qui en remettent, et des jovialistes, notamment dans nos universités, qui nient tout impact du vieillissement, de peur d'ouvrir la porte à un vent de réformes.

C'est ce qui a amené la vérificatrice générale du Canada, Sheila Fraser, qui prenait la parole cette semaine à l'assemblée annuelle de l'AMC, à noter que nous ne disposions pas des projections à long terme sur les coûts du système qui nous permettraient d'y voir plus clair. Est-ce que le système est viable? «Le problème avec cette question, a-t-elle dit, c'est que, non, nous n'avons pas la réponse.»