Les intervenants de la ville de Québec ont versé un quart de million à la firme Ernst &Young pour que celle-ci définisse un «modèle d'affaires optimal» pour un nouvel amphithéâtre multifonctionnel dont rêve la Vieille Capitale.

Les intervenants de la ville de Québec ont versé un quart de million à la firme Ernst &Young pour que celle-ci définisse un «modèle d'affaires optimal» pour un nouvel amphithéâtre multifonctionnel dont rêve la Vieille Capitale.

Et quel est ce fameux «modèle d'affaires» recommandé? La création d'une société d'État! Et quel serait son plan d'affaires? Un amphithéâtre de 400 millions de dollars payé par les gouvernements! Et quel serait son chiffre d'affaires? Si tout va bien, un léger surplus d'exploitation de 1 million, mais comme ce modèle «optimal» prévoit que l'État devrait continuer à injecter 4,5 millions par année en fonds publics pour l'entretien et la rénovation, cela donne une perte de 3,5 millions par année. Méchant modèle d'affaires et délicieuse définition de l'optimalisation.

Et tout cela, en supposant que tout va bien, c'est-à-dire que la construction d'un nouvel amphithéâtre permettra d'augmenter l'offre et de faire passer le nombre de jours d'événements de 85 à 117, et que cette offre additionnelle attirera aussi une clientèle plus vaste de touristes et de citoyens des autres provinces.

Ce genre d'étude est parfaitement insupportable. Les 204 pages du document peuvent avoir une certaine utilité, pour montrer ce qui se fait ailleurs, pour donner un ordre de grandeur assez général des sommes en jeu. Mais ce n'est pas un plan d'affaires, ça ne peut pas servir de base pour justifier un projet majeur ou convaincre des gouvernements d'allonger des centaines de millions.

Est-ce à dire qu'il faut s'opposer à la croisade du maire Régis Labeaume? Pas nécessairement. Il y a de très bons arguments pour justifier la construction d'un nouvel amphithéâtre à Québec, mais pas cette étude complaisante. Il faut poser le problème autrement.

Ce qui brouille le portrait, c'est l'idée que ce nouveau Colisée est nécessaire pour assurer l'arrivée d'une équipe de la LNH. Même si ça se fait ailleurs, le financement du hockey professionnel avec des fonds publics est très agaçant. D'autant plus que les gains sont douteux, si ce n'est le plaisir des amateurs. Le retour au Canada d'une franchise déficitaire aux États-Unis ne mettra pas Québec sur la «mappe». Elle ne fait qu'illustrer les déboires de ce sport chez nos voisins du Sud. L'argument des Jeux olympiques est lui aussi fragile, parce que la sagesse voudrait qu'on construise le stade une fois que Québec aura été choisie comme ville-hôtesse des Jeux.

Par contre, sachant que cela n'est pas rentable dans la plupart des villes, un amphithéâtre multifonctionnel est néanmoins un équipement collectif utile, comme un théâtre ou une salle de concert. Il permet la tenue d'activités sportives et culturelles, améliore la qualité de vie, soutient le tourisme et peut avoir des effets structurants. Il serait logique que Québec, notre deuxième pôle urbain, soit doté d'un tel équipement de qualité, d'autant plus que son Colisée Pepsi commence à faire dur. En outre, Québec, contrairement à certaines banlieues américaines, est parfaitement capable de remplir un grand amphithéâtre, même sans ligues majeures.

Conceptuellement, dans cette logique d'équipements collectifs, un investissement public dans un amphithéâtre peut donc pleinement se justifier. À condition de se poser les bonnes questions. Est-ce qu'on a les moyens? Y a-t-il d'autres équipements collectifs plus prioritaires? Est-ce à Québec que les besoins sont les plus criants? Quel devrait être «le modèle d'affaires optimal» pour augmenter la contribution des acteurs privés?

L'enthousiasme du premier ministre Jean Charest, déjà prêt à allonger 175 millions, et l'intérêt du gouvernement Harper font craindre que nos gouvernements ne se soient pas posé ces questions. Ce qui les intéresse, c'est de savoir où il est le plus rentable politiquement de distribuer leurs millions. La réponse, ils la connaissent: c'est Québec.