L'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, consacre le tiers des 179 pages de son étude annuelle sur le Canada au système de santé canadien. Et ce n'est pas pour faire l'apologie émue d'un système modèle, mais pour proposer des changements profonds au système actuel.

L'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, consacre le tiers des 179 pages de son étude annuelle sur le Canada au système de santé canadien. Et ce n'est pas pour faire l'apologie émue d'un système modèle, mais pour proposer des changements profonds au système actuel.

Ce qui est peut-être le plus intéressant dans cette étude, c'est sa description du régime de santé canadien. Les auteurs doivent réussir à expliquer notre système de soins à des lecteurs d'autres pays. C'est là qu'on voit à quel point notre système, qui interdit la participation financière des patients et qui exclut le privé, est non seulement atypique, il est difficile à comprendre pour un observateur extérieur.

Ce que décrit l'OCDE, avec ce regard extérieur, c'est un système schizophrène. D'un côté, il est pur et dur, universel et gratuit pour les visites médicales et les prestations hospitalières. Et de l'autre, c'est le laisser-faire pour ce qui n'est pas la médecine comme on la définissait en 1960: médicaments, sauf au Québec, soins dentaires, thérapies diverses, soins à domicile, accompagnement des personnes âgées. Progressiste pour la médecine classique et réactionnaire pour le reste.

Bien sûr, les recommandations d'un organisme international ne sont pas des paroles d'Évangile, surtout dans un domaine aussi complexe que la santé, où il n'y a ni vérité ni recettes toutes faites, où l'histoire et les valeurs jouent un rôle important, où les clivages idéologiques sont fréquents. Mais l'OCDE nous fournit des informations essentielles avec son bagage d'études sur la santé, ses comparaisons entre les systèmes, ses analyses des meilleures pratiques.

Cette analyse comparative permet heureusement de noter que l'explosion des coûts qui menace le Canada n'est pas plus marquée qu'ailleurs. La croissance actuelle des coûts au Canada, à l'horizon 2050, 13,5% - ou encore 10,8% si on réussit à maîtriser les coûts - se situe dans le même ordre de grandeur qu'ailleurs. S'il y a une différence, elle est dans la rigidité de notre système qui rendra les réformes plus difficiles.

Bien sûr, certains se méfieront des recommandations de l'OCDE, à qui on colle une étiquette de droite. Ce sont des catégories usées. On le voit au fait que l'une de ses grandes recommandations de réforme, c'est un élargissement important de la couverture de notre système de santé pour couvrir les «produits pharmaceutiques essentiels et, à terme, les soins à domicile, une sélection de thérapies et les services infirmiers». L'OCDE propose au Canada d'élargir son système public, pas de le rapetisser.

Pour que cela soit toutefois possible, l'organisme propose des mesures visant à contrôler les coûts. Plusieurs peuvent se mettre en oeuvre sans remettre en cause les fondements du système: repenser le financement des hôpitaux sur la base de leurs activités, introduire un élément de capitation dans la rémunération à l'acte des médecins, contrôler le prix des médicaments génériques, utiliser les technologies de l'information et des communications.

Mais il sera difficile d'assurer la viabilité du système sans toucher à la sacro-sainte Loi canadienne de la santé. D'où deux recommandations qui touchent un nerf sensible: la participation à la dépense pour les patients «en imposant un ticket modérateur et des franchises», ainsi que «l'entrée du secteur privé dans les services hospitaliers et des contrats mixtes privés-publics pour les médecins, de manière à stimuler la concurrence et l'innovation dans l'offre de services».

La plupart des mesures proposées par l'organisme international ne sont pas nouvelles. Mais elles fournissent une caution morale à ceux qui souhaitent transformer le système canadien de santé et qui ne croient pas que le statu quo soit viable ou souhaitable. C'est un petit pas de plus pour faire bouger les choses.