Sans tambour ni trompette, le ministre des Finances du Québec, Raymond Bachand, a abandonné l'idée d'imposer un ticket modérateur en santé. Il a constaté, reprenant une expression du président de la Fédération des médecins spécialistes, le Dr Gaétan Barette, que «la culture du Québec n'est pas prête pour cela».

Sans tambour ni trompette, le ministre des Finances du Québec, Raymond Bachand, a abandonné l'idée d'imposer un ticket modérateur en santé. Il a constaté, reprenant une expression du président de la Fédération des médecins spécialistes, le Dr Gaétan Barette, que «la culture du Québec n'est pas prête pour cela».

Est-ce que cela signifie que les Québécois sont des «pissous», timorés, incapables d'accepter le changement? Je croirais plutôt que les «pissous» se retrouvent du côté de ceux qui nous dirigent. On n'a pas un problème de culture, mais bien un problème de leadership.

Ceux qui ont dénoncé ce projet avec le plus de vigueur ne sont pas les citoyens, mais les organismes et associations du monde de la santé qui se sont opposés en bloc à un ticket modérateur, qui aurait bousculé leur statu quo. Et du côté politique, affirmer que les Québécois ne sont pas prêts, c'est une façon polie de dire que les politiciens ne sont pas prêts à affronter l'opinion publique avec un projet difficile.

Ce qui est drôle, c'est que j'ai publié une chronique mercredi matin, quelques heures avant la volte-face de M. Bachand, où je saluais une étude de l'OCDE sur le système de santé canadien qui recommandait justement l'introduction d'un ticket modérateur. Méchant timing! L'ironie, c'est que cet organisme international avait des bons mots pour le Québec! «Néanmoins, l'attitude des Canadiens est peut-être en train de changer. Le Québec, qui a été si souvent l'un des premiers à réformer son système de santé, a lancé l'idée d'une possible franchise maladie dans l'avenir.» Ce sera pour la prochaine fois!

Même si le gouvernement a choisi de ne pas aller de l'avant, il est dommage qu'il ait aussi abandonné l'idée d'une consultation publique.

Ce débat aurait été utile, pour cheminer dans notre réflexion sur les réformes en santé et pour retomber sur le plancher des vaches.

Si cette mesure a été critiquée, à juste titre, pour son absence de progressivité, le gros de l'opposition tenait au fait qu'elle remettait en cause les fondements d'un système de santé qui, au Canada, revêt une dimension identitaire. C'est d'ailleurs pourquoi le Québec, dont les mythes sont ailleurs, devrait être mieux placé pour initier des réformes. Le ticket modérateur est perçu comme une mesure qui restreint l'accès au système et qui compromet sa justice. La députée péquiste Agnès Maltais a bien repris à son compte ce mythe «Canadian» en déclarant que cette volte-face était «une victoire pour tous ceux qui ont à coeur l'accès aux soins de santé».

On nage dans l'irrationnel. On sait que les tickets modérateurs sont la norme dans le monde industrialisé (France, Allemagne, Suède, etc.). On devrait savoir, comme le dit l'OCDE, que «le cas du Canada est tout à fait exceptionnel en ce sens qu'aucune forme de paiement n'est demandée aux patients pour les services de base». On sait aussi que ces autres pays n'ont pas de leçons à recevoir du Canada en ce qui a trait à la justice de leur système de santé.

Bien sûr, il y a bien d'autres avenues pour améliorer notre système de santé, comme le mode de financement des hôpitaux, le développement de la première ligne, l'informatisation. Mais on constate que ça ne bouge pas. L'introduction d'un ticket modérateur aurait pu être un catalyseur, une façon de casser le moule et de créer une culture de changement.

Il y a aussi un petit détail. Cette franchise devait rapporter un demi-milliard en 2013-2014. Où va-t-on le trouver? Le ministre Bachand a donné la pire réponse qui soit, la logique qui incarne l'immobilisme et la culture de la dépendance: demander plus d'argent à Ottawa.