En France, le temps n'a pas arrangé les choses. Au lieu de s'apaiser, le mouvement d'opposition à la réforme des pensions du président Sarkozy a pris de l'ampleur au fil des semaines. Après les millions de syndiqués dans la rue, après le blocage des dépôts de carburant, ce sont les lycéens qui sont entrés dans la danse. Et les grandes centrales syndicales préparent deux autres journées «d'action nationale».

En France, le temps n'a pas arrangé les choses. Au lieu de s'apaiser, le mouvement d'opposition à la réforme des pensions du président Sarkozy a pris de l'ampleur au fil des semaines. Après les millions de syndiqués dans la rue, après le blocage des dépôts de carburant, ce sont les lycéens qui sont entrés dans la danse. Et les grandes centrales syndicales préparent deux autres journées «d'action nationale».

Il est difficile de résister à la tentation de comparer cette crise sociale au stoïcisme avec lequel les Britanniques ont accueilli les brutales mesures d'austérité annoncées par leur nouveau gouvernement. Il est difficile aussi de ne pas juger les Français à travers le prisme de nos propres valeurs et de notre culture de rigueur fiscale.

J'ai eu, à ce sujet, un intéressant échange avec mon collègue du Devoir Christian Rioux, à l'émission de Christiane Charette, qui me disait qu'on ne pouvait pas demander aux Français d'être des Anglais ou des Suédois. Il avait bien raison. On ne pourra pas plaquer à la France des solutions venues d'ailleurs.

Mais ce qu'il faudrait se demander, c'est comment les Français, tout en restant ce qu'ils sont, sans perdre leur identité, trouveront des façons qui leur sont propres pour amorcer les transformations dont leur pays a cruellement besoin, s'ils veulent continuer à être ce qu'ils sont.

De l'extérieur, il peut paraître bizarre que des étudiants de 18 ans et moins se mobilisent pour dénoncer un projet dont l'essentiel est de reporter l'âge légal de la retraite de 60 à 62 ans et de prolonger la période de cotisations. Cela reflète tout simplement le fait que le mouvement de protestation dépasse largement la question des retraites, qu'il canalise une opposition au président Sarkozy et à l'ensemble de son oeuvre, qu'il exprime une réaction à la détérioration des conditions de vie.

Les lycéens, quant à eux, réagissent au sort peu enviable de la jeunesse dans la société française. On l'avait vu il y a trois ans avec l'explosion des banlieues. Le problème est plus vaste. Le taux de chômage des 25 ans et moins atteint 23,3%. Un véritable drame social. Et quand les jeunes travaillent, c'est souvent dans un contexte de précarité.

C'est par le biais du chômage que les jeunes Français font un lien entre leurs problèmes et le débat sur les retraites, avec l'argument que le prolongement forcé de la période de travail des «seniors» les privera d'un million d'emplois. Ce raisonnement, en apparence logique, illustre en fait tout ce qui ne va pas en France. C'est la même logique que l'absurde politique de la semaine des 35 heures. Au lieu de créer des emplois, on essaie de les partager. Ça ne marche pas.

C'est au contraire la situation actuelle qui bloque les jeunes. Un marché du travail où les privilèges dont jouissent leurs aînés, les charges sur la masse salariale, les rigidités, notamment pour les licenciements, sont tels que les employeurs font tout pour ne pas embaucher : ils investissent dans la machinerie, ils délocalisent leurs activités à l'étranger, où ils se limitent à forfait d'embauche précaire.

L'assouplissement du marché du travail, y compris les réformes de la retraite, est la seule façon de donner aux jeunes Français les mêmes chances qu'aux jeunes des autres pays avancés.

Le succès de ces réformes, ce serait aussi une façon pour la France, qui a toujours été une source d'inspiration à travers le monde, de retrouver un leadership qu'elle a manifestement perdu. Ce pays, incapable de changer, prisonnière de ses démons, n'est plus un modèle, et ses politiques sociales et économiques n'inspirent plus grand-chose, sinon, au mieux, la perplexité.