Pour la plupart d'entre nous, le mouvement populiste du Tea Party est une aberration politique purement américaine, dont nous observons les ravages avec un mélange de fascination et d'incrédulité, bien à l'abri au nord de notre frontière du 45e parallèle.

Pour la plupart d'entre nous, le mouvement populiste du Tea Party est une aberration politique purement américaine, dont nous observons les ravages avec un mélange de fascination et d'incrédulité, bien à l'abri au nord de notre frontière du 45e parallèle.

Mais ce mouvement de colère populaire et de droite dogmatique pourra avoir, par la bande, un effet non négligeable sur la vie politique canadienne, notamment pour les politiques environnementales.

On a pu voir, depuis trois ans, que le gouvernement Harper s'intéresse peu aux questions environnementales et qu'il a cherché à en faire le moins possible dans le dossier des changements climatiques. Pour justifier leur inaction, les conservateurs ont développé un argumentaire de la logique continentale: l'importance pour le Canada de ne pas faire cavalier seul et de développer une approche commune avec les États-Unis.

En choisissant de s'ajuster aux États-Unis, le Canada a cessé d'avoir une politique propre dans le domaine environnemental, surtout pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre, a abandonné sa souveraineté pour confier en fin de compte la définition de ses politiques nationales au Congrès américain.

Cette démission a pu sembler être un demi-mal lorsque Barack Obama est arrivé à la Maison-Blanche, parce que ses projets ambitieux dans le dossier environnemental forceraient la main à notre gouvernement conservateur. Mais l'administration Obama n'a pas pu imposer sa vision à la Chambre des représentants et au Sénat, même si les démocrates contrôlaient les deux chambres. Les méandres, les tractations, le jeu des lobbies qui caractérisent le fonctionnement du Congrès ont forcé le nouveau président à modérer ses ambitions. Le gouvernement Harper n'a pas été forcé de sortir de sa zone de confort.

Maintenant que les républicains ont repris le contrôle de la Chambre des représentants aux élections de mi-mandat, la question environnementale restera, au mieux, au point mort. Au pire, les républicains, galvanisés par leurs résultats électoraux, et poussés par la présence en leur sein d'élus provenant de la mouvance du Tea Party, tenteront de défaire ce que l'administration Obama avait réussi à implanter, en santé comme en environnement. C'est ainsi que la montée populiste aux États-Unis pourra affecter le Canada.

L'inaction canadienne risque en outre d'être renforcée par le départ du ministre de l'Environnement Jim Prentice, un conservateur modéré, qui avait réussi à redonner un élan aux politiques environnementales de son gouvernement.

Dans ce vacuum politique, il y a heureusement des contrepoids. L'un d'entre eux provient des provinces canadiennes et des États américains, qui exercent maintenant le leadership environnemental. Un autre contrepoids, plus étonnant, provient du monde des entreprises.

Plus tôt cette semaine, un rapport du Conseil canadien des chefs d'entreprise, qui représente les très grandes entreprises, dit au gouvernement canadien qu'il n'a pas à attendre les États-Unis, qu'il doit se doter d'une politique de tarification du carbone, qu'il faut redoubler d'efforts pour la conservation de l'énergie.

Cette intervention est moins étonnante qu'elle n'en a l'air. Cet organisme s'est déjà exprimé énergiquement sur la question. Parce que la grande entreprise doit tenir compte du long terme et des enjeux globaux. Parce qu'elles préfèrent une réglementation claire à l'anarchie. Et surtout, comme l'explique bien leur document, parce que le potentiel énorme du Canada comme puissance énergétique est indissociable de sa capacité d'être aussi une puissance environnementale, capable d'innover.

Il faut espérer que le gouvernement Harper finisse par entendre ces messages. Parce qu'il y a une autre possibilité, un scénario du pire, où les conservateurs, dans le dossier environnemental comme dans d'autres, fassent le dos rond, et attendent pendant deux ans le retour des républicains.