On pourrait avoir l'impression que le Québec est au coeur d'un intense et déchirant débat idéologique. La droite se sent muselée. La gauche se sent menacée. Des mouvements de droite commencent à poindre, comme Réseau Liberté-Québec. La gauche syndicale essaie de se mobiliser autour de l'Alliance sociale. Le Devoir s'inquiétait, sur la foi d'un sondage, du fait que les Québécois font leur les priorités de la droite.

On pourrait avoir l'impression que le Québec est au coeur d'un intense et déchirant débat idéologique. La droite se sent muselée. La gauche se sent menacée. Des mouvements de droite commencent à poindre, comme Réseau Liberté-Québec. La gauche syndicale essaie de se mobiliser autour de l'Alliance sociale. Le Devoir s'inquiétait, sur la foi d'un sondage, du fait que les Québécois font leur les priorités de la droite.

Quand on y regarde de plus près, il n'y a ni crise idéologique ni montée de la droite. On assiste d'abord à une normalisation de la vie politique québécoise. Ensuite, aux effets du passage du temps. Enfin, à un grand malentendu sémantique sur ce que sont la droite et la gauche.

Le premier changement est de nature locale. L'essoufflement du projet souverainiste réduit la polarisation du paysage politique québécois, jusqu'ici dominé par deux coalitions qui s'étaient formées autour de leur option constitutionnelle. Cela permet à des forces politiques de s'exprimer sur autre chose que le débat national, ce qui a donné un élargissement de l'éventail politique, avec la naissance de l'ADQ, de Québec solidaire, et maintenant de Liberté-Québec et de la coalition autour de François Legault.

Le second phénomène est global, l'effondrement de la gauche. Il s'explique surtout par l'échec des diverses déclinaisons du projet socialiste. Ce n'est pas que la droite ait triomphé grâce à la force de ses idées ou à un sombre complot néolibéral. Il y a plutôt eu une implosion de ce qu'on appelait la gauche.

Depuis, les nostalgiques ont eu tendance à décrire comme de droite tout ce qui a occupé le vacuum qu'ils ont laissé. Pourtant, partout dans le monde industrialisé, sauf aux États-Unis, on voit bien qu'il n'y a ni refus de l'État providence, ni réduction du poids de l'État dans l'économie, ni remise en cause des grandes missions sociales. Le cas de François Legault est révélateur. On qualifie son mouvement de droite, quand on sait que l'ex-ministre veut faire de l'éducation une priorité et qu'il a été partisan d'une hausse des impôts pour financer les services publics. On est loin du crédo néo-libéral.

Il est vrai que le discours a changé. On insiste bien davantage sur la rigueur budgétaire, au grand dam des rescapés des années 70. Mais est-ce la victoire d'une idéologie dominante, ou plus simplement une adaptation à un nouvel environnement, où quatre décennies de déficit ont mené l'endettement à un nouveau critique? On essaie de moins compter sur l'État. Est-ce un virage ou le fait que les recettes que l'on croyait magiques il y a un demi-siècle ont montré leurs limites?

Si le terme de gauche décrit un parti pris envers le progrès social, la lutte à la pauvreté, la solidarité, on constate que souvent, les batailles de la gauche servent bien mal ces objectifs. C'est le cas des mesures universelles, comme le gel des droits de scolarité, qui favorisent les classes moyennes au détriment de ceux qui sont dans le besoin. C'est le cas de l'attachement à notre modèle de santé, même s'il est moins accessible et moins juste que la plupart des systèmes européens.

Dans bien des cas, les batailles associées à la gauche servent moins le progrès social qu'elles expriment un attachement à des batailles qui ont pris valeur de symbole.

En fait, il faudrait arrêter de décrire le monde politique en termes de droite et de gauche. Cela ne veut plus dire grand-chose. Les choses seraient plus claires si on arrêtait de situer l'éventail des idées politiques sur un axe horizontal gauche-droite. Un axe vertical décrirait bien mieux les enjeux et la nature des débats : avant-après, reculer-avancer, derrière-devant.