Ça va mal pour les libéraux. Leur défaite dans Kamouraska-Témiscouata n'est qu'un événement qui s'ajoute à la longue série noire qui afflige ce parti, impopulaire et affaibli.

Qu'est-ce que cela annonce pour l'avenir? Jean Charest va-t-il être capable de remonter la côte? Je ne suis pas un maître de l'art divinatoire. Le premier ministre a une résilience remarquable et est capable de rebondir. Mais son taux de popularité est si bas, 16% dans notre dernier CROP - un record -, qu'on peut se demander s'il a atteint un point de non-retour. Cependant, bien des choses peuvent se passer en deux ans.

Mais on peut dire sans se tromper que les sondages, tout comme ce résultat électoral, constituent une très mauvaise nouvelle pour les libéraux et une excellente nouvelle pour les péquistes. Même si Pauline Marois a beaucoup de mal à pleinement profiter du désarroi de ses adversaires, l'avance de 15 points qu'elle détient sur eux lui procure de très bonnes chances de remporter les prochaines élections.

Par contre, il y a, dans la situation actuelle, une très mauvaise nouvelle pour tous les Québécois, quelle que soit leur coloration politique. Si rien ne change, le Québec risque fort de vivre dans un climat de crise politique permanente et d'être dirigé par un gouvernement affaibli jusqu'aux prochaines élections, pendant deux longues années.

Un gouvernement a besoin d'appuis pour diriger, qui lui donnent sa légitimité et qui lui permettent d'exercer son autorité. Impopulaire, il aura du mal à s'imposer, à convaincre, ou à inspirer confiance - on a vu ce que cela donne dans le dossier du gaz de schiste. La faible popularité d'un gouvernement donne également des ailes aux oppositions, celle de l'Assemblée nationale et toutes les autres.

Ce qui nous menace, c'est la paralysie. On a pu voir, dans la deuxième moitié du premier mandat du gouvernement Charest, à quel point un gouvernement affaibli peut être freiné dans son action, et tenté d'éviter de prendre des décisions impopulaires, surtout à l'approche d'une échéance électorale.

Cette crise politique larvée arrive à un mauvais moment, parce que le gouvernement du Québec a du pain sur la planche, à commencer par la gestion de finances publiques malmenées par la récession. Le dernier budget du ministre Raymond Bachand a proposé une feuille de route pour éliminer l'énorme déficit qui nous menace. Mais le gros des décisions, souvent impopulaires, n'a pas encore été mis en oeuvre.

C'est le cas de la hausse de la TVQ ou de la contribution santé, qui prennent effet en 2011. C'est aussi l'an prochain que frapperont les premières compressions budgétaires, dont on ne connaît pas le détail. Cela fera mal, et pour mener ce difficile combat, il faudra avoir les reins solides.

L'inaction du gouvernement Charest ne profiterait pas au Parti québécois. Parce qu'elle renforcera un cynisme qui éclabousse l'ensemble de la classe politique. Et parce que le PQ a tout intérêt à ce que le sale travail de restauration des finances publiques soit fait par les libéraux, avant qu'il ne tente de leur ravir le pouvoir.

Comment éviter cette menace de paralysie? D'abord, il faut absolument que le gouvernement Charest bouge dans le dossier de la construction, pour casser la dynamique actuelle. Que ce soit avec des résultats tangibles de l'opération Marteau, ou, à défaut d'une commission d'enquête, avec des mécanismes convaincants de nettoyage de l'industrie.

Ensuite, et surtout, il ne faut pas lâcher. Même impopulaire, le gouvernement libéral a un mandat et une mission qu'il doit poursuivre. Ce serait d'ailleurs la meilleure façon de remonter la pente. Voilà le défi de Jean Charest.