La rémunération horaire des travailleurs québécois de la construction du Québec dépasse de 9% celle des leurs collègues ontariens, même si le coût de la vie au Québec est inférieur de 10% à celui de la province voisine. Est-ce normal?

La rémunération horaire des travailleurs québécois de la construction du Québec dépasse de 9% celle des leurs collègues ontariens, même si le coût de la vie au Québec est inférieur de 10% à celui de la province voisine. Est-ce normal?

Il y a une autre façon d'interpréter les données de Statistique Canada. En Ontario, la rémunération horaire dans la construction dépasse de 9,8 % la rémunération moyenne du secteur privé, 30,29$ contre 27,58$. Au Québec, le salaire de la construction dépasse de 31,3 % celui du privé, 33,03$ contre 25,15$! Si nos travailleurs de la construction avaient le même statut qu'en Ontario, ils gagneraient 20 % de moins!

Cet écart salarial est certainement le principal facteur qui explique pourquoi les coûts de construction sont plus élevés au Québec. Les distorsions dans les appels d'offres, la collusion, la trop faible concurrence jouent certainement. Mais le niveau des salaires, dans une industrie à intensité de main-d'oeuvre, est déterminant.

Cet écart salarial n'est pas tombé du ciel. Il est le produit d'un régime tout à fait unique au Québec. Ce système nous coûte cher, il ne fonctionne pas bien, et il explique beaucoup les dérives qui font l'objet des manchettes depuis des mois.

C'est quoi, ce régime québécois? D'abord un décret qui rend obligatoire l'appartenance à un syndicat à l'échelle de la province. Un travailleur non syndiqué n'a pas le droit de travailler sur un chantier, ce qui n'est pas le cas en Ontario. Cela mène à de pénibles périodes de maraudage, mais surtout, cela crée une situation de cartel.

Ensuite, une anomalie dans le processus de négociation, qui se fait entre les centrales, où dominent la FTQ, et les associations patronales. Ceux qui paient la note - donneurs d'ouvrage, grandes entreprises, villes, gouvernements - sont absents du processus. En fin de compte, ils se font refiler une facture sur laquelle ils n'ont pas de contrôle.

C'est aussi un régime où les entreprises de construction ou les maîtres d'oeuvre de projets ne choisissent pas leurs employés. Ce sont les syndicats qui fournissent la main-d'oeuvre. C'est, en soi, une aberration dans une société qui valorise la productivité et la qualité de vie au travail. Mais surtout, cela donne un pouvoir énorme aux syndicats, qui, en choisissant les travailleurs, ont une influence sur la bonne marche d'un chantier.

Cela peut parfois mener à de terribles dérives, comme à la Gaspésia. Cela peut aussi ouvrir la porte à des abus, par exemple la tentation de verser des pots-de-vin pour s'assurer d'avoir sur son chantier des travailleurs compétents. On imagine le pouvoir considérable d'un entrepreneur qui entretient des liens d'amitié avec le monde syndical, qui s'assure ainsi la paix et la productivité sur ses chantiers. Et les problèmes d'un entrepreneur qui n'a pas les « unions » de son bord.

De l'autre côté de la barrière, il n'existe pas de mécanismes efficaces pour exclure de l'industrie et des appels d'offres les entrepreneurs à la feuille de route douteuse.

Tout cela pour dire que, quand un système est pourri à la base, il a tendance à corrompre ceux qui y oeuvrent. Pour nettoyer l'industrie de la construction, il ne faut pas seulement s'attaquer aux pommes pourries. Il faut changer le panier. C'est le système qu'il faut repenser.

Cette réforme nécessaire de l'industrie de la construction dépasse largement le champ d'action des enquêtes policières. Cela peut prendre d'autres formes qu'une commission d'enquête. Mais il faut faire quelque chose pour s'attaquer à cette industrie malade. Une société qui veut se développer, qui veut des investissements, ne peut se permettre que son industrie de la construction soit un boulet.