Je ne suis pas un partisan de Québec solidaire. Je ne voterais pas pour eux. Je suis assez clairement de l'autre côté de la barrière, même je trouve très artificielle la façon que nous avons d'opposer lucides et solidaires.

Je ne suis pas un partisan de Québec solidaire. Je ne voterais pas pour eux. Je suis assez clairement de l'autre côté de la barrière, même je trouve très artificielle la façon que nous avons d'opposer lucides et solidaires.

Mais je trouve, et j'ai trouvé depuis le début que ce petit parti de gauche joue un rôle utile et positif dans notre vie politique. Cela mérite d'être souligné au moment où Québec solidaire fête le cinquième anniversaire de sa fondation.

Pourquoi positif? Pour trois raisons. La première, la plus fondamentale, c'est que Québec solidaire représente des gens. Il reflète «un courant d'opinion qui a sa place, comme les autres», disait sa co-chef Françoise David à l'émission de Christiane Charrette. Au plan strictement démocratique, il y a des Québécois qui se reconnaissent dans cette forme de socialisme, assez nombreux pour mériter une place, et éventuellement quelques-unes, à l'Assemblée nationale.

La deuxième raison, peut-être un peu tordue, c'est que leur présence assainit le paysage politique. Elle a paradoxalement permis au PQ de se recentrer en cessant de tenter d'être tout à la fois. Elle a mis fin à une anomalie de notre paysage politique, où le terrain de la gauche, au lieu d'être occupé par un vrai parti politique, était monopolisé par le mouvement syndical, qui joue très mal ce rôle, avec tendance à confondre les idées progressistes et les intérêts de ses membres.

La troisième raison, c'est que cette gauche joue un rôle utile. Nous ne vivons pas dans un monde simpliste qui se divise entre lucides et solidaires, entre progressistes généreux et sombres néolibéraux. Il y a beaucoup plus de convergence qu'on le croit. Les Québécois, dans leur très grande majorité, sont attachés au progrès social, même s'ils n'en ont pas la même définition.

Les forces politiques plus proches du centre, qui détiennent le pouvoir, et qui sont certainement mieux équipées pour assurer le développement économique, ont besoin de cette gauche, de ses sensibilités, de ses préoccupations, pour leur rappeler les réalités qu'elles pourraient avoir tendance à oublier.

Mais une fois que ces choses gentilles ont été dites, il faut aussi souligner aussi les limites de ce courant. Québec solidaire est marginal. Son score, qui dépasse 10 % dans les sondages, peut paraître élevé, mais cela reflète, comme l'appui au Parti vert, un sursaut d'impatience envers les grands partis. En élection, cet appui fond. Il y a deux ans, seulement 122 418 personnes ont voté pour Québec solidaire, 3,78% du vote.

Et rien n'indique une montée inexorable de ce petit parti. Parce que les Québécois aimeront QS, tant qu'ils n'auront pas lu son programme. Ça n'a rien à voir avec la social-démocratie. Il s'agit plutôt d'une forme de néo-marxisme, qui semble se rapprocher du modèle vénézuélien, résolument anticapitaliste, en faveur d'un renforcement de l'État et d'une fiscalité musclée. Les membres du parti sont actuellement en réflexion programmatique pour savoir s'il faut accepter l'entreprise privée en la balisant ou plutôt nationaliser les secteurs stratégiques ou encore transformer les entreprises privées en coopératives.  

On a donc tendance à gonfler le poids réel de ce petit parti. À cause de la sympathie dont il jouit dans les médias, où il est difficile de ne pas voir un effet Plateau. Mais aussi parce que son co-chef et seul député, Amir Khadir, est devenu le politicien le plus apprécié des Québécois, selon un sondage Léger Marketing. Ce succès tient moins à ses idées qu'à son rôle, celui de défenseur des causes justes, celui de pur, qui n'a rien à vendre, qui ne sera jamais en situation de conflit d'intérêts, et qui n'aura jamais à faire de choix.