Un groupe de personnalités québécoises a publié un manifeste hier pour dénoncer les politiques énergétiques du gouvernement Charest et plaider en faveur d'une propriété collective des ressources naturelles.

Un groupe de personnalités québécoises a publié un manifeste hier pour dénoncer les politiques énergétiques du gouvernement Charest et plaider en faveur d'une propriété collective des ressources naturelles.

Ce regroupement est essentiellement un club des ex : Bernard Landry, ex-premier-ministre, Claude Béland, ex-président du Mouvement Desjardins, Gérald Larose, ex-président de la CSN.

Leur intervention donnera sans donne plus de vigueur au courant déjà assez fort au Québec en faveur de la nationalisation des éoliennes, des ressources gazières et pétrolières. Ce modèle, très rare en Occident, est devenu la marque de commerce de la patrie d'Hugo Chavez. Mais pourquoi voudrait-on faire du Québec un Venezuela du nord? Il y a manifestement une pointe d'anticapitalisme dans la démarche. Et beaucoup de passéisme.

Le Québec est confronté à un enjeu tout à fait nouveau pour lui: la possibilité qu'il devienne un producteur d'énergies fossiles, une production qui bousculerait son rapport traditionnel à l'environnement et qui le forcerait à développer un modèle pour profiter collectivement de la richesse procurée par ces ressources.

Jusqu'ici, il y a un grand absent dans ce débat, et c'est celui qui devrait en être le pilier et l'animateur, le gouvernement du Québec. On a vu les énormes ratés du gouvernement Charest dans le dossier du gaz de shale, et maintenant dans celui du potentiel pétrolier de l'île d'Anticosti.

La démarche de cette coalition n'est pas qu'énergétique, elle est aussi politique, sinon partisane. Cette coalition regroupe essentiellement des gens qui, de façon générale, s'opposent au gouvernement Charest. Ils ont trouvé un dossier où les libéraux, avec leurs gaffes et leurs incohérences, se sont mis dans une situation de grande vulnérabilité. La nature a horreur du vide. Le gouvernement libéral, par ses manquements, a ouvert la porte à des interventions comme celle de cette coalition.

Ce qui est dommage, c'est que cette nouvelle approche suinte la nostalgie. «Aujourd'hui, quand on voit des décisions comme celles du gouvernement Charest, a par exemple dit Claude Béland, on constate que le projet de société [qui prévalait dans les années 1960] est carrément modifié.» Connaissez-vous beaucoup de sociétés qui ne modifient pas leur projet de société au bout de 50 ans?

L'attrait pour les nationalisations s'explique aussi par notre méconnaissance de l'industrie pétrolière et notre tendance à y plaquer le modèle de l'hydroélectricité. Avec l'eau des rivières, on a une assez bonne idée de l'énergie que l'on peut produire. Pas avec du pétrole enfoui dans un sous-sol qu'on ne connaît pas. D'où bien des dérives, qui rendent un peu ridicule l'envolée verbale de Gérald Larose qui parle d'un «trésor public inestimable dont on a été dépossédé».

Il est impératif que cette production, si elle se concrétise, profite à la collectivité. Mais comment? La participation de l'État, comme actionnaire, est une bonne façon de profiter des retombées, et d'exercer un certain contrôle sur l'industrie. Mais dans la plupart des pays, c'est par le biais des redevances que l'exploitation des ressources enrichit la collectivité.

On oublie pourquoi on a nationalisé l'électricité dans les années 60. C'était pour créer un réseau où les tarifs seraient uniformisés, et pour se lancer dans de grands projets hydroélectriques que le secteur privé ne voulait pas entreprendre. Dans le cas du pétrole et du gaz, la nationalisation, au stade où nous sommes, celui de l'exploration, implique que l'État se lancerait dans une activité risquée, dont il ne connaît pas les rudiments, qui exige des capitaux spéculatifs.

La propriété collective n'est ni la seule solution, ni la meilleure. Sinon, pourquoi ne pas aussi nationaliser les chaînes d'alimentation, ou l'agriculture au grand complet, pour engranger les profits?