Le ministre québécois des Finances, Raymond Bachand, a annoncé la semaine qu'il déposera son budget le 17 mars, cinq jours avant le dépôt du budget fédéral. La chose est inusitée. D'habitude, les provinces préfèrent qu'Ottawa passe d'abord, parce que le budget fédéral peut contenir des éléments importants pour leur propre stratégie budgétaire.

Pourquoi M. Bachand était-il si pressé? Il l'a expliqué lui-même. Il craint de passer sous le radar s'il attend le dépôt du budget de Jim Flaherty, qui risque fort de provoquer la chute du gouvernement conservateur et le déclenchement d'élections fédérales. Mais la question reste entière. Pourquoi M. Bachand tient-il tant à ce que son budget, qui contiendra nécessairement plus de mauvaises nouvelles que de bonnes, soit sous les feux des projecteurs?

On peut y voir le calcul politique d'un gouvernement qui essaie de trouver un second souffle, et qui peut profiter du budget pour marquer des points de deux façons.

Tout d'abord, l'économie québécoise va bien, ce qui permet aux libéraux de rappeler à un électorat qui l'a oublié qu'ils ont aussi fait des bons coups. Le Québec a moins été frappé par la récession mondiale que ses voisins, s'en est sorti plus vite, a créé des emplois à un rythme impressionnant. Le ministre des Finances peut souligner ces choses dans son budget et tenter de s'attribuer une part de la responsabilité.

Mais la crise a provoqué le gonflement d'un déficit qu'il faut maintenant éliminer. Cela exigera des mesures impopulaires. Cependant, cela peut avantager les libéraux qui voudront profiter de la position inconfortable où s'est mise l'opposition péquiste dans ce dossier, en dénonçant le fait que le gouvernement puisse profiter de la croissance économique pour combattre le déficit, et en insistant pour que sa réduction passe d'abord par le contrôle des dépenses. Le PQ s'est ainsi fait le partisan des compressions - qui font invariablement mal -, ce qui permet aux libéraux de se camper comme des apôtres de la modération et de la préservation des services publics.

Dès le début de la récession, par la voix de sa ministre des Finances d'alors, Monique Jérôme-Forget, le gouvernement Charest a abandonné le principe du déficit zéro et a créé un déficit temporaire pour soutenir la relance, tout en promettant ensuite un retour rapide à l'équilibre en trois ans. Le déficit est ainsi passé à 3,2 milliards en 2009-2010, et à 4,2 milliards en 2010-2011, année financière qui se termine à la fin du mois. Il devra être ramené à 2,9 milliards en 2011-2012, année qui commence, à 1,2 milliard l'an prochain, pour être éliminé en 2013-2014.

La réduction du déficit, ça commence donc maintenant. Est-ce possible? Dans son discours inaugural, le premier ministre Charest a maintenu le cap. C'est le prochain budget qui nous dira si l'engagement tient la route.

Plusieurs mesures de retour à l'équilibre ont déjà été annoncées: hausse de la TVQ, taxe sur l'essence, lutte contre l'évasion fiscale, gestion serrée des sociétés d'État, négociations réussies avec la plupart des employés de l'État. Ce qui reste à faire, c'est le contrôle des dépenses. Leur croissance annuelle doit être limitée à 2,1% pendant trois ans, pour récupérer 5,2 milliards. Un effort majeur, très difficile, dont les contours sont encore assez flous.

Le débat sera là. Certains ne croient pas que le gouvernement Charest y parviendra, comme le Conference Board, et surtout l'opposition péquiste qui estime que les libéraux ont perdu le contrôle de leurs dépenses.

Le budget du 17 mars sera donc un test de crédibilité pour le gouvernement libéral. Après les promesses, ce sera le temps des détails précis, après les projections, celui des résultats concrets.