La Presse a révélé l'existence d'une autre initiative de nature privée dans le merveilleux monde de la santé. Cette fois-ci, il s'agit de DocTel, un service qui permet d'avoir accès rapidement à un médecin par téléphone pour le traitement de problèmes mineurs, pour la somme de 38$.

La Presse a révélé l'existence d'une autre initiative de nature privée dans le merveilleux monde de la santé. Cette fois-ci, il s'agit de DocTel, un service qui permet d'avoir accès rapidement à un médecin par téléphone pour le traitement de problèmes mineurs, pour la somme de 38$.

Même si ça ne paraît pas, il y a un lien avec la campagne électorale fédérale. Les problèmes que soulève cet incident sont exactement ceux dont les chefs de parti ne veulent surtout pas parler: le financement de la santé et le rôle de la Loi canadienne sur la santé, qui vont certainement sauter à la figure du prochain premier ministre du Canada.

Si un service comme DocTel existe, c'est parce qu'il comble un besoin. Le système, sous-financé, en proie à des pénuries, ne fournit pas. Les gens qui vivent un petit problème de santé exigeant le recours à un médecin savent qu'ils devront attendre des heures, à l'urgence, aux cliniques sans rendez-vous.

Et ce système a d'autant plus de mal à répondre à ces pressions que sa capacité d'adaptation est entravée par une loi rigide. Cette loi canadienne défend, sur papier, de nobles objectifs de justice, de gratuité, d'égalité. Mais il y a une coupure entre les principes et la réalité. À l'heure actuelle, nous sommes surtout égaux dans l'attente.

Tout cela explique la façon tordue avec laquelle nous abordons les enjeux de santé. Dans le cas de DocTel, on commence par se demander si c'est légal, sans se rendre compte qu'on est le seul pays qui pose la question en ces termes. Au lieu de se demander si c'est de la bonne médecine et si cela sert les citoyens.

Cela explique aussi le désarroi des autorités face aux initiatives plus ou moins heureuses qui se multiplient, difficiles à encadrer parce qu'on n'accepte pas leur existence. On revit donc, chaque fois, le même scénario : révélation dans les médias, stupeur des autorités, débat enflammé, promesse d'intervenir. On réagit à la pièce, au lieu de bien encadrer.

Le plus comique, c'est que DocTel semble bien légal. La loi interdit aux médecins d'exiger un paiement pour des services couverts par la Régie de l'assurance maladie. Or, comme la RAMQ ne rémunère pas les interventions téléphoniques, DocTel peut le faire. On doit se demander par quelle aberration, en 2011, les services par téléphone ne sont pas rémunérés.

Cela met en relief un problème d'organisation des soins. Si les médecins étaient payés pour leurs prestations par téléphone ou par internet, si le rôle des pharmaciens était élargi, un service comme DocTel, qui est certainement un pis-aller, une médecine de dépannage, au mieux un mécanisme de triage, ne serait sans doute pas nécessaire.

Parce qu'on vit dans le monde clos d'une médecine publique, le caractère marchand de l'opération inquiète bien du monde. On dira que le privé fait de l'argent sur le dos des malades. Quand on pourrait également dire que le privé a su identifier un besoin réel, y donner une réponse et ainsi contribuer à réduire les pressions sur le système. On pourrait aussi souligner qu'on ne reproche aux épiceries de faire de l'argent sur le dos des consommateurs quand ils leur procurent un bien encore plus essentiel, la nourriture.

Encore une fois, on défend le système au lieu de penser d'abord aux patients, les grands oubliés. La rareté du temps est devenue un grand problème pour les familles. Pour la plupart des gens, payer 38$ pour ne pas perdre trois ou quatre heures, pour ne pas passer un long moment dans l'inconfort et les microbes d'une salle d'attente, c'est une véritable aubaine. Et ça aussi, ça fait partie de l'équation.